Le représentant américain du Commerce, Robert Lighthizer (c), la ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeland et le ministre mexicain de l'Economie Ildefonso Guajardo Villarreal, lors d'une conférence de presse, le 17 octobre 2017 à Washington © AFP ANDREW CABALLERO-REYNOLDS
Face aux difficiles discussions sur la renégociation du traité de libre-échange nord-américain (Aléna), le Canada, les Etats-Unis et le Mexique ont décidé de s’accorder plus de temps pour parvenir à un accord.
« Nous ne voyons pas d’indication sur le fait que nos partenaires sont disposés à procéder à un quelconque changement qui se traduirait par un rééquilibrage et une réduction de colossaux déficits commerciaux », a estimé le représentant américain du Commerce (USTR) Robert Lighthizer lors d’une conférence de presse conjointe à l’issue d’une quatrième session de discussions à Arlington près de Washington.
Les Etats-Unis jugent l’Aléna responsable de leur déficit commercial avec le Mexique qui s’élève à plus de 64 milliards de dollars et que Donald Trump veut absolument réduire.
« Nous avons constaté une série de propositions peu conventionnelles qui rendent notre travail bien plus difficile », a réagi de son côté la ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeland.
« Selon nos calculs », une des propositions « donnerait au Canada et au Mexique un accès aux marchés publics américains inférieur à celui dont Bahrein jouit actuellement », a-t-elle ainsi déploré.
Mme Freeland visait aussi une proposition relative au mécanisme de règlement des litiges en matière de droits compensateurs et de dumping.
Les Etats-Unis entendent supprimer ce dispositif qui, jusqu’à présent, a été favorable au Canada, notamment sur le contentieux du bois de construction.
Ce litige a connu de nombreux rebondissements depuis 1983, les producteurs américains accusant leurs homologues canadiens d’exporter ce bois aux Etats-Unis à un prix de dumping, c’est-à-dire inférieur aux coûts de production.
Sur cette question, les Canadiens ont le soutien des Mexicains qui souhaitent eux aussi son maintien.
« Nous devons reconnaître que nous avons encore beaucoup de travail », a renchéri le ministre mexicain de l’Economie Ildefonso Guajardo Villarreal, qui a jugé « totalement inacceptables » certaines propositions dont celle d’ajouter une clause dite « sunset » permettant de mettre un terme à l’Aléna au bout de cinq ans.
Face aux difficultés, « des sessions de négociations vont être programmées au premier trimestre 2018 », a annoncé Robert Lighthizer alors que les trois parties ambitionnaient initialement de terminer d’ici la fin de l’année dans la perspective d’élections au Mexique et aux Etats-Unis l’an prochain.
– « Travailler ensemble » –
Les négociateurs sont en outre convenus de se laisser davantage de temps avant la prochaine rencontre qui se déroulera à Mexico du 17 au 21 novembre prochain.
« Le fait de se donner plus de temps est une approche pragramatique, intelligente », a relevé Mme Freeland, soulignant qu’une négociation dans un délai très court n’était pas appropriée s’agissant d’un accord aussi complexe.
Elle a invité les négociateurs à revenir à la table des négociations avec des idées « fraîches, créatives, innovantes », soulignant la « réelle opportunité » de parvenir à un nouvel accord « gagnant-gagnant-gagnant ».
« Continuons de travailler ensemble », a exhorté de son côté le ministre mexicain dont le pays est fortement dépendant de l’Aléna.
La quatrième session s’est déroulée dans un climat particulièrement tendu entre Washington et Ottawa sur le dossier aéronautique.
A quelques heures de la fin de ces discussions, le constructeur aéronautique canadien Bombardier a accepté de s’allier avec l’avionneur européen Airbus, rival historique de l’américain Boeing, dans le segment des appareils moyen-courriers.
C’est un soutien crucial apporté au programme CSeries de Bombardier en difficulté et cible de l’administration Trump qui entend lui imposer des droits compensatoires et taxes antidumping pouvant atteindre quelque 300% sur ses appareils livrés aux Etats-Unis.
Pour soutenir les ventes du CSeries, les deux avionneurs projettent d’installer une ligne d’assemblage à Mobile (Alabama, Sud) où Airbus est déjà implanté, avec en ligne de mire le marché américain.
Cette alliance est une forme de pied de nez à Donald Trump qui dénonce l’Aléna comme un accord destructeur d’emplois américains et qui entend « faire revenir les emplois aux Etats-Unis ».
Parmi les autres sujets de contentieux entre les deux pays nord-américains le système canadien de « gestion de l’offre » pour le lait, les oeufs et la volaille.
Les représentants américains ont demandé la fin des tarifs et des quotas d’ici à dix ans.
Mme Freeland a réitéré la stricte opposition d’Ottawa à cette proposition. « Nous diffuserons toujours notre système de gestion de l’offre », a-t-elle insisté tout en soulignant que « les producteurs laitiers américains bénéficient aussi de subventions du gouvernement » se traduisant par plus d’exportations américaines vers le Canada.
« M. Lighthizer a parlé de l’importance de relations équilibrées. Dans ce domaine, je pense que c’est une balance très favorable pour les Etats-Unis », a-t-elle conclu.
LNT avec Afp