Selon les trois entreprises, la nouvelle entité emploiera environ 25 000 personnes à travers l’Europe et affichera un chiffre d’affaires de 6,5 milliards d’euros à fin 2024, avec un carnet de commandes équivalant à plus de trois années de ventes. Le lancement opérationnel est prévu pour 2027, sous réserve de l’approbation de la Commission européenne.
Le ministre français de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Espace, Philippe Baptiste, a salué la naissance d’un futur « champion du spatial à l’échelle de l’Europe ». Selon lui, cette alliance permettra d’« investir davantage, d’innover plus et de mettre le spatial au service de l’autonomie stratégique européenne ». Même son de cloche du côté de Roland Lescure, ministre français de l’Économie, qui a qualifié le projet d’« excellente nouvelle » pour la souveraineté européenne, évoquant la création d’un « champion européen des satellites ».
Le siège social de la nouvelle entité sera installé à Toulouse, où les trois groupes disposent déjà d’importantes infrastructures industrielles et de recherche. Airbus détiendra 35 % du capital, contre 32,5 % pour Thales et autant pour Leonardo. L’entreprise sera dirigée sous un contrôle conjoint, avec une gouvernance dite « équilibrée ».
Cette fusion d’envergure suscite toutefois des inquiétudes syndicales. La CGT Métallurgie dénonce un projet susceptible de créer un monopole, affaiblissant selon elle le pouvoir du Cnes et de l’Agence spatiale européenne (ESA). Le syndicat rappelle qu’Airbus et Thales Alenia Space disposent déjà d’un carnet de commandes « record » difficile à honorer. De son côté, FO Métaux estime que cette fusion pourrait ouvrir la voie à un « nouvel équilibre industriel », à condition que les savoir-faire français soient préservés. Le syndicat insiste sur la nécessité d’éviter toute perte d’emploi.
Un responsable d’Airbus a toutefois tenu à rassurer : « Avec un marché en croissance, nous ne voyons à ce stade aucune fermeture de site ni mesure spectaculaire ». Thales a également indiqué avoir suspendu les suppressions de postes prévues dans sa branche spatiale, notamment grâce au contrat Iris2, la future constellation européenne de télécommunications.
Le projet Bromo s’inscrit dans une stratégie européenne plus large visant à consolider l’industrie spatiale autour de pôles forts, à l’image d’Airbus dans l’aéronautique. Le directeur général de l’ESA, Josef Aschbacher, a d’ailleurs exprimé son soutien au projet, soulignant la nécessité pour l’Europe d’être « plus alignée » face à la concurrence internationale. Les dirigeants du consortium affirment s’être inspirés du modèle de MBDA, créé il y a 25 ans dans le secteur des missiles, et fonctionnant déjà sur le principe d’une gouvernance partagée entre plusieurs acteurs européens.
« Nous avons trouvé un équilibre qui permettra à la fois de préserver la souveraineté des États et de renforcer la compétitivité européenne », a assuré un haut responsable d’Airbus. Le projet Bromo ambitionne ainsi de donner naissance à un véritable « Airbus de l’espace », symbole d’une Europe unie face aux géants américains du secteur. Mais avant de concrétiser cette vision, les partenaires devront convaincre Bruxelles, les syndicats et leurs propres salariés que la coopération ne se fera pas au détriment de l’emploi ni de l’indépendance technologique nationale.
LNT avec AFP