Le président sud-africain Cyril Ramaphosa salué par des partisans, le 8 mai 2019 à Soweto © AFP Michele Spatari
La victoire du Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis 1994, aux élections législatives se confirmait vendredi en Afrique du Sud mais avec un score en nette baisse qui va compliquer les promesses de réformes du président Cyril Ramaphosa.
Au terme d’une deuxième longue nuit de dépouillement, l’ANC avait recueilli 57,1% des suffrages dans plus des trois-quarts (83%) des bureaux de vote déjà comptabilisés, en recul de cinq points par rapport à 2014.
S’il se confirme, ce résultat constituerait la plus mauvaise performance du parti de Nelson Mandela à des législatives.
L’ANC devrait toutefois conserver la majorité absolue des 400 sièges de l’Assemblée nationale et Cyril Ramaphosa, élu par les députés, son fauteuil de chef de l’Etat.
Prudent, le parti s’est jusque-là garder de crier victoire.
« Nous avons gagné largement (…), il est clair que nous allons gouverner sans besoin d’une coalition », a lâché à l’AFP son porte-parole, Dakota Legoete. « On aurait pu s’attendre à mieux », a-t-il toutefois concédé, « pour nous c’est une piqûre de rappel qui nous impose de faire de notre mieux ».
M. Ramaphosa était attendu vendredi après-midi au centre national de comptage de la Commission électorale (IEC) à Pretoria.
« Une victoire avec 57% prive l’ANC de la marge de sécurité de 62% qu’il détenait depuis 2014 », a noté l’analyste Daniel Silke, « s’il n’améliore pas la gouvernance et sa politique, même le président de la +Nouvelle Aube+ Cyril Ramaphosa aura du mal à tenir ses promesses ».
– ‘Nous pouvons réussir’ –
Derrière la formation du président, l’Alliance démocratique (DA), principal parti d’opposition, pointait en deuxième position avec 21,7% des voix, en légère baisse par rapport à 2014 (22,2%).
« Nous n’avons pas réussi cette fois-ci », a concédé vendredi son chef de file Mmusi Maimane. « Mais croyez-moi », a-t-il ajouté, « que ce soit en 2021 (aux municipales) ou 2024 (aux législatives), nous prouverons à ce pays que nous pouvons réunir tous les Sud-Africains (…) et apporter le changement à cette nation ».
Sur la troisième marche du podium, les Combattants pour la liberté économique (EFF, gauche radicale) de Julius Malema enregistraient une forte progression, juste au-dessus de la barre symbolique des 10%. En 2014, ils avaient totalisé 6,35%.
« Nous sommes satisfaits de notre position puisque nous sommes nettement au-dessus de nos résultats de 2014 », s’est réjoui à l’AFP un des responsables du parti, Dali Mpofu.
Vainqueur de tous les scrutins post-apartheid, l’ANC a vu sa popularité plonger sous le règne émaillé de scandales de l’ancien président Jacob Zuma (2009-2018).
Aux élections locales de 2016, l’ANC avait même touché le fond en n’obtenant que 54% des voix au niveau national.
Malgré sa popularité, Cyril Ramaphosa n’a pu que limiter la casse.
Depuis qu’il a poussé le président Jacob Zuma à la retraite début 2018, il a promis de « réparer » les « erreurs » de son parti, d’éradiquer la corruption et relancer l’économie. mais un an plus tard, l’ancien syndicaliste reconverti en homme d’affaires à succès a tardé à concrétiser ses promesses.
– ‘Pourri jusqu’à la moelle’ –
Tout au long de sa campagne électorale, il a été confronté à l’impatience et la colère d’une part croissante de la population face à la corruption, au chômage de masse (27%) et aux inégalités criantes qui persistent, un quart de siècle après la chute du régime de l’apartheid et l’avènement de la démocratie.
« Nous leur avons donné vingt-cinq ans (de pouvoir) mais les pauvres sont toujours plus pauvres et les riches encore plus riches », a résumé en votant mercredi Anmareth Preece, une institutrice de 28 ans, électrice à Coligny (nord-ouest).
L’opposition n’a pas non plus épargné l’ANC, dénonçant un parti « pourri jusqu’à la moelle » et appelant au « changement ».
Avec cette performance électorale médiocre, la plupart des observateurs prédisent à Cyril Ramaphosa des difficultés à faire accepter ses projets de réformes au clan de l’ex-président Zuma, qui dispose toujours de forts soutiens au sein de l’ANC.
M. Ramaphosa doit être investi dès le 25 mai. La composition de son prochain gouvernement révèlera alors la marge de manoeuvre politique dont il dispose.
« On attend du président qu’il s’affranchisse de son parti pour former une équipe ministérielle (débarrassée) des +pommes pourries+ qui ont mal géré l’économie et sont impliquées dans la corruption », a indiqué à l’AFP Lumkile Mondi, de l’université du Witwatersrand à Johannesburg. Réponse dans quelques semaines.
LNT avec AFP