Accord UE-Mercosur : la France demande un report et ravive les tensions à Bruxelles
La dernière phase des négociations autour de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur s’annonce particulièrement tendue, après la demande formulée par la France de reporter l’examen du texte par les États membres. Cette prise de position intervient alors que les Vingt-Sept doivent se prononcer cette semaine à Bruxelles sur un accord négocié depuis plus de vingt-cinq ans avec l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay et le Paraguay.
Paris estime que les garanties apportées à ce stade ne permettent pas de protéger suffisamment les agriculteurs français. « Les exigences françaises n’ont pas été remplies », a indiqué l’exécutif, précisant que le président Emmanuel Macron a sollicité auprès de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, un report de l’examen du texte. Une telle demande vient perturber un calendrier déjà serré, alors que la Commission espère pouvoir signer l’accord dès ce week-end au Brésil, en marge du sommet du Mercosur à Foz do Iguaçu.
Cette initiative française intervient dans un contexte de mobilisation accrue du monde agricole. Plusieurs syndicats européens ont annoncé des manifestations à Bruxelles, où jusqu’à 10.000 agriculteurs sont attendus jeudi, en marge d’un sommet des chefs d’État et de gouvernement. Les organisations professionnelles redoutent notamment une concurrence accrue sur le marché européen, liée à l’importation facilitée de produits agricoles sud-américains tels que la viande, le sucre, le riz, le miel ou le soja.
De son côté, la Commission européenne maintient sa ligne. Elle met en avant les bénéfices attendus de l’accord pour l’économie européenne, notamment en matière d’exportations de voitures, de machines, de vins et de spiritueux, dans un contexte marqué par le ralentissement économique, la concurrence chinoise et les tensions commerciales avec les États-Unis. Plusieurs pays, dont l’Allemagne, l’Espagne et des États scandinaves, soutiennent activement la conclusion rapide du traité et rejettent l’idée d’un report en 2026.
Sur le plan institutionnel, l’adoption de l’accord ne requiert qu’une majorité qualifiée des États membres, ce qui limite la capacité d’un seul pays à bloquer le processus. Certains observateurs estiment toutefois que l’Italie, dont la position a fluctué ces derniers mois, pourrait jouer un rôle d’arbitre. Un diplomate européen a averti qu’un échec cette semaine pourrait ouvrir une « crise politique majeure » au sein de l’Union.
Parallèlement au vote des États membres, le Parlement européen doit se prononcer dès mardi sur des mesures dites de « sauvegarde », destinées à rassurer les filières agricoles. Ces dispositions prévoient un suivi renforcé des produits sensibles et des mécanismes d’intervention en cas de perturbation du marché. La Commission a également annoncé un renforcement des contrôles sur les importations agricoles et une mise à jour des règles relatives aux résidus de pesticides afin de garantir le respect des normes européennes.
Même en cas de signature de l’accord dans les prochains jours, le processus restera inachevé. Le texte devra encore être soumis à l’approbation définitive du Parlement européen, probablement début 2026. Plusieurs sources anticipent un vote serré, marqué par de fortes oppositions nationales, notamment en France et en Pologne, auxquelles pourraient s’ajouter des groupes politiques critiques de la libéralisation commerciale.
LNT
