L'émissaire de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, le 3 mars 2017 à Genève © POOL/AFP SALVATORE DI NOLFI
L’ONU avait prévenu: il n’y aura pas de miracle à Genève. Si huit jours de discussions sur la Syrie n’ont pas permis d’avancée majeure, de tous petits pas ont été accomplis, et aucun des belligérants n’a pris le risque de claquer la porte des négociations.
Alors que la guerre en Syrie, qui a fait plus de 310.000 morts et des millions de réfugiés, va entrer le 15 mars dans sa septième année, la quatrième session de pourparlers de Genève s’achemine vendredi vers sa conclusion, selon des sources proches des négociateurs.
Le médiateur de l’ONU Staffan de Mistura devait enchaîner les rendez-vous avec toutes les parties: la délégation du régime, celle du Haut comité des négociations (HCN, principale délégation de l’opposition), et les opposants proches de la Russie, le « Groupe du Caire » et le « Groupe de Moscou ».
Premier à s’exprimer vendredi, le représentant du groupe du Caire, Jihad al-Makdissi, ex porte-parole de la diplomatie syrienne ayant fait défection en 2012, a estimé que les négociations avaient permis de « créer un élan » et de régler les « questions de procédure ». « Espérons que nous pourrons accomplir des progrès substantiels lors d’une prochaine session », a-t-il déclaré à la presse.
Les huit jours de pourparlers n’ont en effet pas permis d’entamer des discussions directes entre les belligérants.
Les deux parties se sont simplement fait face lors de la cérémonie d’ouverture jeudi dernier, dans une ambiance polaire. Ka semaine a ensuite été rythmée par leurs déclarations et accusations respectives, le régime fustigeant une opposition comprenant en son sein des « terroristes », l’opposition se plaignant de n’avoir pas de « partenaire pour la paix ».
Toutefois, personne n’a claqué la porte. « Nous sommes toujours là, en soi, c’est déjà un succès », souriait cette semaine un membre de la délégation de l’opposition, Monzer Makhous, après cinq jours de discussions.
– Terrorisme et transition politique –
Les pourparlers de Genève ont buté, comme les fois précédentes, sur l’ordre du jour des négociations. Trois sessions de discussions en 2016 s’étaient soldées par un échec, en raison des violences sur le terrain et de l’insistance du régime à parler de terrorisme, quand l’opposition réclamait des discussions sur une transition politique.
M. de Mistura a prévenu dès le début de cette quatrième session qu’il voulait que la discussion s’engage sur les trois thèmes prévus par la résolution 2254 de l’ONU, feuille de route internationale pour un règlement du conflit syrien: la gouvernance -thème flou pour évoquer une transition politique-, la Constitution, et les élections.
Dès le deuxième jour des discussions, Bachar al-Jaafari, l’austère chef de la délégation du régime, a insisté pour que le terrorisme soit discuté « en priorité », au lendemain d’un sanglant attentat contre les services de renseignement syriens à Homs (centre), qui a fait une quarantaine de morts samedi.
« Si nous discutons de terrorisme, il faut aussi parler des barils d’explosifs, des gaz toxiques et de l’exécution de 13.000 personnes dans une prison », a rétorqué le chef de la délégation du HCN, Nasr al-Hariri, en référence aux atrocités reprochées au régime de Damas par des ONG et l’opposition syrienne.
– Pression russe –
Mais les positions se sont nuancées, sous l’influence de l’acteur majeur du dossier, Moscou. Présent à Genève pour le Conseil des droits de l’Homme, le ministre adjoint des Affaires étrangères russes, Guenadi Gatilov, a rencontré la délégation du régime, et, fait sans précédent, celle du HCN.
La Russie, qui intervient en Syrie depuis septembre 2015 et a permis au régime de Bachar al-Assad de se renforcer sur le terrain, tire aussi les ficelles sur le plan politique, en l’absence des Etats-Unis, dont le président Donald Trump n’a donné jusqu’à présent aucun signe d’implication dans la recherche d’un règlement au conflit syrien.
Et les pressions russes semblent avoir payé, puisque pour la première fois le régime a annoncé publiquement à Genève qu’il était prêt à discuter des trois thèmes politiques fixés par M. De Mistura. A condition bien sûr de parler de terrorisme. « Notre position sur l’agenda des pourparlers est qu’il contient quatre sujets à discuter en parallèle, d’égale importance », a déclaré jeudi M. Jaafari.
La pression de Moscou s’exerce aussi sur l’opposition. Jeudi, la porte-parole de la diplomatie russe a accusé le HCN de « saboter » le processus de Genève, intimant implicitement à l’opposition d’intégrer en son sein les représentants des groupes du Caire et de Moscou.
« Au-delà de leurs positions radicalement éloignées, les deux parties ont des choses en commun, des choses qui les rassemblent, comme la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie, la continuité de l’Etat. Et c’est là-dessus qu’il faut s’appuyer », espère un diplomate occidental.
Les discussions reprendront probablement d’ici quelques semaines, selon des sources proches du dossier.
LNT avec Afp