L’annonce par la présidence malienne du report de la visite royale à Bamako, bien que non confirmée jusqu’à présent de source officielle marocaine, relance indirectement les supputations et autres hypothèses sur la constitution prochaine (at last !) du gouvernement Benkirane 3.
Et si désormais quasiment tout le monde s’accorde à dire que c’est bien l’actuel chef du gouvernement intérimaire qui assurera la direction de la prochaine équipe exécutive, bien malin serait celui qui pourrait en donner la composition exacte, non en termes nominatifs, mais au niveau des composantes partisanes de ce futur gouvernement dont la gestation aura été la plus longue de l’Histoire du Maroc moderne.
Quoi qu’il en soit, quelques remarques s‘imposent dans un tel contexte.
La première énonce que les « avancées » qui avaient été enregistrées au début de ce mois avec la « remise en selle » de M. Nabil Benabdellah, secrétaire général du PPS, en tant qu’interlocuteur des plus hauts cercles de l’Etat et « co-médiateur » avec M. Aziz Akhannouch pour trouver un arrangement avec le PJD ont pratiquement été ramenée à zéro depuis.
En effet, dans son actuelle tournée africaine, le Souverain est accompagné des deux responsables du RNI et du PPS, ce qui, objectivement, empêche tout contact direct avec M. Abdelilah Benkirane. La mission de bons offices, quoique proclamée, n’a pas vraiment commencé, officiellement du moins et il faudra attendre le retour au pays du Roi Mohammed VI pour espérer une nouvelle série de discussions sur la problématique de la participation de l’USFP au gouvernement.
La seconde remarque est directement inspirée de la première, et elle exprime un isolement réel aujourd’hui du PJD et de son leader au niveau du champ politique national.
En effet, s’il y a peu, M. Nabil Benabdellah apparaissait comme le plus fidèle, (mais petit), allié de M. Benkirane dans l’entreprise d’érection d’une nouvelle majorité, on peut comprendre que ce n’est plus le cas désormais. Le fait même que le dirigeant des ex-communistes (vraiment très, très ex !), soit de la délégation royale en tournée africaine et qu’il assume la co-responsabilité d’une mission de sortie de crise, démontre sans doute que le « vent a tourné » pour lui et qu’il entend désormais mettre ses compétences de médiateur et de missus dominicus au service de la partie la plus forte, avec l’espoir et, peut-être, l’assurance, qu’il fera personnellement partie du prochain attelage gouvernemental…
Cette seconde évidence en inspire une troisième, c’est que M. Abdelilah Benkirane et le PJD, tout au long des mois qui ont suivi les élections législatives du 7 octobre 2016, ont été victimes d’un syndrome relativement nouveau dans notre histoire politique, celui de « l’effeuillage de la marguerite ».
Avec dextérité et non sans délicatesse en effet, le PJD a été dépouillé de tous ses alliés, successivement, en partant des plus éloignés jusqu’aux plus proches. Les partis politiques nationaux qui étaient aux côtés du parti de M. Benkirane ont, tels les pétales de la marguerite, été retirés du « bouton », c’est-à-dire le noyau dur que constitue le Parti de la Justice et du Développement.
Il y a eu d’abord le RNI, qui s’est doté d’un nouveau chef et qui, d’entrée de jeu, a exprimé des demandes que M. Benkirane peine encore aujourd’hui à accepter. Puis vint le tour du Mouvement Populaire qui annonça qu’il se rangerait aux côtés du RNI, lequel, de surcroît, exprima l’intention « d’évoluer en couple » désormais, avec l’Union constitutionnelle à ses côtés.
Le parti de l’Istiqlal, qui tremblait d’impatience au lendemain du 7 octobre dernier devant la perspective de retourner aux affaires gouvernementales, fut victime de la plus étrange opération de suicide politique perpétrée par son premier responsable, M. Hamid Chabat.
Au moment même où il pouvait enfin peser efficacement sur la destinée du prochain gouvernement, le secrétaire général du PI s’embarqua dans une dérive ultra-nationaliste à la veille même d’un sommet de l’Union Africaine crucial pour le retour du Royaume au sein de l’institution pan-étatique continentale. Pouvait-on trouver (ou espérer) pire bévue, définitivement rédhibitoire ?
Et, last but not least, le PPS, certes fortement diminué par un score électoral qui n’a pourtant pas enclin son secrétaire général à devenir un adepte de Descartes pour qui « le doute est libérateur », a fini par lâcher le radeau péjidiste pour rallier le yacht royal…
C’est pourquoi, on peut considérer désormais que M. Abdelilah Benkirane est comme la marguerite totalement effeuillée, victime de la comptine enfantine, « je t’aime un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout »…
Et le voilà, à la veille sans doute de la mise en place d’un gouvernement qu’il dirigera mais dont il n’aura pas vraiment maîtrisé la composition, tel le héros d’un célèbre roman de l’Allemand Bruno Apitz, « Nu parmi les Loups » !
Fahd YATA