Un enfant afghan est soigné à l'hôpital Emergency de Kaboul, le 6 octobre 2015 © AFP WAKIL KOHSAR
Ezadullah, 4 ans, a reçu une balle dans l’abdomen. Maysam, 12, un éclat dans la jambe. L’un et l’autre victimes collatérales du conflit afghan qui a fait l’an dernier 11.500 morts et blessés civils dont un tiers d’enfants, selon l’ONU.
A l’hôpital Emergency de Kaboul, les statistiques ont des noms et des visages, enfouis sous les draps et les couvertures, des corps souffrants traversés de drains qui racontent la violence persistante et même croissante d’un conflit vieux de 40 ans.
« Je passais en vélo, j’allais chercher mes livres pour l’école quand j’ai été blessé » raconte Maysam en souriant malgré son fémur éclaté. Il est passé au mauvais endroit au mauvais moment le 10 janvier: 36 personnes ont été tuées cet après-midi-là et 78 blessées dans un double attentat-suicide contre une annexe du Parlement à Kaboul.
Ezadullah qui pleure et gémit un peu plus loin, malgré les soins affectueux de son frère de 13 ans, était pourtant à la maison dans son village du Logar (province au sud de Kaboul), quand il a pris une balle perdue le 22 janvier.
A qui la doit-il, des forces gouvernementales ou des talibans qui s’affrontaient ce jour-là? Les deux camps ont sans doute pareillement ignoré la famille terrée chez elle.
Les chirurgiens ont dû lui poser des poches dérivatives le temps de réparer ses intestins et sa vessie.
En 2016, 3.512 enfants ont été tués (923) ou blessés (2.589), dont 70% sont des garçons, selon le rapport annuel de la mission des Nations unies en Afghanistan (Manua) présenté lundi, soit une augmentation de 24% par rapport à 2015.
Les enfants sont une catégorie « sur-représentée » parmi les 11.500 victimes civiles de l’année, souligne Danielle Bell, directrice des Droits humains à la Manua.
– du fait-maison surpuissant –
« Je ne suis pas surpris » de cette augmentation, commente Dejan Panic, coordinateur de l’ONG italienne Emergency qui gère cet hôpital de Kaboul spécialisé dans les blessures de guerre. C’est vers lui qu’affluent les ambulances après chaque attentat, sur ses trottoirs que patientent les familles en attente de nouvelles – ou à la recherche de leurs proches.
« Le désastre ne cesse de s’étendre. Nous avons reçu 3.400 blessés ici l’an dernier, dont 30% avaient moins de 14 ans », détaille Dejan Panic.
Comme Ezadullah, la moitié des enfants blessés le sont au cours « d’engagements terrestres », en augmentation de 23% sur l’année passée affirme l’ONU. Toutes les provinces afghanes sont touchées et ces combats se concentrent sur des zones d’habitations où résident des familles nombreuses.
La deuxième cause de blessures chez les mineurs sont les engins explosifs, munitions abandonnées du type roquettes, mortiers, grenades que les enfants collectent pour le métal, ou mines artisanales et bombes improvisées: le nombre de leurs victimes a bondi de 65% en 2016, dont 84% sont des enfants.
« Les engins explosifs improvisés sont de plus en plus puissants », constate Dejan Panic, présent depuis sept ans en Afghanistan. « En 2010, on voyait beaucoup de fractures ouvertes. Aujourd’hui les gens arrivent avec deux jambes sectionnées et le bas-ventre endommagé. On doit parfois pratiquer deux, trois amputations et cinq à six interventions très spécialisées sur un même blessé, vasculaire, plastique, abdominale… ».
« Malheureusement les Afghans s’améliorent de la pire des façons » soupire-t-il en évoquant « ces engins faits maison à partir de savon, d’engrais chimiques à base de nitrate d’ammonium et de clous qu’on trouve au bazar, plus puissants que les mines industrielles ».
Quel avenir pour un handicapé dans ce pays infortuné? « Aucun. Surtout à la campagne » avoue l’infirmière Sakhi Shafyi en regardant passer le brancard d’une jeune femme de 22 ans qui restera paraplégique.
« Malheureusement, il n’y a que les morts qui voient la fin de la guerre » soupire Dejan Panic, citant la formule d’un des médecins afghans de l’équipe.
LNT avec Afp