L’inclusion des personnes à besoin spécifiques dans la dynamique économique demeure une chimère. Certes, le Maroc essaie tant bien que mal de mettre en place un modèle en phase avec les dispositifs de la Constitution de 2011, ainsi que des conventions internationales des droits universels, mais les réalisations sont toujours en-deçà des attentes de cette population. Le Maroc a accompli quelques progrès en terme de sécurité sociale pour les personnes handicapées. Le Fonds d’appui à la cohésion sociale permet aux personnes à besoins spécifiques de bénéficier d’un soutien résidentiel, éducatif ou médico-social. L’extension progressive du Régime d’Assistance Médicale (RAMED) est donc une avancée majeure pour ces personnes. Cependant, les besoins sont si importants et les attentes si énormes que les personnes en situation de handicap évoquent toujours ce ressenti d’exclusion, de discrimination. Un ressenti qui se justifie tant les attentes sont légitimes, au moment où l’on parle d’égalité des chances, du patrimoine immatériel, etc. Un travail décent n’est-il pas l’essence même de la dignité humaine ? Il s’agit d’un droit élémentaire pour ces citoyens, estimés à plus de 1,5 million de personnes, soit plus de 5% de la population du Royaume. Lesquels doivent disposer des mêmes droits et répondre aux mêmes obligations.
Discrimination
Hélas, à ce jour, les personnes en situation de handicap ne jouissent pas des mêmes droits que leurs compatriotes. Comment cela peut-il être autrement, s’ils ne peuvent même pas accéder à certains espaces publics tels que l’école, l’administration, l’hôpital, les transports en commun… ? Cette discrimination se traduit par un impact sur l’évolution de la personne et pose par la suite un problème d’exclusion socio-économique. 72% des personnes en situation de handicap sont sans instruction, 88% sont sans emploi. Ce qui pose un véritable problème de précarité. Pratiquement exclus de toute activité sociale intégrative, victimes de l’indifférence générale de la société et ses représentants, ces personnes font l’objet d’une discrimination constante. Cela fait d’eux des citoyens de seconde zone. Cette exclusion de ces citoyens coûterait à la communauté nationale -2% du PIB/an pour le seul secteur de l’accès à l’emploi. C’est dire qu’il urge de mettre en place des mesures à même de changer la donne.
Quota de 7%, le privé n’est pas concerné
Pour asseoir son évolution économique et sociale sur des bases solides, le Maroc entreprend un modèle inclusif de « valorisation du capital humain et de l’égalité des chances», disait le ministre de l’Emploi et des affaires sociales à l’occasion du Forum pour l’emploi des personnes handicapées, organisé en novembre 2016. Mais, au-delà des discours, les réalisations sont très modestes. A ce titre, le quota de 7% n’a jamais été appliqué de manière effective. De plus, il a été imposé uniquement dans le public mais pas dans le secteur privé.
Comment réussir l’insertion professionnelle des jeunes handicapées ? c’est pour tenter de répondre à cette question que la Fondation Drosos et Handicap International, en partenariat avec plusieurs autres associations de défense des droits des handicapés, ont mené un projet ambitieux, avec la contribution d’autres ONG (Anaïs, AMH…). Intitulé «Amélioration de l’accès à l’emploi des jeunes en situation de Handicap dans la région de Casablanca», ce projet qui a démarré en 2014 et dont le bilan a été présenté le 24 janvier dernier à Casablanca, est parti du constat du faible accès des jeunes marocains handicapés aux opportunités d’emploi. Il projet a contribué à la mise en réseau et à la coordination des acteurs de l’insertion professionnelle ainsi que le renforcement de leurs capacités pour améliorer l’employabilité des handicapés à Casablanca.
« Nous sommes en train de réfléchir au ministère à l’élaboration d’un modèle marocain tripartite qui soit, à la fois, coercitif et incitatif. Le but étant de lever les obstacles à leur intégration professionnelle et de promouvoir des solutions spécifiques au contexte marocain», a déclaré M. Ait Brahim, du ministère de de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social. « Ce projet est avant-gardiste, même en l’absence d’une loi, tous les acteurs s’impliquent spontanément pour garantir une place à une personne en situation de handicap au sein de leur entreprise. Il suffit qu’il soient informés et encore faut-il que les entreprises disposent d’équipements appropriés», a-t-il ajouté.
Selon les organisateurs, le projet a été accueilli de manière très positive. Les entreprises ou groupe d’entreprise qui ont été approché dans le cadre de ce programme ont manifesté un intérêt pour l’idée. Toutefois, ces entreprises n’ont pas manqué de rappeler qu’il ne s’agit pas uniquement d’actions sociales, mais qu’il faut encore trouver le profil adéquat. Tout comme certaines entreprises ne sont pas équipées pour accueillir une personne aux besoins spécifiques.
Pour sa part, la représentante de Handicap International a rappelé qu’au-delà de l’insertion professionnelle, ce projet comporte tout un volet de travail en amont : «L’exercice d’une activité professionnelle dans des conditions décentes représente un accès à l’autonomie, et à la reconnaissance. C’est une valorisation familiale, professionnelle et sociale». Et de poursuivre : «Il s’agit d’un projet de vie pour ces personnes, ils doivent apprendre à être compétitif sur le marché de l’emploi. Car encore une fois, il ne s’agit pas de faire de la charité ; la recrue doit être rentable pour l’entreprise.»
Enfin, il est évident que pour prétendre à une meilleure intégration, cela doit commencer dès le bas âge. Le manque d’éducation et de formation, pour toutes les raisons suscitées, accentue la précarité et la vulnérabilité de cette population.