Le Maroc face au choc dollar-euro
Bank Al Maghrib a tenu son dernier conseil de l’année 2025 ce mardi 16 décembre. Ce dernier, qui décide de l’orientation de sa politique monétaire, maintient son taux directeur à 2,25%. Sur le plan national, M. Le Gouverneur Jouahri a fait état de la bonne dynamique économique due aux investissements engagés à la faveur d’une croissance économique soutenue, de la consolidation budgétaire et de l’allègement progressif de l’endettement du Trésor. La décision de BAM, se base ainsi de plus en plus sur la santé de l’économie au-delà de l’inflation, qui tout en étant bien maîtrisée à 0,8% n’est plus à elle seule le critère de la détermination du taux directeur. En revanche, il a déploré le ralentissement de l’économie mondiale compte tenu des différentes tensions qui l’agitent, considérant qu’elle ne se reprendrait qu’en 2027. En effet, le déclassement du Dollar par rapport à l’Euro est au centre de nombres de déséquilibres qui touchent tous les pays, dont le Maroc, du fait que ses échanges extérieurs avec ses principaux partenaires européens sont libellés en un Euro qui ne cesse de se renforcer. D’autant que la chute du Dollar ne sera pas conjoncturelle puisqu’elle est le résultat de décisions de la politique américaine qui prend un nouveau tournant.
Celle-ci est due à plusieurs facteurs, notamment : la nouvelle politique monétaire de la Réserve fédérale, FED, qui devrait aller dans le sens d’une baisse structurelle de la monnaie américaine renonçant à sa place de première devise des échanges mondiaux et de monnaie forte. En effet, les dernières décisions de la Fed qui actent une baisse des taux d’intérêt, s’expliquent par la dette publique des États-Unis qui atteint 36,2 trillions de dollars, et inquiète les investisseurs. Mais aussi par les tensions commerciales issues de la nouvelle politique tarifaire des États-Unis et la guerre commerciale avec la Chine, qui engendrent de l’inflation et par les fluctuations de taux sur les marchés de capitaux. C’est ainsi que le Dollar a perdu en 2025, 10,8% de sa valeur, la pire performance depuis 1973.
Ce résultat est pourtant voulu par les États-Unis qui ont plusieurs intérêts à avoir un Dollar faible. Le plus important étant de booster les exportations, en rendant les produits américains plus compétitifs à l’étranger, ce qui stimule les exportations et soutient l’économie. Le même raisonnement s’applique au tourisme et aux investissements étrangers qu’un Dollar faible attire car ils peuvent acheter plus avec leur monnaie. En conséquence, un Dollar faible peut inciter les partenaires commerciaux à ajuster leurs politiques économiques et à ouvrir leurs marchés aux produits américains.
Mais surtout, le « nouveau Dollar » donne un avantage géopolitique à Trump qui peut renforcer l’influence des États-Unis sur la scène internationale en rendant son pays plus attractif, en dépit de l’inflation qui accentue la volatilité, entraînant des variations importantes des cours boursiers.
Et, même si la Fed (Réserve fédérale américaine) peut protéger le Dollar en utilisant plusieurs outils de politique monétaire, comme l’augmentation de ses taux d’intérêt directeurs pour attirer les investisseurs étrangers, la vente des titres du Trésor américain pour réduire la masse monétaire, l’augmentation des réserves obligatoires des banques pour réduire la quantité de monnaie en circulation, ou en intervenant directement sur le marché des changes pour acheter ou vendre des dollars et influencer son cours. Preuve qu’un dollar faible est le fruit d’une volonté politique, instaurée par le président TRUMP, malgré ses répercussions, importantes sur les économies et celles des pays émergents en particulier pour qui un dollar faible déprécie leurs dettes extérieures parce qu’elles deviennent plus coûteuse à rembourser.
Face à cette situation la BCE a déjà pris des mesures pour soutenir l’économie européenne notamment avec la baisse de ses taux d’intérêt. Mais, avec l’écart persistant entre l’euro et le dollar, elle ne peut la protéger du fait de la différence de croissance économique avec les EU et les politiques monétaires divergentes. L’euro reste donc sous pression avec une progression de 13 % face au dollar cette année, alors que selon les analystes, une appréciation de 10 % ampute la croissance de la zone euro d’environ 0,5 %.
La BCE doit donc trouver un équilibre entre soutenir l’euro et éviter de freiner la croissance économique, ne serait-ce que parce qu’un euro trop fort à 1,650 dollar, rend les exportations européennes plus chères et moins compétitives, ralentissant ainsi l’économie du vieux continent.
Certes, la banque centrale européenne a baissé ses taux directeurs autour de 2% et compte les maintenir à ce niveau. Pour stimuler l’économie, la BCE peut envisager une nouvelle baisse de ses taux d’intérêt sachant que le taux d’inflation est à un objectif de 2%. Elle pourrait encourager les banques à prêter plus et accentuer les opérations de refinancement à long terme, pour les aider à financer leurs activités. Acheter des obligations de l’État ou d’autres titres de créances pour injecter de la liquidité dans l’économie, soit revenir à la politique de quantitative « Quantitative Easing ». Mais la Banque Centrale Européenne ne peut pas aussi facilement contrer la chute du dollar et les changements économiques structurelles qui en découleront au niveau mondial.
Le Maroc ayant une économie ouverte devrait également s’adapter à un euro fort et Bank Al Maghrib devrait y contribuer activement !
Afifa Dassouli
