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Johannesburg se fait propre pour le G20, ses habitants grincent des dents

Johannesburg se fait propre pour le G20, ses habitants grincent des dents

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À quelques jours du sommet du G20, prévu les 22 et 23 novembre à Johannesburg, la capitale économique sud-africaine s’offre un coup de balai express. Trottoirs nettoyés, nids-de-poule comblés, massifs fleuris… la métropole tente de retrouver son éclat, le temps d’accueillir les dirigeants des grandes puissances mondiales. Mais derrière cette opération de charme, les habitants dénoncent un nettoyage de façade et des inégalités persistantes.

« Comment pouvez-vous balayer votre maison uniquement lorsque vous avez des invités ? », s’indigne Gracious, conductrice de VTC. Comme beaucoup d’autres, elle observe avec ironie les équipes municipales s’activer après des années d’inaction. Dans une ville de près de six millions d’habitants, où la pauvreté côtoie les quartiers les plus riches d’Afrique, la colère gronde face à ce qu’ils perçoivent comme une mise en scène éphémère.

Johannesburg, autrefois symbole de prospérité, peine depuis des années à faire face à la dégradation de ses infrastructures. Égouts à ciel ouvert, routes défoncées, habitations précaires… le décor tranche avec celui que les délégations du G20 découvriront depuis leurs cortèges officiels. « C’est honteux qu’il faille attendre la visite de dirigeants étrangers pour que la ville se remette à respirer », déplore Abigail Thando, courtière en assurance.

Sous la pression du président Cyril Ramaphosa, qui avait publiquement fustigé l’état de la ville en mars dernier, les autorités locales ont accéléré les travaux. Tractopelles et équipes de nettoyage se sont multipliées autour du centre de conférences où se tiendra le sommet. Cependant, ces efforts concentrés sur les zones touristiques laissent de côté les quartiers populaires.

« Dans mon quartier, il n’y a aucune amélioration », constate Ricco Tshesane, éboueur de 43 ans. Coupures d’eau, d’électricité, logements insalubres : la réalité quotidienne des habitants contredit les images de modernité que le gouvernement souhaite projeter. Selon la Constitution sud-africaine, l’accès à l’eau, à l’électricité et à des sanitaires dignes est un droit fondamental — un principe encore loin d’être respecté.

Le centre-ville, autrefois cœur économique du pays, s’est progressivement vidé de ses grandes entreprises, remplacées par des immeubles délabrés souvent aux mains de groupes criminels. Ces bâtiments surpeuplés sont devenus le symbole du déclin urbain, parfois tragique : en 2023, un incendie dans un immeuble municipal a fait 70 morts.

« J’aurais préféré que tout cet argent serve à résoudre la crise du logement plutôt qu’à planter des fleurs pour la venue des présidents », déplore Liz Makana, étudiante-infirmière de 21 ans.

Pour certains, cependant, cette frénésie de travaux représente une bouffée d’oxygène. « Le grand changement pour quelqu’un comme moi, c’est que nous avons enfin du travail. Nous pouvons nourrir nos enfants », confie Aphiwe, jardinière près du centre de conférence. Une opportunité ponctuelle, dans un pays où le chômage atteint près de 32 %.

Face à la grogne, le gouvernement tente de calmer le jeu. Le président Ramaphosa a reconnu les frustrations des habitants tout en défendant ces chantiers comme une première étape d’un plan de réhabilitation à long terme. « Nous allons nous appuyer sur ces efforts comme point de départ pour nous améliorer », a-t-il déclaré devant le Parlement.

Mais la population reste sceptique. « Le changement doit être constant, pas seulement pour impressionner le monde », affirme Tshesane. Pour beaucoup, le grand ménage du G20 risque de s’arrêter dès que les délégations auront quitté la ville.

Johannesburg aura beau briller pour quelques jours sous les projecteurs internationaux, ses habitants, eux, espèrent encore que cette lumière ne s’éteindra pas aussitôt les invités partis.

LNT avec AFP 

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