AFIS ouverture nadia fettah

AFIS 2025 : l’Afrique en quête d’une souveraineté financière durable

AFIS 2025 : l’Afrique en quête d’une souveraineté financière durable

AFIS ouverture nadia fettah

Casablanca accueille, les 3 et 4 novembre, la cinquième édition de l’Africa Financial Summit (AFIS), sous le thème « Libérons la puissance financière de l’Afrique – Il est temps de mobiliser à grande échelle les capitaux nationaux ». Organisé par Jeune Afrique Media Group, en partenariat avec la Société financière internationale (IFC) et le Royaume du Maroc, le sommet réunit plus de 1 200 dirigeants financiers, décideurs publics et régulateurs venus de 40 pays, pour débattre des moyens de financer le développement du continent à partir de ses propres ressources.

Créé en 2021, l’AFIS s’est imposé comme une plateforme panafricaine majeure de dialogue public-privé. Dans un contexte mondial marqué par la hausse des taux d’intérêt et la raréfaction des capitaux internationaux, l’édition 2025 met l’accent sur la nécessité pour l’Afrique de mobiliser son épargne domestique, estimée à plus de 500 milliards de dollars par an, dont à peine 10 % sont réinvestis localement selon la Banque africaine de développement (BAD).

Un appel collectif à la mobilisation du capital africain

Ouvrant les travaux, Amir Ben Yahmed, président de l’Africa Financial Summit, a insisté sur la vocation d’AFIS à dépasser le discours pour devenir un forum d’action. « L’Afrique ne manque pas de capital : il est dans nos banques, nos marchés, nos fonds d’assurance et jusque dans nos téléphones », a-t-il déclaré. « Ce qui lui manque encore, c’est une régulation ambitieuse et des passerelles solides pour faire circuler ce capital au service du développement. »

M. Ben Yahmed a salué le rôle moteur du Maroc, « modèle africain de développement et d’innovation financière », soulignant que la stabilité du dirham, la performance des marchés de capitaux et le dynamisme du secteur privé national placent le Royaume au rang des champions du Sud global. Il a toutefois appelé à « une nouvelle étape » : celle de la co-construction d’un capitalisme financier africain, où investisseurs marocains, nigérians, kényans ou ivoiriens participeraient ensemble à l’émergence d’un écosystème continental d’investissement.

Le président de l’AFIS a également présenté les grandes tendances du secteur financier africain : quinze groupes bancaires enregistrent aujourd’hui des marges à deux chiffres ; les marchés de l’assurance croissent de 10 à 18 % par an ; et les bourses du continent totalisent près de 1 400 milliards de dollars de capitalisation. En 2024, les Africains ont réalisé les deux tiers des transactions mobiles mondiales et quelque 1 400 start-up redéfinissent l’accès aux services financiers.

La vision marocaine d’une souveraineté ouverte

S’exprimant à l’ouverture, la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah, a replacé la rencontre dans un double contexte : la victoire diplomatique du Maroc au Conseil de sécurité des Nations unies sur la question du Sahara, et le cinquantième anniversaire de la Marche verte. Rendant hommage à « l’union du peuple marocain derrière son Souverain », elle a souligné que « la souveraineté financière n’est pas un slogan, mais un devoir collectif et un passage de témoin entre générations africaines ».

Mme Fettah a insisté sur l’importance d’une « autonomie choisie » : « L’Afrique ne veut ni ériger des murs ni se couper des échanges, mais reprendre la main sur son destin économique, choisir ses partenariats et orienter ses priorités selon ses besoins. » Citant le Roi Mohammed VI, elle a rappelé que le financement du développement africain exige une approche multilatérale et inclusive, où les pays du continent participent pleinement à la réforme de l’architecture financière internationale.

La ministre a mis en avant les progrès du Maroc, dont la croissance devrait atteindre 4,8 % en 2025, avec une inflation maîtrisée à 1 % et un déficit budgétaire en recul. Elle a salué la restauration du statut investment grade du Royaume par Standard & Poor’s, soulignant que « la stabilité macroéconomique et l’investissement productif peuvent aller de pair ».

Mme Fettah a plaidé pour la mobilisation des ressources africaines – épargne, fonds de pension, assurances et fintech – en faveur du développement, tout en appelant à surmonter trois verrous : la confiance entre acteurs, l’interopérabilité des systèmes et l’audace d’innover. Elle a cité plusieurs initiatives prometteuses : le système panafricain de paiements (PAPSS), déjà actif dans 16 pays ; le African Exchange Linkage Project (AELP) reliant sept bourses régionales ; et la montée en puissance des fintechs africaines, dont les revenus projetés atteignent 40 milliards USD.

La ministre a aussi plaidé pour la création de mécanismes africains de garantie afin de réduire le coût du capital, qui dépasse encore de 300 à 400 points de base la moyenne mondiale. Elle a évoqué la nécessité de mutualiser les risques à travers des pools d’assurance régionaux et de développer des obligations vertes et sociales, dont le volume reste marginal à l’échelle mondiale.

Vers une architecture financière intégrée

Pour Makhtar Diop, directeur général de l’IFC, la mobilisation du capital domestique est une condition préalable à l’attraction des investissements étrangers : « Les investisseurs ne viennent pas dans une région où le secteur privé national n’existe pas », a-t-il observé. Louant le « modèle marocain » fondé sur une gestion commerciale efficace des entreprises publiques, il a appelé à créer des projets de taille critique capables d’intéresser les grands investisseurs internationaux et à développer un marché africain unifié pour constituer de véritables classes d’actifs continentales.

Le dirigeant de l’IFC a également insisté sur la transparence et l’application effective des réglementations, ainsi que sur la nécessité de renforcer les garanties et les instruments de couverture. Il a rappelé que l’IFC, dont les engagements mondiaux ont atteint 74 milliards USD en 2024, a doublé ses investissements en Afrique en trois ans, notamment dans les domaines de l’équipement, de l’agriculture et des collectivités territoriales.

Plusieurs participants ont choisi de résumer l’esprit de ce sommet dans la devise du Roi Mohammed VI : « L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique. »

Selim Benabdelkhalek

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