La campagne agricole de nouveau menacée par la sécheresse
Il semble que l’agriculture n’est plus ce secteur stratégique, levier de premier plan de l’économie marocain et garant de sa souveraineté alimentaire ! En plus de résultats parfois décevants des politiques agricoles, la pénurie d’eau vient, ces huit dernières années, compliquer cruellement la situation des Fellahs, les petits en particulier.
En ce début de semaine, à Rabat et en réponse à une question sur la « politique de l’eau destinée aux zones rurales », le ministre istiqlalien de l’Équipement et de l’Eau, Nizar Baraka a dressé un bilan alarmant de la situation des barrages : « Le taux de remplissage des barrages atteint actuellement 32%, contre 40% en mai dernier. Une situation principalement due au volume des ressources en eau allouées à l’agriculture et à l’eau potable, ainsi qu’à l’évaporation d’un total de 650 millions de mètres cubes à cause des vagues de chaleur extrême ».
Et de poursuivre que la saison agricole écoulée a enregistré une amélioration relative par rapport aux années précédentes, avec une moyenne nationale de précipitations de 142 mm, et un total de 4,8 milliards de mètres cubes de ressources en eau, soit une augmentation de 50% par rapport à la saison précédente. Cependant, a-t-il signalé, ce taux reste inférieur de 22 % à la moyenne nationale normale, avec un déficit estimé à 58% par rapport à la moyenne des apports en eau.
Accélération des projets
Par la même occasion, Baraka a expliqué que le gouvernement a accéléré le rythme de réalisation des projets de renforcement des ressources en eau, à la tête desquels la construction de grands barrages. Depuis 2021, six nouveaux barrages ont été mis en service, en l’occurrence Kaddoussa (Errachidia), Tiddas (Khemisset), Todgha (Tinghir), Agdez (Zagora), Fask (Guelmim) et M’dez (Sefrou), en plus du lancement du remplissage des barrages de Koudiat Borna à Sidi Kacem et Ghis à Al Hoceima.
Il a ajouté que 14 grands barrages sont actuellement en construction, tandis que 11 autres sont programmés entre 2025 et 2027. Parallèlement, les travaux de construction de quatre barrages moyens sont en cours, à savoir Tassa Ouirgane (Al Haouz), Msalit (Tata), Ain Ksob (Benslimane) et Sidi Yakoub (Tiznit).
Dans le même contexte, le ministre a indiqué que 155 petits barrages ont été programmés entre 2022 et 2027 dans le cadre d’un accord entre les ministères de l’Équipement et de l’Eau, l’Économie et les Finances, l’Intérieur, l’Agriculture, et l’Office national de l’électricité et de l’eau potable. Il a précisé que 50 de ces barrages sont en cours de réalisation.
Le ministre a indiqué que, pour le stockage des eaux souterraines, 4.221 puits d’exploration ont été creusés, pour une profondeur totale de près de 671.000 mètres et un débit de 8.889 litres par seconde, notant que 5,8 millions de ruraux bénéficient de l’eau potable.
M. Baraka a, par ailleurs, souligné que la phase urgente du projet d’interconnexion des bassins de Sebou et de Bouregreg a permis de transférer 871 millions de mètres cubes, entre octobre 2023 et octobre 2025, une opération qui a assuré l’approvisionnement en eau potable des grandes villes et profité à 500.000 habitants des zones rurales.
Le ministre a également relevé que le dessalement de l’eau de mer permettra de fournir de l’eau potable à plus de 60 % de la population d’ici 2030, précisant que 110 stations de dessalement mobiles ont été installées.
Et de conclure que 1.200 camions-citernes et 10.000 citernes ont été mobilisés pour approvisionner les villages en eau, permettant ainsi à environ 2,7 millions de personnes de bénéficier chaque année de cette opération.
Une crise qui perdure
Dans tous les cas, notre pays face aujourd’hui plus que jamais à une crise hydrique très aigue. Ces dernières années, il pleut très peu, et cette ressource vitale se fait de plus en plus rare… Si en ville, les citadins ne vivent pas cette angoisse quotidienne de l’eau, la population du monde rural, elle, scrute le ciel au jour le jour. Chaque soir, les yeux sont bien rivés sur la météo présentée à la fin du JT d’Attalfaza Al Watania. Un souci permanent pour tous ces Fellahs marocains, particulièrement en cette période d’attente des pluies, considérées comme étant incontournables pour préparer une bonne campagne aussi bien céréalière que fruitière. Mais hélas, le déficit pluviométrique constaté menace la campagne agricole 2025-26. En effet, la période actuelle est particulièrement sensible : blé tendre, orge et blé dur sont au stade de l’épiaison, c’est-à-dire de la formation de l’épi et des grains. On craint que, cette année, la pluie risque de ne pas être au rendez-vous. La situation est aussi alarmante pour les éleveurs, en mal d’assurer du foin à leurs bétails.
Encore plus inquiétante est la situation hydrique dans les grandes régions agricoles du pays, notamment Doukkala, Al Haouz, Ben Ahmed et M’zab, le Souss et autres Abda et Rh’mna, qui continuent de vivre sous la menace de la sécheresse. Des villes comme Settat, Berrechid, Fquih Bensaleh, Khouribga, ont connu durant l’été dernier des coupures d’eau fréquentes. Tout cela alors que la chaleur continue de s’abattre sur ces régions et bien d’autres.
En somme, nous sommes en face d’une situation hydrique plus que préoccupante et qui ne cesse de compromettre la sécurité alimentaire du pays, l’obligeant ainsi à dépendre de l’extérieur. Incontestablement, notre rapport à l’eau est appelé à changer !
Hassan Zaatit
