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Crédits photo : Ahmed Boussarhane/LNT

Recherche scientifique : Le CESE insiste sur l’urgence d’une stratégie nationale

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Recherche scientifique : Le CESE insiste sur l’urgence d’une stratégie nationale

Par LNT
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Crédits photo : Ahmed Boussarhane/LNT

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a publié un nouvel avis, élaboré à la demande de la Chambre des conseillers, intitulé « Contribution de la recherche scientifique à l’innovation, au développement et au renforcement de la compétitivité de l’économie nationale – Urgence d’une stratégie nationale coordonnée et intégrée ». Ce document dresse un diagnostic complet du système national de recherche et d’innovation, tout en formulant des recommandations pour en faire un levier de développement durable et de compétitivité.

Un potentiel scientifique réel mais encore sous-exploité

Dans son analyse, le CESE souligne les progrès réalisés par le Maroc dans la structuration de son système national de recherche et d’innovation, notamment à travers la diversification des acteurs publics et privés, l’augmentation du nombre de chercheurs et doctorants, et la croissance de la production scientifique indexée. Ces avancées témoignent d’un potentiel important, mais celui-ci demeure, selon le Conseil, encore en deçà des standards internationaux.

L’avis note que lorsque les conditions de financement, de partenariat et de convergence entre acteurs sont réunies, les résultats sont probants. Le CESE cite plusieurs réalisations concrètes, comme le développement et la commercialisation de médicaments stratégiques et de traitements génériques dans le domaine de la santé, ou encore la mise au point de procédés innovants pour valoriser des gisements miniers auparavant considérés comme inexploités. Le Conseil mentionne aussi la transformation des résidus miniers en produits commercialisables, notamment dans le domaine du stockage d’énergie par batteries lithium-ion, ainsi que les avancées dans les technologies de pointe, telles que le développement de drones à usages civil et militaire.

Des contraintes structurelles à surmonter

Malgré ces acquis, le CESE identifie plusieurs freins à la pleine transformation de la recherche en innovation et en création de valeur. Le premier est le faible niveau de financement. La dépense intérieure brute en recherche et développement (R&D) reste limitée à 0,75 % du PIB, un ratio inchangé depuis 2016 et nettement inférieur à la moyenne mondiale (2,68 %) et européenne (2,24 %). De plus, le financement repose majoritairement sur des ressources publiques, la contribution du secteur privé n’excédant pas 30 %.

Le Conseil pointe également un cadre institutionnel et juridique encore inachevé. Certaines dispositions de la loi n°01.00 sur l’enseignement supérieur, notamment la possibilité pour les universités de créer des structures de valorisation sous forme de filiales, ne sont toujours pas mises en œuvre.

Par ailleurs, les dispositifs d’incitation à la recherche partenariale et à l’innovation entrepreneuriale restent limités. Le CESE observe l’absence de mécanismes de cofinancement structurés entre universités et entreprises, ainsi que de mesures fiscales incitatives. Les programmes d’appui à l’innovation, notamment ceux destinés aux startups et clusters, peinent à produire des résultats significatifs en matière de valorisation technologique et de création d’entreprises innovantes.

Le Conseil note aussi une coordination insuffisante entre acteurs publics, académiques et privés. Le Conseil national de la recherche scientifique, créé en 2021, ne joue pas encore pleinement son rôle de pilotage stratégique, faute d’une stratégie nationale unifiée et de prérogatives renforcées. Les collaborations entre la recherche et l’industrie restent ponctuelles et fragmentées, malgré des initiatives prometteuses dans certains secteurs tels que la santé, le numérique, l’agroalimentaire ou les énergies renouvelables.

Vers une stratégie nationale coordonnée et intégrée

Face à ce constat, le CESE appelle à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une stratégie nationale de recherche scientifique, de développement et d’innovation coordonnée, intégrée et alignée sur les priorités du pays. Le Conseil formule un ensemble de recommandations structurées autour de plusieurs axes.

Il préconise d’abord d’accélérer la refonte de la loi n°01.00 et l’adoption de ses textes d’application pour renforcer l’autonomie des universités sur les plans administratif, financier, pédagogique et scientifique. Il recommande également d’augmenter progressivement le financement de la recherche jusqu’à atteindre 3 % du PIB d’ici 2030, tout en mobilisant davantage le secteur privé à travers des mécanismes d’incitation adaptés.

Le CESE plaide pour la création d’un cadre spécifique pour les chercheurs à temps plein, incluant doctorants et post-doctorants, avec des dispositifs de reconnaissance et de rémunération fondés sur la performance scientifique. Il propose aussi de renforcer les capacités institutionnelles du Conseil national de la recherche scientifique pour lui permettre d’assurer le suivi de la stratégie nationale et la coordination entre les différentes parties prenantes.

En matière de valorisation, le CESE recommande de consolider le rôle des universités dans la création de filiales et de partenariats avec les entreprises, ainsi que de promouvoir la constitution de consortiums public-privé inspirés du modèle de la Fondation MAScIR, capables de transformer les résultats de la recherche en produits ou services commercialisables.

Enfin, le Conseil invite à renforcer l’implication des régions dans la recherche appliquée, au-delà de la simple mise à disposition d’infrastructures, en soutenant la création de structures régionales de transfert technologique. Celles-ci auraient pour mission de valoriser les résultats de la recherche, d’accompagner la protection de la propriété intellectuelle, de soutenir l’incubation de startups issues des laboratoires et de favoriser la maturation de projets innovants en collaboration avec le secteur privé.

En conclusion, le CESE considère que la recherche et l’innovation doivent devenir des leviers centraux du développement du Maroc, à la croisée de la transition technologique, écologique et industrielle. L’avis souligne que la réussite de cette transformation passe par une coordination institutionnelle renforcée, un financement soutenu et une articulation efficace entre la recherche académique, le tissu productif et les priorités territoriales.

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