Entretien avec Olivier Unia : « La Tbourida rassemble beaucoup de ce que j’aime en photo »

Par SB
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Olivier Unia

Olivier Unia a découvert sa passion pour la photographie, mais son talent a vite été remarqué, lui permettant de remporter le Grand Prix de la Photographie du Maroc en 2024. En 2025, il a remporté un prix aux prestigieux Sony World Photography Awards, pour la catégorie « Motion » (mouvement). Pour en savoir plus sur son parcours et ses inspirations, nous l’avons contacté pour lui poser quelques questions.

 

La Nouvelle Tribune : Pourriez-vous présenter votre parcours à nos lecteurs ? Comment définiriez-vous votre style ? 

Olivier Unia : J’ai 55 ans mais je suis un jeune photographe, j’ai commencé à pratiquer la photo au début du Covid en janvier 2020. Je viens de la musique, c’est mon métier et j’ai passé ma jeunesse à admirer les pochettes des albums que j’écoutais. J’ai ainsi découvert de grands photographes comme Storm Thorgerson qui a réalisé des pochettes iconiques, celles de Pink Floyd, Lez Zepelin, Muse, Peter Gabriel et bien d’autres encore.

J’ai aussi beaucoup admiré dans les livres d’histoires et les magazines, des photographes reporter de guerres, comme Robert Cappa ou Lee Miller qui sont capable de mettre leurs vies en danger pour immortaliser des moments historiques.

En 2020, on commence à être confiné et comme beaucoup, pour lutter contre l’ennui, j’essaye de m’occuper. On m’avait prêté une caméra pour le tournage d’un clip, elle était là, posée sur un meuble. Je commence à photographier mon chat, mon chien, je regarde des tutos sur YouTube et je suis séduit par l’aspect technique ET artistique, cet équilibre qui, je crois, me convient bien. Un jour d’autorisation de sortie je vais au skate Park à Rabat et j’ai la chance de tomber sur un super gars, très bon skateur, qui profite lui aussi de ce moment de liberté. Je mets de trop longues minutes à régler mon appareil mais finalement je shoot et miracle, la photo est réussie, lui en suspension parfaite, la planche bien visible, le focus était bon, la lumière aussi, ça a été un vrai choc. J’ai eu une sensation qui, depuis, ne m’a jamais quitté.

Je pense que ma première expérience a guidé la suite de mon travail, c’est pourquoi j’aime énormément photographier en lumière naturelle, en extérieur et le plus possible des sujets en mouvement pour en capturer l’instant et le figer. Je suis également très sensible aux portraits de rue, ces regards et visages que l’on croise et qui rendent cet instant imprévisible.

 

Vous avez remporté le Sony World Photography Awards 2025. Que représente ce type de prix pour un photographe ?

Avec près de 500 000 photos en compétition, ce concours est l’un des plus prestigieux au monde et je voyais passer dans la presse spécialisée, chaque année, les photos des lauréats. En 2024, j’ai eu le plaisir de gagner le « Grand Prix de la Photographie du Maroc by Darem Bouchentouf » avec une photo de Tbourida, ce qui m’a donné confiance pour m’inscrire au Sony World Photography Award. Aujourd’hui c’est, évidemment, une énorme fierté d’être primé, cela donne beaucoup d’énergie pour la suite de mes projets, les expositions, les conférences et les publications à venir.

 

Photo lauréate du Sony World Photography Awards 2025, pour la catégorie « Motion »

 

 

À travers votre art, on devine votre relation particulière avec le Maroc. Pouvez-vous nous en parler ?

En 2009, nous sommes venus en famille nous installer au Maroc, et au départ nous devions y rester 3 ans ; 17 ans plus tard on est encore ici. Ma relation avec le Maroc est très forte. En ayant souvent déménagé dans ma vie je m’aperçois que Rabat est la ville où j’ai vécu le plus longtemps.

En termes de photo, il est évident que c’est un pays incroyable avec une lumière exceptionnelle et des paysages splendides. Ce n’est pas pour rien que de nombreux tournages de cinéma s’installent ici sans parler de photographes et des peintres. Je ne photographie pas que le Maroc, mais c’est ici que j’ai commencé et je ne me lasse pas de le faire. J’ai également un très grand attachement à la culture du pays que j’essaye de mettre en avant dans mon travail comme par exemple cette série sur la Tbourida. Je suis également fan de l’architecture, ma première exposition solo en 2023 avait justement pour thème la ville de Rabat et désormais je mets un point d’honneur à élargir mon travail photo à d’autres villes du royaume. Comme j’aime dire : « je photographie et mon amour du Maroc fait le reste. »

 

Plus particulièrement, qu’est-ce qui vous a attiré dans l’art équestre de la Tbourida ?

Jeune, j’ai beaucoup monté à cheval, j’ai un rapport très fort avec les chevaux et forcément, ici, parmi toutes les activités culturelles équestres, la Tbourida est l’une des plus spectaculaires.

En 2023, ma première photo de Tbourida, je l’ai faite à El Arjat. J’ai vraiment ressenti quelque chose de très puissant, de très beau et de très noble et comme j’ai une grande confiance aux chevaux, je n’avais pas peur de me poster très près d’eux.

La Tbourida rassemble beaucoup de ce que j’aime en photo, une lumière naturelle en extérieur, beaucoup mouvement, des chevaux, des hommes courageux qui prennent des risques et une belle représentation culturelle. Mettre tout cela en avant, et avoir l’opportunité de le partager est un réel plaisir.

 

À l’heure où l’IA menace les artistes du monde, selon vous, qu’est-ce que l’œil d’un photographe apporte qu’un robot ne peut apporter ?

Je suis de l’école de ceux qui trouvent leur accomplissement dans « faire les choses » et pas « regarder les choses se faire ». Je ne suis pas contre le progrès, mais il faut qu’il soit au service du créateur un outils et non pas se substituer à celui-ci.

La technologie dans le médical ou la science c’est formidable, ça sauve des vies, mais artistiquement je ne peux pas me réjouir à l’idée de regarder une photo ou écouter une musique qui a été créée par un programmeur de ligne de code.

Un artiste c’est surtout une vision, une âme, une sensibilité dont les machines sont, par définition, totalement dépourvues. Si un jour, comme dans le film Blade Runner, les machines s’interrogent sur leurs capacités à ressentir l’amour, alors on pourra émettre l’idée qu’elles ont des émotions et qu’elles peuvent donc devenir des artistes.

Personnellement, je milite pour que chaque image générée par une IA en porte la mention de façon systématique et obligatoire.

 

Propos recueillis par Soufia Khabbouch

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