Finance

Rapport Allianz Trade : Crise mondiale des faillites, le Maroc sous tension mais résilient

Par SB
faillite stock

Le rapport « Insolvency Report », publié par Allianz Trade en mars 2025, met en lumière une situation préoccupante : la montée continue des faillites d’entreprises à l’échelle mondiale.

Le contexte économique actuel, marqué par des taux d’intérêt élevés, un resserrement des conditions de crédit, ainsi qu’une instabilité géopolitique persistante, a favorisé un climat de vulnérabilité extrême pour de nombreuses entreprises. Les prévisions sont sans appel : après une augmentation de +10 % des défaillances en 2024, le phénomène devrait encore progresser de +6 % en 2025 et de +3 % en 2026. Les États-Unis, l’Allemagne, l’Italie et la France figurent parmi les plus touchés, avec des records historiques, tandis que des économies émergentes subissent également la pression.

Le Maroc pas épargné

Le Maroc, bien qu’en retrait par rapport aux flambées constatées en Europe ou en Amérique du Nord, n’est pas complètement épargné. En 2025, le Maroc devrait connaître une hausse notable des défaillances d’entreprises, avec une augmentation prévue de +7%, proche du taux mondial de +6%. Cette tendance fait suite à une croissance des défaillances de +10% l’année précédente, en ligne avec le taux mondial. Toutefois, le rapport note une relative stabilité attribuée à plusieurs facteurs économiques et politiques qui ont permis jusqu’à présent de limiter la casse.

Tout d’abord, le Maroc a su mettre en œuvre une série de mesures post-Covid ayant amorti l’onde de choc de la crise sanitaire. Le gouvernement a instauré des mécanismes de soutien aux entreprises, notamment via des facilités de crédit, des reports fiscaux et des plans de relance sectoriels ciblant des domaines clés comme le tourisme, l’agriculture ou l’industrie. Ces dispositifs ont offert un filet de sécurité, permettant aux PME, qui constituent l’épine dorsale du tissu économique marocain, de survivre à la période la plus critique.

Par ailleurs, le secteur bancaire marocain s’est montré d’une grande prudence, encadré par une politique monétaire rigoureuse sous la houlette de Bank Al-Maghrib. Les règles prudentielles strictes imposées aux banques ont limité les dérives en matière d’endettement et assuré une certaine stabilité financière, contrairement à d’autres pays où l’endettement excessif a précipité nombre d’entreprises vers la faillite.

Cependant, cette apparente résilience ne doit pas masquer les fragilités structurelles auxquelles le Maroc reste exposé. Le rapport souligne que la hausse des coûts des matières premières, notamment dans le BTP, pèse lourdement sur les marges des entreprises. La dépendance du Royaume à l’égard des importations en matériaux de construction, combinée aux tensions inflationnistes mondiales, accentue la vulnérabilité du secteur, qui constitue pourtant un pilier essentiel de la croissance économique et de l’emploi.

Attention à l’effet domino

De plus, la forte exposition du Maroc aux marchés européens représente un facteur de risque majeur. Les partenaires traditionnels du Royaume – la France, l’Espagne, l’Allemagne – affichent des taux de faillites record, ce qui pourrait entraîner des retards de paiements, voire des ruptures de contrats, affectant directement les fournisseurs marocains. Un effet domino guette donc les entreprises exportatrices, notamment dans les secteurs du textile, de l’automobile ou de l’agroalimentaire, déjà confrontés à un affaiblissement de la demande extérieure.

À cela s’ajoutent les perspectives d’un durcissement des conditions de crédit à l’échelle internationale. Le rapport d’Allianz met en garde contre l’impact d’une réduction de la disponibilité du crédit. Les analyses montrent qu’une baisse de 1 % du crédit entraînerait une hausse des défaillances d’entreprises de +2 % en France, et potentiellement des effets similaires dans des économies comme le Maroc, où le secteur privé dépend largement du financement bancaire.

Un autre point crucial concerne la dynamique de création d’entreprises. Le Maroc suit la tendance observée dans de nombreux pays où, depuis la pandémie, les créations d’entreprises se sont multipliées. Si cette vitalité entrepreneuriale est souvent perçue comme un signe de dynamisme économique, elle engendre aussi mécaniquement un risque accru de faillites. Les jeunes entreprises, en particulier, sont plus exposées aux fluctuations du marché et à la hausse des coûts financiers. Le rapport rappelle que ce phénomène augmente la proportion d’entreprises dites « fragiles » ou « zombies », dont la survie dépend d’un accès continu à un crédit bon marché, devenu plus rare.

Vigilance et agilité

Dans ce contexte, le Maroc devra faire preuve de vigilance et d’agilité pour éviter un emballement des défaillances. L’État dispose encore de plusieurs leviers pour contenir les risques. Une politique budgétaire volontariste, axée sur le soutien ciblé aux PME et sur des investissements publics dans les infrastructures, pourrait amortir les chocs. Par ailleurs, l’encouragement des solutions alternatives de financement, comme les fintechs ou les partenariats public-privé, permettrait de soulager la pression sur le secteur bancaire classique.

Le Royaume gagnerait également à renforcer la résilience de ses chaînes d’approvisionnement. Le recentrage sur des circuits courts et la diversification des débouchés commerciaux, notamment via des partenariats Sud-Sud et avec les pays africains, pourraient atténuer sa dépendance vis-à-vis du marché européen.

Enfin, il est crucial que les autorités anticipent les potentielles difficultés d’adaptation réglementaire. Les nouvelles normes européennes, telles que la réduction des délais de paiement ou la généralisation de la facturation électronique, pourraient déstabiliser les entreprises marocaines non préparées, en particulier les PME exportatrices.

Ainsi, si le Maroc ne semble pas encore frôler les niveaux alarmants constatés dans d’autres régions, la persistance des risques mondiaux exige une mobilisation forte.

SB

Consultez librement toutes nos parutions hebdomadaires, nos hors-série et toutes les communications financières