
Ah, Casablanca, ville de lumière, de modernité et… de bouchons interminables. On nous vend la Smart City, une métropole connectée, où le numérique viendrait fluidifier le chaos urbain. Et pourtant, en ce début de Ramadan, les automobilistes ont eu la joie de découvrir le décor d’un film hollywoodien, version engluée dans un embouteillage monstre…
La raison de ce festival de klaxons et de nerfs en pelote ? Le tournage d’un film américain. Oui, messieurs-dames, Hollywood a posé ses valises en plein cœur du centre-ville, avec tout le raffinement qu’on lui connaît : avenues fermées, rues barrées sans prévenir, déviations mystérieuses… Et tout cela, bien entendu, aux heures les plus critiques, parce que sinon ce ne serait pas drôle. Imaginez l’adrénaline : vous sortez du boulot, le ventre vide, les minutes défilent, l’iftar approche… et paf ! Vous êtes coincé dans un embouteillage façon Los Angeles.
La Smart City en mode avion
Soyons honnêtes, on aurait pu croire qu’une « ville intelligente » prendrait quelques précautions. Une simple notification push, un petit SMS, un message sur les réseaux sociaux, ou, soyons fous, un bulletin sur une chaîne publique aurait suffi. Mais non. Casablanca préfère la stratégie de la surprise, cette même approche qui transforme un simple trajet en quête épique.
La technologie existe pourtant : un écran géant en centre-ville pourrait annoncer « ATTENTION, CETTE ROUTE SERA BLOQUÉE. TENTEZ VOTRE CHANCE AILLEURS. » (All caps, bien sûr, parce que ça fait sérieux). Mais non, ici, on préfère observer en silence l’automobiliste en crise, l’ambulance coincée et le chauffeur de taxi en plein débat existentiel avec ses passagers.
Des horaires choisis avec le sens du drame
Les distinctions reviennent tout de même aux horaires choisis pour ce tournage. Casablanca connaît deux moments critiques : en début de journée, quand les travailleurs se débattent dans le trafic, et en fin d’après-midi, quand tout le monde veut rentrer chez soi avant le ftour. Une gestion bienveillante aurait suggéré un tournage de nuit, ou à des heures creuses. Mais pourquoi faire simple quand on peut tester la patience des citoyens ?
Car oui, derrière cette belle initiative cinématographique, se cache une vérité encore plus édifiante : le citoyen casablancais est un figurant dans sa propre ville. On lui demande d’être patient, de s’adapter, de « comprendre »… sans jamais le consulter. On bloque des rues, on modifie des itinéraires, on impose des détours absurdes, le tout dans une discrétion qui force l’admiration.
Un rôle secondaire dans une ville principale
Les décideurs locaux, eux, sont probablement ravis. Voir Casablanca sur grand écran, c’est du marketing gratuit, une opportunité en or. Qui se soucie du simple automobiliste, du livreur qui galère, du médecin coincé entre deux prises de vue ? Le glamour, cher ami, le glamour avant tout.
En attendant, Casablanca continue son évolution vers la Smart City du siècle dernier, où l’information circule moins vite que le tramway et où la priorité reste, comme toujours, un concept flou… à l’image de cette fameuse « vision stratégique » dont tout le monde parle mais que personne ne voit.
Clap de fin.
Ayoub Bouazzaoui