Lutte contre le sida, éducation des écoliers ougandais, assistance aux victimes d’inondations au Soudan du Sud… Le gel de l’aide internationale américaine décidé par Donald Trump provoque une onde de choc potentiellement dévastatrice pour des millions de personnes dans le monde.
D’une simple signature, le nouveau président a ordonné la suspension de tous les programmes d’aide étrangère des Etats-Unis pour une durée de 90 jours, à l’exception de l’aide alimentaire d’urgence, ainsi que de l’assistance militaire pour Israël et l’Egypte.
Pendant trois mois, son administration va réexaminer l’ensemble du système d’aide internationale. Une décision qui sème déjà la panique dans les pays les plus fragiles et détériore l’aura américaine face à la Chine.
« Même si le financement est finalement rétabli, des dommages importants auront été causés », explique Peter Waiswa, un membre du réseau d’aide humanitaire Compassion Connectors en Ouganda.
« L’absence de médicaments pendant plusieurs jours pour les patients atteints du VIH/sida peut entraîner la mort », craint-il.
Selon lui, certaines écoles financées par les Etats-Unis dans son pays d’Afrique de l’Est ont déjà envoyé des messages demandant aux enfants d’arrêter de venir.
La portée du décret signé par M. Trump inquiète également au Soudan du Sud, victime d’une épidémie de choléra et où 3.000 personnes comptent sur l’aide américaine après avoir perdu leur maison dans les inondations.
« Si la décision (…) n’est pas rapidement reconsidérée, il est fort possible que les gens commencent à mourir de faim et de maladies », redoute James Akoon Akot, enseignant dans un orphelinat du pays.
– Exemptions floues –
Les Etats-Unis sont depuis longtemps le premier pourvoyeur mondial de l’aide au développement. Ils y ont consacré plus de 64 milliards de dollars en 2023.
L’un des programmes américains les plus importants est le Pepfar, lancé par l’ex-président George W. Bush pour lutter contre le sida. Plus de 20 millions de personnes vivant avec le VIH en dépendent directement.
Ce programme semble être épargné grâce à des exemptions supplémentaires accordées par le nouveau chef de la diplomatie, Marco Rubio, pour « l’aide alimentaire d’urgence » et celle « susceptible de sauver des vies », ce qui peut couvrir la distribution de médicaments antirétroviraux.
Mais ces formulations très floues provoquent de nombreuses incertitudes.
Au Malawi, certains habitants commencent à stocker les médicaments auxquels ils peuvent accéder, et l’organisation locale Lighthouse, qui distribue des traitements contre le VIH, aurait fermé ses portes, selon l’infirmière Suzy Dzimbiri.
« Nous savons qu’il y a eu des cas où des médicaments étaient en stock, prêts à être utilisés, et où il a été ordonné qu’ils restent sur les étagères dans l’attente de directives de Washington », confie à l’AFP une assistante parlementaire du Congrès, sous le couvert de l’anonymat.
« Le Pepfar était censé être notre plan Marshall », rappelle-t-elle.
Selon elle, la simple idée que les Etats-Unis puissent mettre fin au programme d’un claquement de doigts donne l’image d’une Amérique « capricieuse », et instille l’idée chez les pays bénéficiaires « qu’à l’avenir, ils devront probablement se tourner vers des pays comme la Chine ».
– « Intérêt national » –
« Nous ne voulons pas voir des gens mourir », a expliqué M. Rubio, lorsqu’il a entériné les dernières exemptions cette semaine.
Mais le secrétaire d’Etat a aussitôt ajouté que les organisations bénéficiaires vont devoir justifier leurs dépenses, car « historiquement, nous avons obtenu très peu de coopération ».
« Nous avons ce que j’appelle le complexe industriel de l’aide étrangère – toutes ces entités dans le monde qui reçoivent des millions et des millions de dollars des États-Unis », a-t-il insisté sur la radio SiriusXM. « Nous devons nous assurer que cela correspond à notre intérêt national. »
A Washington, certains craignent que cette priorité affichée envers l’aide dite « d’urgence » ne cache un plan plus large, visant à tailler drastiquement dans les dépenses en refusant de financer tout le reste.
« La simple expression +aide alimentaire d’urgence+ est une contradiction », souligne un haut fonctionnaire, sous le couvert de l’anonymat. « Privez-vous de nourriture pendant quelques jours et vous verrez. »
LNT avec AFP