Mme Salima Amira, DG de Microsoft Maroc
Le Microsoft AI Tour, un événement mondial, qui parcourt plusieurs pays d’Afrique, dont l’Égypte, l’Afrique du Sud, le Nigeria et le Kenya, rassemble des chefs d’entreprise, des experts techniques et des passionnés d’IA pour découvrir les dernières avancées technologiques du domaine. À l’occasion de cette l’étape marocaine du tour, Samira Amira, Directrice Générale de Microsoft Maroc, a accepté de répondre à nos questions autour des perspectives offertes par l’IA dans le contexte local et global.
La Nouvelle Tribune : Quels sont les principaux secteurs dans lesquels Microsoft CEMA constate une adoption accélérée de l’IA, et pourquoi ?
Mme Salima Amira : L’IA aide les entreprises opérant dans différentes industries mais aussi les gouvernements et les services financiers. Cela étant, des secteurs comme l’éducation, la santé ou encore l’agriculture sont pionniers dans la recherche des moyens innovants pour répondre aux défis les plus urgents et les plus importants qui se présentent.
Au Maroc, l’IA va au-delà des grandes entreprises. Elle soutient les startups. Les exemples sont multiples. J’en citerai deux pour clarifier ce point. Il y a PCS Agri, une startup agricole qui utilise l’IA, l’apprentissage automatique et l’IoT pour améliorer les opérations agricoles, optimiser la gestion et améliorer la communication avec les clients et cela en utilisant des outils tels que les pièges connectés et les plates-formes d’estimation des rendements. Il y a également l’exemple parlant de WafR. Une start-up marocaine spécialisée dans les technologies du commerce de détail. Elle a développé une solution de paiement numérique, offrant une plateforme de promotions auprès des consommateurs dans des magasins de détail informels. Ce qui lui permet de suivre la consommation, les ventes et accéder à la data.
Comment Microsoft intègre-t-elle l’IA dans ses produits phares, tels qu’Office 365 ou Azure, pour répondre aux besoins des entreprises ?
L’IA de Microsoft améliore les expériences quotidiennes grâce à des produits tels que Windows, Xbox, Microsoft 365, Teams, Azure AI, Power Platform, Dynamics 365 et Microsoft Defender. En s’appuyant sur Azure, ces outils profitent à divers utilisateurs dans le monde, notamment les étudiants, les enseignants, les développeurs et les experts en sécurité.
L’année dernière, Microsoft Corp. a lancé Microsoft 365 Copilot, apportant de nouvelles et puissantes capacités d’IA générative aux applications que des millions de personnes utilisent chaque jour, comme Microsoft Word, Excel, PowerPoint, Outlook, Microsoft Teams et bien d’autres.
Les copilotes de Microsoft, alimentés par l’IA, aident à stimuler la productivité, à rationaliser le travail et à accroître la créativité. Les copilotes sont utiles pour diverses tâches, notamment la rédaction, le codage, la conception et la navigation. Par exemple, avec Copilot dans Bing et Edge, les utilisateurs peuvent mieux s’attaquer aux tâches de la vie quotidienne grâce à une recherche plus performante, des réponses plus complètes, une expérience de chat et des possibilités de générer du contenu en utilisant un langage naturel.
Quelle est la stratégie de Microsoft pour démocratiser l’accès à l’IA dans les pays émergents de la région ?
L’accès à la technologie commence par les compétences. Et là je cite Brad Smith, Vice-chair et Président de Microsoft : « Nous nous sommes engagés plus largement en faveur de l’acquisition de compétences car, en fin de compte, cette technologie ne servira pas une communauté ou un pays si les gens n’ont pas accès aux compétences nécessaires pour la faire fonctionner. Compétences en tant qu’utilisateurs, compétences en tant que développeurs et compétences en tant que dirigeants d’organisations, autant de nouvelles capacités que beaucoup d’entre nous vont devoir maîtriser dans les mois et les années à venir ». Dans cette perspective, Microsoft a lancé AI Skills Navigator, un apprentissage basé sur le prompt qui aide chaque apprenant à trouver la voie de l’IA la plus adaptée à sa personnalité et à ses besoins. En parallèle, Microsoft Maroc avait lancé, avec Holmarcom et DynIT, AI Intitute qui offre des formations hybride et en présentiel pour tous les profils allant des cadres aux spécialistes en IT. Nous avons également lancé la première promotion de l’école de Data & AI, qui offre un programme complet de Data & AI avec une quarantaine de professionnels polyvalents au profit des entreprises participantes.
Comment l’IA peut soutenir les PMEs dans les marchés émergeants de la région ?
L’IA est devenue un allié des petites entreprises, qui représentent d’ailleurs 90 % de toutes les entreprises africaines. L’IA les aide à améliorer leur efficacité et leur prise de décision et les soutient pour optimiser leur croissance. L’IA aide à formaliser et à rationaliser les fonctions critiques, tout en maintenant les coûts à un niveau bas. Alors qu’environ 5/7 PMEs échouent en Afrique au cours de leur première année et que 40 % d’entre elles ont du mal à accéder au financement, l’IA offre une sorte de bouée de sauvetage. Une enquête a révélé que 93 % des propriétaires de petites entreprises pensent que l’IA peut générer des économies de coûts, et 41 % l’utilise pour automatiser les tâches et se concentrer sur les activités à forte valeur ajoutée.
Par ailleurs, en exploitant les réseaux de distribution des multinationales, Microsoft s’appuie sur des alliances stratégiques pour atteindre un grand nombre de PMEs sur tout le continent. Notre récent partenariat avec Orange en est la preuve. Il ambitionne d’accélérer la digitalisation des petites entreprises en Afrique, en exploitant le formidable réseau de l’opérateur de télécommunications de manière à pouvoir fournir aux PMEs un accès aux solutions de Microsoft telles que Microsoft 365, Copilot, Azure et Dynamics 365.
Comment Microsoft s’assure-t-il que ses systèmes d’intelligence artificielle respectent les normes éthiques et réglementaires dans divers environnements socioculturels ? Et quels sont les principaux défis éthiques que vous avez identifiés ?
Microsoft veille au respect des normes éthiques et réglementaires en adhérant à des principes fondamentaux tels que l’équité, la fiabilité, la confidentialité, l’inclusivité, la transparence et la responsabilité. Nous nous engageons activement avec les parties prenantes locales pour développer des solutions d’intelligence artificielle adaptées à la culture et conformes aux valeurs et aux normes de la société. Cette approche collaborative nous aide à relever des défis régionaux uniques et à faire en sorte que notre IA profite à diverses communautés.
Une approche réfléchie de la réglementation est également cruciale. La législation doit protéger la confidentialité des données, garantir une utilisation éthique de l’IA et minimiser les préjugés tout en favorisant les opportunités offertes par cette technologie. Le comité interne AETHER (AI Ethics and Effects in Engineering and Research) de Microsoft et le Bureau de l’IA responsable guident ces pratiques en interne, en veillant à ce que le développement et le déploiement de l’IA soient menés de manière responsable et avec une vision éthique.
Nous avons identifié plusieurs défis éthiques majeurs pour les systèmes d’IA, notamment la partialité et l’équité, la protection de la vie privée et la sécurité, la transparence et la responsabilité, l’inclusivité et la fiabilité. En relevant ces défis, nous nous assurons que l’IA fait progresser la technologie, tout en ayant un impact positif sur la société, de manière responsable et éthique.
Selon vous, quelle sera l’application la plus perturbatrice de l’IA au cours des cinq prochaines années ?
Vu le rythme rapide et accéléré de l’innovation, il est difficile de se projeter sur cinq ans. Cependant, les annonces récentes lors du dernier événement Ignite fournissent un aperçu des plus importantes tendances que nous pourrions observer dans les années à venir. L’une d’elles est l’évolution vers un monde d’agents, où il sera possible de créer des agents personnels, organisationnels, de processus métier ou inter organisationnels, ainsi que l’émergence d’agents tiers.
Une autre tendance se manifeste, en l’occurrence la faisabilité de la mise en œuvre de l’IA à la périphérie et sur certains points finaux, ce qui aboutira à une utilisation plus inclusive, même dans les zones où la bande passante Internet est limitée.
Comment Microsoft anticipe-t-elle l’impact de l’IA sur l’emploi dans la région CEMA, et quels mécanismes proposez-vous pour soutenir cette transition ?
L’IA représente une opportunité monumentale pour la croissance économique en Afrique. Son potentiel consiste en une contribution à l’économie du continent d’ici 2030 qui peut aller jusqu’à 1,5 trillion de dollars. Cela dans la mesure où les entreprises réussissent à capturer 10 % du potentiel mondial de l’IA. Ce chiffre représente environ 50 % du PIB de l’Afrique.
Aussi, sachant que l’IA transforme sans aucun doute les rôles professionnels existants, elle créera également de nombreuses nouvelles opportunités. Il est impératif, pour soutenir cette transition, d’abaisser les obstacles à l’accès aux compétences en matière d’IA. Pour ce faire, il convient de soutenir des initiatives telles que le Navigateur de compétences en IA et des projets de perfectionnement spécifiques à chaque pays. En outre, il est essentiel d’aider les PMEs. Comme précité, l’IA devrait prolonger la durée de vie des petites entreprises, ce qui est essentiel étant donné que plus de 70 % d’entre elles font faillite au cours de leur première année d’existence. En tirant parti de l’IA, les PMEs peuvent améliorer leur efficacité opérationnelle et leur résilience, ce qui leur permet de prospérer sur un marché concurrentiel.
Entretien réalisé par Selim Benabdelkhalek