Anthony Hié est Chief Innovation & Digital Officer, membre du Comité Exécutif du Groupe Excelia. Il a occupé des postes similaires à l’ESCP Business School et dans d’autres établissements d’enseignement supérieur. Il a reçu le Trophée de l’Innovation et de la Transformation Numérique 2023 dans la catégorie Éducation décerné par le magazine français Solutions Numériques pour le plan de transformation XL Vision d’Excelia.
Il a mis en place plusieurs plans de transformation phygitale dans l’industrie, les services publics et l’enseignement supérieur, ce qui lui a permis de développer une expertise holistique en gestion de projets numériques, y compris la gestion du changement et des ressources humaines. Il possède des compétences dans l’intégration de l’IA dans les solutions EdTech, ainsi que dans l’utilisation de l’IA générative pour transformer l’éducation qu’il explore depuis 2017.
Son expertise inclut le développement de technologies d’apprentissage personnalisées et adaptatives, en utilisant des systèmes intelligents pour améliorer l’expérience d’apprentissage et promouvoir l’utilisation de l’IA pour améliorer le développement des compétences et les résultats éducatifs. Il maîtrise également les enjeux et défis de l’intelligence artificielle dans les domaines des médias et du tourisme. Il est expert en technologies de pointe telles que l’apprentissage immersif et la réalité mixte appliqués à la pédagogie notamment à Excelia. Il a initié plusieurs métavers éducatifs stimulant les capacités cognitives des étudiants. Il a publié plus de 68 articles sur les technologies de pointe ou les médias éducatifs concernant l’innovation et l’utilisation des technologies émergentes.
Aujourd’hui, l’intelligence artificielle occupe une place centrale dans notre quotidien, bouleversant de nombreux secteurs, de la santé à l’éducation, en passant par l’industrie et la créativité. Pourtant, cette technologie soulève aussi de nombreuses questions sur ses implications éthiques, son impact sur l’emploi et son potentiel à transformer en profondeur nos modes de vie. Pour mieux comprendre les enjeux et les opportunités liés à l’IA, nous avons rencontré Anthony Hié, spécialiste en la matière, qui répond à nos questions sur les défis, les promesses, mais aussi les risques que présente cette révolution technologique.
La Nouvelle Tribune : Comment définissez-vous l’intelligence artificielle et quelles sont ses principales applications aujourd’hui ?
Anthony Hié : L’IA, c’est la capacité d’un ordinateur ou d’un algorithme à réaliser des tâches qui nécessitent habituellement une intelligence humaine. L’application la plus réputée à ce jour de l’IA est l’Intelligence Artificielle Générative, une branche de l’intelligence artificielle qui utilise de grands modèles de données pour créer du contenu original, comme du texte, des images ou de la musique, en se basant sur des données préexistantes. La plus connue étant ChatGPT l’IA Générative créée par OpenAI.
Quels sont les défis éthiques majeurs liés à l’IA, notamment en matière de biais, de surveillance et de protection des données ?
L’éthique de l’IA concerne la conception, le développement et l’utilisation responsables de l’intelligence artificielle. Le principal problème de l’éthique de l’IA réside dans la difficulté à garantir que ces systèmes respectent des normes de justice et d’équité tout en évitant les biais, la discrimination, et l’atteinte à la vie privée. Les biais dans l’IA peuvent apparaître lors de l’entraînement des modèles. Si les données utilisées contiennent des préjugés ou des discriminations, l’IA risque de les reproduire sans discernement. Pour comprendre ces biais, il est crucial de savoir comment ils se forment : les modèles d’IA apprennent à partir de données réelles qu’ils utilisent pour faire des prédictions ou des recommandations. Si ces données sont marquées par des stéréotypes, des injustices ou des discriminations, l’IA peut perpétuer ces mêmes travers. En premier lieu, la formation est indispensable. Il s’agit de préparer des développeurs conscients de l’importance de concevoir des algorithmes justes et équitables. Ils doivent aussi examiner attentivement les caractéristiques intégrées dans les modèles d’IA, afin de prévenir la reproduction de stéréotypes et de préjugés.
Comment l’IA impacte-t-elle le marché du travail et quelles industries sont les plus susceptibles de voir leurs emplois transformés ?
L’IA impacte le marché du travail en automatisant certaines tâches répétitives et analytiques, ce qui peut augmenter la productivité, mais aussi entraîner la suppression ou la transformation de certains emplois. Les industries les plus susceptibles de voir leurs emplois modifiés sont celles qui dépendent fortement de l’analyse de données, de la gestion des processus et de la production, comme la finance, la santé, la logistique, la fabrication ou encore le commerce de détail. Dans ces secteurs, les tâches routinières et manuelles risquent d’être automatisées, tandis que les emplois nécessitant des compétences humaines, comme la créativité, la résolution de problèmes complexes ou l’empathie, pourraient devenir plus valorisés. Dans cette perspective, Il est nécessaire de se focaliser sur la complémentarité humain-machine.
Quelles sont les avancées récentes dans l’IA qui vous semblent les plus prometteuses pour le futur ?
Dans les avancées prometteuses nous pouvons noter de nouveaux modèles de langage moins consommateur d’énergie tout en augmentant leur performance. Par exemple Mistral AI a conçu le modèle Mistral Large 2, un modèle capable de traiter de très longues conversations ou documents tout en utilisant moins de ressources informatiques. De plus, il produit moins d’erreurs, rendant ses réponses plus fiables. Ce modèle est idéal pour les développeurs et professionnels qui travaillent sur des tâches complexes. OpenAI a également introduit une nouvelle série de modèles nommée o1, qui se concentre sur la capacité de raisonnement pour résoudre des problèmes complexes, notamment dans les domaines scientifiques et mathématiques. Ce modèle o1 se rapproche davantage du raisonnement humain en prenant plus de temps pour formuler des réponses approfondies.
Comment peut-on équilibrer la recherche et le développement de l’IA avec des réglementations qui protègent les individus et la société ?
Pour équilibrer la recherche et le développement de l’IA avec des réglementations protectrices, il est essentiel de mettre en place des régulations flexibles qui permettent l’innovation tout en garantissant la sécurité et le respect des droits individuels. Cela pourrait se faire par des tests rigoureux de sécurité, une transparence des algorithmes, et des mécanismes de responsabilité pour les développeurs. Une collaboration internationale entre les gouvernements, les chercheurs et l’industrie est nécessaire pour créer des cadres éthiques qui évoluent en fonction des avancées technologiques et des risques émergents.
Quels sont les risques d’une IA superintelligente, et devons-nous craindre une perte de contrôle par l’humanité ?
Une IA superintelligente appelée communément IA Générale, pourrait dépasser nos capacités à la contrôler, ce qui pose des risques si elle développe des objectifs contraires aux intérêts humains. Elle pourrait prendre des décisions autonomes sans tenir compte des considérations éthiques ou des conséquences pour l’humanité. Pour éviter ce danger, il est essentiel de créer des systèmes de sécurité et des mécanismes de contrôle robustes avant que de telles IA ne deviennent une réalité.
Quelles sont les limites actuelles de l’IA, et qu’est-ce qui freine son développement à l’échelle humaine ?
Les limites actuelles de l’IA incluent sa dépendance massive aux données, son manque de compréhension réelle du contexte humain, et son incapacité à faire preuve de créativité autonome. Elle agit actuellement sur la base de corrélations sans une véritable conscience ou initiative. Cependant, la promesse de l’informatique quantique pourrait accélérer ces développements en améliorant considérablement la puissance de calcul, permettant ainsi de résoudre des problèmes extrêmement complexes et d’entraîner des modèles plus puissants avec des données plus vastes et variées.
Comment l’IA peut-elle être utilisée pour résoudre les défis globaux, comme le changement climatique ou les crises sanitaires, et aussi à titre d’exemple le stress hydrique, un volet qui concerne particulièrement le Maroc à l’heure actuelle ?
La combinaison de l’IA et de l’informatique quantique pourrait révolutionner des domaines comme la météorologie et l’énergie, en résolvant des problèmes complexes plus rapidement et en aidant à relever des défis environnementaux tels que le changement climatique et l’optimisation de l’utilisation des énergies renouvelables. Concernant le stress hydrique, un problème crucial pour des pays comme le Maroc, l’IA et l’informatique quantique peuvent analyser d’énormes volumes de données hydriques pour optimiser la gestion de l’eau, améliorer la prévision des sécheresses, et rendre plus efficace les réseaux d’irrigation. Grâce à la simulation rapide de scénarios complexes, ces technologies aident à identifier des solutions pour une utilisation plus durable des ressources en eau, un aspect vital pour des régions menacées par la pénurie d’eau.
Dans le domaine de la santé, l’IA quantique pourrait révolutionner la gestion des crises sanitaires en accélérant le développement de traitements ou en simulant des épidémies pour anticiper et prévenir leur propagation. Ces outils permettent également de mieux comprendre l’interaction entre pathogènes et systèmes biologiques, rendant la réponse aux pandémies plus rapide et plus ciblée.
Entretien réalisé par Ayoub Bouazzaoui