Crédits photo : Ahmed Boussarhane/LNT
Le voici, le revers de la médaille. Celui d’un Maroc qui a indéniablement fait un bond de développement économique ces vingt dernières années, au soft power grandissant, de la jet-set mondiale à Marrakech aux performances footballistiques des Lions, en passant par les satisfécits réguliers des institutions internationales, le dernier en date étant l’OCDE il n’y a pas plus d’une semaine. Le revers, ce sont ces jeunes marocains, nos compatriotes, qui sont prêts à risquer leur vie dans l’espoir d’une vie meilleure à l’étranger, quel qu’il soit, pourvu qu’elle soit différente.
TikTok pullule de témoignages poignants de jeunes qui expliquent par A+B que même avec un travail, rémunéré 8 dirhams de l’heure, la vie est insoutenable quand il faut payer un loyer, vivre dignement et aider ses proches dont la situation est souvent plus grave encore. Certains tentent d’ironiser en commentaire « le Maroc devrait s’organiser d’abord avant d’organiser une Coupe du Monde », ou « avons-nous nourri tout le monde ici pour permettre à d’autre de venir manger chez nous ? ».
Alors, ont-ils raison de vouloir partir ? L’herbe est-elle plus verte ailleurs ? Rien n’est moins sûr, lorsque l’on voit les inclinaisons des opinions publiques européennes pour l’extrême droite ou les lois anti-immigration, et la situation économique des couches les plus populaires. Mais difficile de les en convaincre, ils n’ont cure de ces réponses qui n’en sont pas, parce qu’ils ont le sentiment d’être des témoins impuissants de leur vie au lieu d’en être acteurs.
En réalité, les événements de ce week-end à Sebta sont le miroir de nombreux échecs qu’il serait grand temps d’adresser. Le premier d’entre eux est celui de l’économie informelle et de la marginalisation de fait d’une partie des Marocains qui ne rentrent pas dans les critères, pourtant ô combien nombreux, des différentes réformes gouvernementales en cours.
Le second est celui de l’échec de la contribution citoyenne des élites, politiques et économiques. Rien, absolument rien n’est fait par les partis politiques, ils ne se déplacent même pas in situ et ne semblent pas avoir d’avis sur la question. Quant à ceux qui s’enrichissent continuellement grâce aux progrès que fait ce pays, rien ne garantit de leur part une contribution sociale durable et canalisée vers les plus nécessiteux.
Le Gouvernement aussi est aux abonnés absents. Pas de déclaration, de commentaire, de communiqué de presse, d’aucun ministère ou responsable en fonction. L’autruche n’aurait pas fait mieux. Mieux encore, les médias publics aussi ne couvrent pas les événements, alors qu’ils auraient pu ne serait-ce que témoigner de l’incroyable mobilisation des forces de l’ordre marocaines sans lesquelles ce week-end aurait pu virer au drame ; ou relater les évidentes manipulations des ennemis du Maroc déjouées une nouvelle fois par les services de la sécurité nationale. Pourquoi laisser la place aux caméras espagnoles et à la désinformation organisée des réseaux sociaux ?
D’ailleurs, ces événements ravivent aussi la question de Sebta et Melilia, car il est quand même de plus en plus incongru que sur notre territoire, nous devions faire office de régulateur migratoire pour nos voisins européens dans leur tour d’ivoire.
Alors que faire ? Arrêter d’abord « l’œil de plastique » et réduire la cadence de l’autosatisfaction quand le karma nous rattrape avec autant de violence. De manière plus concrète, tous ces jeunes méritent bien une réflexion nationale, quelques milliards, des assises ou quelque format incluant une contribution des acteurs de la société civile entre autres. Ils méritent surtout que leurs témoignages soient recueillis pour en tirer des conclusions et trouver des solutions avant qu’ils n’aient atteints les portes du non-retour. Parce que clamer haut et fort que « manger l’herbe de chez nous vaut mieux que le pain des autres » ne suffit plus.
Zouhair Yata
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