Le Comité de Coordination et de Surveillance des Risques Systémiques (CCSRS) s’est réuni mardi au siège de Bank Al-Maghrib (BAM) à Rabat. Cette 19ème réunion a permis de faire le point sur la stabilité du secteur financier marocain, marquée par la résilience du secteur bancaire, la croissance modérée du secteur des assurances, et les défis persistants dans le secteur des retraites.
Lors de cette réunion, le CCSRS a relevé que le secteur bancaire marocain a continué d’afficher des fondamentaux solides en 2023. Sur le plan de la rentabilité, le résultat agrégé des banques a enregistré un rebond de 20,4% à la fin de l’année, après une contraction de 13% en 2022. Ce redressement est principalement attribué à la performance des opérations de marché, qui ont contribué à cette croissance substantielle des profits.
En termes de solvabilité, les banques marocaines ont affiché des ratios solides. Sur base sociale, le ratio moyen de solvabilité s’établit à 15,5% et le ratio moyen de fonds propres de catégorie 1 à 12,9%. Ces niveaux sont bien au-dessus des minimas réglementaires fixés respectivement à 12% et 9%. Sur base consolidée, ces ratios se situent à 13,5% pour la solvabilité et 11,6% pour les fonds propres de catégorie 1, démontrant ainsi la robustesse du secteur face aux exigences réglementaires.
De plus, l’exercice de macro-stress test de solvabilité a confirmé la résilience du secteur bancaire marocain face à des scénarios simulant la détérioration des conditions macroéconomiques. Le ratio de liquidité à court terme demeure à un niveau confortable, supérieur au seuil réglementaire de 100%, ce qui renforce la stabilité du secteur bancaire dans des conditions économiques incertaines.
Marchés Financiers, une solide résilience
Les infrastructures de marchés financiers marocaines continuent de faire preuve d’une forte résilience, tant sur le plan financier qu’opérationnel. Elles présentent toujours un niveau de risque faible pour la stabilité financière du pays. Cette robustesse des infrastructures est essentielle pour le bon fonctionnement du système financier et la confiance des investisseurs.
Malgré une hausse des taux d’intérêt, le secteur des assurances a maintenu sa croissance en 2023, bien qu’à un rythme plus lent. Le chiffre d’affaires du secteur a affiché une légère hausse de 3,9%, atteignant 55,9 milliards de dirhams à la fin de l’année. Cette croissance est principalement portée par la progression de la branche non-vie, qui a augmenté de 5,8%. En revanche, la croissance de la branche vie a ralenti, enregistrant une hausse de seulement 1,8%, contre une moyenne de 11,9% au cours des dix dernières années. Ce ralentissement est en grande partie dû à une performance moins dynamique du segment épargne.
Sur le plan de la rentabilité, le secteur des assurances a dégagé un résultat net comptable de 4,2 milliards de dirhams, en progression de 6,2%, portant ainsi le taux de rendement des fonds propres (ROE) à 9,6%. Le ratio des plus-values latentes sur les placements s’est amélioré à 9,3%, dans un contexte de reprise du marché boursier, ce qui a eu un impact positif sur la marge de solvabilité du secteur, atteignant 330,4%, contre 312,7% un an auparavant. Cette marge reste bien au-dessus du seuil réglementaire, même si elle ne couvre actuellement que le risque de souscription.
Les exercices de stress tests réalisés montrent une résilience globale des entreprises d’assurances face à des conditions macroéconomiques et techniques défavorables, confirmant ainsi la solidité du secteur.
Retraites : L’urgence de la réforme
Le CCSRS a également abordé les défis persistants du secteur des retraites, soulignant une situation financière difficile pour les principaux régimes de base. Le Régime des Pensions Civiles (CMR-RPC) et le Régime Collectif d’Allocation de Retraite (RCAR) continuent de faire face à des défis structurels majeurs. Les récentes mesures prises dans le cadre du dialogue social du 29 avril 2024 ont permis de repousser légèrement les horizons d’épuisement des réserves, mais elles ne garantissent pas la viabilité à long terme de ces régimes.
Pour le régime général de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), la réduction de la durée minimale de cotisation de 3240 à 1320 jours, qui vise à augmenter le nombre de bénéficiaires, risque d’accélérer l’apparition d’un déficit global et l’épuisement des réserves. Cette mesure, bien qu’ambitieuse, pourrait fragiliser davantage le système.
Face à ces défis, le CCSRS a insisté sur l’urgence de mettre en œuvre une réforme systémique du secteur des retraites. L’instauration d’un système à deux pôles, l’un public et l’autre privé, est devenue indispensable. Cette réforme vise à établir une tarification capable de résorber une partie substantielle des engagements passés non couverts par les régimes actuels.
La réforme proposée prévoit la mise en place de deux entités distinctes : un pôle public, qui continuerait de gérer les pensions des fonctionnaires et des employés du secteur public, et un pôle privé, destiné aux travailleurs du secteur privé. Cette structure bipolaire devrait permettre une gestion plus efficace et une meilleure répartition des ressources, tout en assurant une couverture plus étendue et plus équitable des bénéficiaires.
L’encours de la dette privée au Maroc s’est établi à 262,9 milliards de dirhams à fin avril 2024, enregistrant une progression de 3,54% par rapport à la même période l’année précédente. L’endettement net des émetteurs non-financiers par appel public à l’épargne reste globalement maîtrisé, avec un niveau de 53% des fonds propres pour les émetteurs cotés et de 80% pour les émetteurs non cotés.
Le CCSRS a salué les efforts déployés pour parachever la mise en conformité du dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme avec les recommandations du Groupe d’Action Financière (GAFI). Cette conformité a été entérinée par le Groupe d’Action Financière du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (GAFIMOAN) lors de sa réunion plénière tenue à Manama en mai 2024. Cette reconnaissance internationale renforce la crédibilité et la fiabilité du système financier marocain sur la scène mondiale.
En conclusion, la 19ème réunion du CCSRS a permis de dresser un bilan positif de la résilience du secteur financier marocain. Le secteur bancaire continue d’afficher des fondamentaux solides, le secteur des assurances maintient une croissance modérée, et des réformes structurelles sont nécessaires pour garantir la viabilité à long terme du secteur des retraites. La mise en œuvre de ces réformes sera cruciale pour assurer une stabilité durable et protéger les futures générations.
Selim Benabdelkhalek