Le 8 mars, journée internationale des droits de la femme, c’était la semaine dernière. Entre promotions commerciales et réflexions de fond, année après année, cette journée est l’occasion de rappeler que l’équité, l’égalité entre les genres, est loin d’être acquise, partout dans le monde. Ok, mais une fois ce jour passé, l’arrivée d’une réforme solide et salutaire dans notre partie du globe, qu’est-ce que cela change au problème réel de fond question égalité homme-femme? Point de vue.
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D’abord, quel est le réel problème ?
Est-ce que nous sommes encore bloqués sur l’affaire de base : monsieur de Néandertal qui chasse pendant que Madame attend le gnou à la maison ? D’ailleurs, il semblerait que ce modèle soit une vue de l’esprit, une projection patriarcale sur un passé siège de spéculations, si l’on en croit ce très sérieux article qui explique que chercheurs et chercheuses ne sont pas trop d’accord sur la place, le rôle et les occupations de la femme pendant la préhistoire.
Donc, la question de l’égalité serait-elle aussi liée à l’attribution des rôles au sein du foyer ? L’un, plus valorisé pourvoie aux besoins de base, tandis que l’autre s’adonne à des occupations moins valorisées ? Pourquoi d’ailleurs zigouiller un mammouth serait symboliquement plus important que de le rendre mangeable ? Au final, c’est une relation interdépendante, puisque préparer une marmite sans mammouth décédé avachi dedans n’est pas possible, et ramener une dépouille pour déj sans savoir le faire cuire n’est pas très utile non plus.
D’autres évoquent la religion et la culture en grandes coupables des inégalités observées dans la société. La femme ne serait qu’une version non upgradée de l’homme, un iOS pas vraiment terminé, une moitié de quelque chose, le sexe faible, et autres analogies parce que, quelque part, cela aurait été dit : l’homme est le chef de famille, la femme son assistante de direction, voire son employée.
C’est un peu le cliché, caricatural, qu’on nous bassine en nous expliquant que c’est pour cela que dans nos sociétés arabo-musulmanes, la femme serait de fait pas l’égale de l’homme puisqu’elle doit être protégée, chérie, pour vaquer à ses occupations attitrées de « prendre soin » du foyer pendant que monsieur doit s’assurer qu’il ramène assez à la maison pour qu’elle puisse faire son job.
Vraie interprétation ou lecture en diagonale des textes sacrés, toujours est-il que cette vision est très ancrée dans les mentalités et dans le droit actuel également. Dès lors que l’on place l’homme en protecteur et la femme en protégée, un rapport de force existe et un lien de supérieur-inférieur, de l’un qui sécurise et l’autre remercie, il y a un léger problème. Il ne s’agit pas de pouvoir à proprement dit, dans le sens oppressif du terme, mais plutôt dans le sens capacité.
Car, ici la femme donne un pouvoir de protection, voulu ou non, mais ressenti. La problématique de savoir si cette vision de la femme est biaisée, dégradante, ou pas n’est pas la question.
Savoir si elle a été transmise exactement comme cela dans les textes sacrés ou résultat d’un raccourci, non plus, savoir pourquoi, quand bien même la femme aurait pu avoir une position non pas d’alter-ego mais de créature fragile à protéger dans les textes, non plus. Il s’agit d’avancer avec cet état de fait mental qui reste une toile de fond de nos sociétés.
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Alors, d’où peut venir l’égalité ?
L’égalité est la capacité à jouir des mêmes droits, peu importe qui l’on est. Légèrement différente de l’équité qui permet de profiter des mêmes chances en tenant compte des différences fondamentales en les comblant pour ceux/celles qui en ont besoin.
Pouvoir aller à l’école, faire des études, obtenir le même salaire à compétences égales pour ne citer que quelques exemples.
Pourtant, ces droits existent.
Il n’est écrit nulle part que les femmes ne peuvent pas aller à l’école dans notre pays.
Pourtant, en 2022, 76% des jeunes NEET (ni en éducation, ni en formation, ni au travail) sont des filles, d’après l’Unicef. Ce n’est pas le droit qui est à blâmer ici, mais bien un inconscient collectif.
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Le droit en lui-même peut bien précéder les mentalités, les textes n’auront que peu d’écho si l’idée bien imprimée que les femmes n’ont, par essence, pas besoin de travailler est toujours présente. Dans cette conception, « ce n’est pas leur fonction originelle ». Cette croyance, qu’elle s’appuie sur des raisons tangibles ou fictives, n’est pas à juger en tant que telle. Elle existe, persistante, sourde.
Bien que les femmes participent à l’activité économique du pays, et à l’échelle de leur foyer cumulent parfois deux emplois (à l’intérieur et à l’extérieur), ou qu’elles soient au travail à la maison car s’occuper d’un foyer est un travail en soi, non rémunéré by the way, il existerait en filigrane une pensée communément partagée que finalement travailler pour les femmes est soit une nécessité (pas le choix, faut bien manger) ou l’expression d’un besoin de s’affirmer en femme moderne (c’est son hobby).
Or, le travail n’est pas que s’assurer des revenus, c’est, pour tout individu, contribuer consciemment ou pas, à quelque chose. C’est assumer un rôle au sein de la société tout entière peu importe le métier.
Quand on parle d’égalité, on peut juste s’arrêter là : est-ce que l’on se pose la question de pourquoi un homme travaille ? Non, c’est « naturel », c’est son « rôle ». Les femmes enfantent, les hommes bossent. Point. Et merci au revoir.
Et de là découlent des explications, l’homme serait fait de logique, les femmes d’émotions, etc. Mais quand bien même cela serait-il vrai, en quoi les émotions sont-elles inférieures à la logique ? Et si on mettait vraiment les choses sur un pied d’égalité ?
Alors, après 8 mars, et lorsque la réforme arrivera, que cela changera-t-il si les croyances, peu importe leurs origines, car même ailleurs dans le monde, même sans héritage religieux à qui faire porter le chapeau de l’inégalité homme-femme, restent ancrées en postulats inavouables mais qui façonnent profondément toutes les inégalités observées partout, dans tous les domaines continuent de dicter les comportements réflexes ?
On peut avancer, changer le droit, revendiquer, manifester, mais si on ne retourne pas à la source, à la définition même de ce qu’est un homme et ce qu’est une femme, comment véritablement aboutir à une équité absolue non pas dans les traitements mais simplement dans la perception même du genre ?
Car, au final, pour faire très simple, nous sommes des êtres humains. Simpliste ? Utopiste ? Réducteur ? Évident, logique, et cela résoudrait tellement de choses.
Alors, il ne s’agit pas de dire qui est le plus fort, et de se battre pour avoir plus pour enfin atteindre le pareil, mais simplement de transformer la perception de la frontière même des genres. Pourquoi devrait-elle-même exister ?
Soraya Tadlaoui