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L’idée d’imputer les pertes pécuniaires des parties prenantes d’une entreprise à la gestion de son dirigeant, et par là de trouver des manières de protéger ce dirigeant, est apparue aux Etats-Unis dans la foulée de la crise de 1929. La tendance a gagné l’Europe dans les années 70, tandis qu’au Maroc, ce n’est que récemment que l’on a vu apparaître des affaires de la sorte, comme pour la Samir ou encore Platinum Power. Initialement limité aux mandataires sociaux, le concept de responsabilité des dirigeants a été largement étendu avec la loi sur les sociétés anonymes de 2019, et dorénavant, même un directeur financier peut être attaqué pour faute de gestion, et voir son patrimoine personnel mis en jeu.
La responsabilité et la protection des dirigeants au Maroc est donc un domaine qui est appelé à prendre de plus en plus d’importance au Maroc dans les années à venir, et les sociétés auraient beaucoup à gagner si elles prennent leurs dispositions face à cette problématique.
C’est pour discuter de la question que nos confrères de 212Assurances ont organisé, dans le cadre des Petits Déjeuners Assurance, une rencontre sur le thème : « Responsabilité Civile des Mandataires Sociaux et Chefs d’Entreprises, Comment bien se protéger ». Animée par Abdelhamib Habboubi, PDG de EPEGA Assurances, et Victor Renaudin, Directeur Régional Global Corporate & Speciality chez Allianz, l’un des deux assureurs proposant ce type de produit au Maroc, l’événement a rassemblé assureurs et dirigeants d’entreprises, tout soucieux d’approfondir leurs connaissances sur la question.
Si le taux de pénétration des assurances RDD (Responsabilité des dirigeants) ou RC MS (Responsabilité civile des mandataires sociaux) est encore très faible au Maroc, jugé à moins de 1% pour un marché de 70 MDH, les choses pourraient changer rapidement. Non seulement parce que les tribunaux marocains ont commencé à acquérir les compétences leur permettant de traiter ce genre d’affaires, mais aussi parce que les sociétés marocaines sont de plus en plus installées à l’international, et leurs dirigeants peuvent donc être exposés à des risques encore très faibles dans le Royaume. Il faut savoir qu’en France, 3 à 4 000 dirigeants sont mis en garde à vue chaque année, et aux Etats-Unis, le taux d’équipement des entreprises en ce qui concerne ce genre de produits frôle les 100% !
Concrètement, la responsabilité du dirigeant peut être mise en cause dans trois situations : la faute de gestion (par exemple, il prend, ou pas, une décision, ce qui qui cause à la société d’importantes pertes), la violation des statuts de la société (par exemple, il signe un acte alors qu’il n’en a pas le pouvoir), ou encore le non-respect des dispositions légales et réglementaires. Peuvent demander réparation toutes les personnes qui auraient subi un dommage en raison du manque de diligence du dirigeant, c’est-à-dire la société elle-même, ses associés, ou toute autre personne qui aurait subi un dommage (salariés, clients, fournisseurs, etc.). Cela peut aller jusqu’à une association d’activistes qui attaquent un dirigeant pour des raisons liées à la RSE…
Allianz a conçu leur produit en s’inspirant des benchmarks internationaux, d’un côté, mais surtout, de l’autre, du droit marocain. Ce contrat offre plusieurs garanties, de la substitution à l’assuré dans le paiement des conséquences pécuniaires, à l’assistance et l’accompagnement dans les différentes démarches juridiques. C’est sur ce dernier point que les assureurs ont particulièrement insisté, car pour un dirigeant, il faut avant tout éviter la condamnation : « Arriver au paiement c’est déjà « perdu », vous êtes déjà « mort » », explique M. Habboubi.
Notons qu’une des particularités du contrat est la période de couverture, car elle englobe la reprise du passé inconnu et la période subséquente à celle de couverture, selon la date de la réclamation. Il faut également noter que c’est l’entreprise qui doit souscrire à ce type d’assurance et non la personne directement.
Avec un resserrement des finances au niveau mondial, et l’émergence constante de nouveaux risques (cyber, esg, ou même le mouvement me too, par exemple), l’exposition des dirigeants au risque est plus élevée que jamais, et aux Etats-Unis, la qualité de l’assurance RDD est une condition sine qua non de l’embauche des meilleurs talents. De quoi faire réfléchir les patrons marocains…
Selim Benabdelkhalek