Les fortes orientations royales annoncées avant la pandémie sanitaire portent sur d’importantes réformes et reposent sur une réorientation de l’État et de ses outils de financement. En effet, les différents discours du Souverain du 29 juillet 2020 à l’occasion de la fête du Trône et du 9 octobre 2020, de l’ouverture de la 1ère session parlementaire, ont annoncé d’une part, une réforme inédite avec la création d’une agence nationale chargée d’assurer la gestion des participations de l’État et d’améliorer la performance des établissements publics. Il s’agit, comme le précise Sa Majesté dans ces discours, « d’une réforme profonde du secteur public qui doit être lancée avec diligence pour corriger les dysfonctionnements structurels des établissements et des entreprises publics, garantir une complémentarité et une cohérence optimales entre leurs missions respectives et, in fine, rehausser leur efficience économique et sociale ».
Avec la précision de taille que apportée par le même discours qui dit qu’ « indépendamment de ses objectifs, la réussite de tout plan ou projet est tributaire de l’adoption des principes de bonne gouvernance » et que « les institutions de l’État et les entreprises publiques doivent montrer une attitude exemplaire et agir comme un levier de développement, et non comme un frein ».
Ainsi, le secteur public doit stratégiquement connaître une redéfinition substantielle et équilibrée, une responsabilité précise qui revient à l’Agence chargée de la supervision des participations de l’État et du suivi de leurs performances.
C’est un véritable tournant que l’État doit prendre pour assainir, développer et faire performer ses biens, services et richesses dans le respect de la transparence et avec une bonne gouvernance.
L’agence en question étant est donc, un nouvel outil de gouvernance pour instaurer une efficacité publique et en rationaliser les financements.
Pour dynamiser l’investissement privé, le Roi Mohammed VI a d’autre part, instigué la même démarche comme le montre le contenu de ses discours qui portent sur la création du fonds Mohamed VI.
En effet, dans son discours du 9 octobre 2020 devant le Parlement Il précise « Afin que ce fonds puisse s’acquitter pleinement de sa mission, Nous avons donné Nos Orientations pour qu’il soit doté de la personnalité morale et des structures managériales adéquates, de manière que, in fine, il s’impose comme un modèle de bonne gouvernance, d’efficience et de transparence. Nous avons également donné Nos Directives pour que ce fonds soit doté de 15 milliards de dirhams provenant du budget de l’État. L’allocation de ces crédits incitera les partenaires marocains et internationaux à accompagner les interventions du fonds et à contribuer aux projets d’investissement à venir ».
A la gouvernance, l’efficacité et l’efficience mise en avant par Sa Majesté dans tous ses discours, s’ajoute son appel à la participation des investisseurs internationaux. Ce sont précisément ces mêmes chalenges que tous les compartiments du marché des capitaux doivent relever pour s’élargir, se diversifier et améliorer leurs rendements.
Les événements récents qui ont caractérisé les différents compartiments du marché des capitaux marocain, ont mis en exergue leur caractère domestique, leur illiquidité et leur inefficience.
A commencer par le marché financier, notre Bourse des valeurs qui, eu égard aux faibles volumes qui y sont échangés et au bas niveau de son trading, est restreinte contrairement aux bourses comparables du MENA, qui sont plus importantes. C’est d’ailleurs aussi le cas du marché des bons du Trésor qui n’est non plus, pas assez liquide, comme il l’a été prouvé par l’impossibilité des opérateurs à reclasser leurs actifs suite à la remontée des taux en novembre dernier.
Car, parce que les acteurs de ces marchés, se connaissant les uns les autres, ont peu d’alternatives, leur comportement en devient « moutonnier » installant une forme de routine, sans aucune compétition.
Ainsi, l’écrasante majorité des investisseurs (99%) en Bons du Trésor sont marocains et plus de 90% des investisseurs en bourse le sont également, ce qui explique ce mimétisme.
Le Maroc est pourtant entré dans une nouvelle ère où les besoins en financement de l’économie, du Trésor public en particulier sont beaucoup plus importants.
Ainsi, la grande réforme du secteur public en se basant sur la gouvernance, l’amélioration des rendements et l’ouverture à l’international, donne ironiquement des leçons aux marchés financiers marocains qui ont de ce fait, grand besoin de s’ouvrir sur les investisseurs en portefeuilles étrangers, réputés être plus actifs et qui se distinguent par la qualité de leur communication vis-à-vis du marché, pour une meilleure valorisation des actifs notamment des cours en bourse. La dimension des marchés marocains est de plus en plus restreinte face aux besoins du pays. A ce titre, Il est important de rappeler que les investisseurs étrangers ont massivement quitté le Maroc lorsque notre bourse est sortie de l’indice MSCI à cause de la trop faible liquidité des titres, gardés en fond de portefeuilles par les institutionnels peu enclins à vendre. C’est le cas tout particulièrement pour les actions, dont ils détiennent plus de 50% du volume de la capitalisation boursière.
Aujourd’hui, ce positionnement est remis en cause parce qu’il est arrivé au bout de ses capacités. Avec un encours de 650 milliards de dirhams de dette du Trésor, il n’y a plus assez d’argent chez les institutionnels marocains pour soutenir le Trésor.
D’autant que nos institutionnels sont aussi sollicités par les OPCI, à 80% publics, qu’ils vont l’être encore par le fonds Mohammed VI, sans cesser de l’être par la Bourse, les titrisations, le financement des retraites etc.
Le système se fissure au fur et à mesure que la pression en besoins de financement grandit.
Pour tous ces arguments, le retour des investisseurs étrangers s’impose ! Ces derniers peuvent tirer les marchés vers le haut en exigeant des analystes financiers de challenger le management des sociétés cotées et les tendances du marché des bons du Trésor. Ce qui de fait, donnerait plus de consistance à la place financière marocaine.
Or, aujourd’hui, le rendement de 3% du marché obligataire et la performance négative du marché boursier, ne sont pas attractifs quand la dette américaine est rémunérée à un ou deux points de plus.
Mais, la mise à niveau du marché des capitaux au Maroc doit passer aussi par celle de nos entreprises. Quand une entreprise se présente à la bourse pour s’y introduire, il lui faut être aux normes des standards internationaux de gouvernance, de gestion, de transparence, d’engagement avec sa communauté. Les entreprises doivent avoir dans leur ADN cette démarche nécessaire à leur cotation d’un jour. A défaut nos marchés financiers ne seront pas non plus aux meilleurs standards, respectueux des investisseurs minoritaires, dans la transparence et la démocratisation de l’information. C’est une des raisons très importantes pour laquelle la bourse ne s’épanouit pas et que les institutionnels ne peuvent y être dynamiques.
Dans ce contexte une question s’impose : n’est-ce-pas dans les crises que les meilleures réformes naissent ? Preuve en est qu’en 1993, la réforme de la bourse a été une conséquence directe de l’ajustement structurel imposé par le FMI à notre pays. Il faut rappeler qu’en 2000, la Bourse de Casablanca était dans le top 3 des bourses africaines alors que l’économie marocaine se situait plutôt au 6ème ou 7ème rang continental.
Le Nouveau Modèle de Développement a d’ailleurs clairement conclu que le marché des capitaux en général et la Bourse tout particulièrement doivent être les nouveaux vecteurs d’amorçage de la nouvelle dynamique de financement de l’économie marocaine. Pour changer de paradigmes de développement il faut changer les paradigmes d financement, et donner enfin à la bourse son rôle de financement de l’économie.
Pour conclure, on aura compris que l’État ne veut et ne doit plus être le principal porteur de l’investissement au Maroc. Même s’il connaît des difficultés sur le plan budgétaire, l’État ne doit plus exercer un effet d’éviction envers le privé et concurrencer les entrepreneurs.
Les réformes lancées par le SM le Roi Mohammed VI ont justement comme principal objectif de sortir de la situation actuelle de la dépendance du pays envers l’investissement de l’État comme en témoigne la nouvelle Charte d’investissement qui prévoit de porter l’investissement privé aux deux tiers de l’investissement national…
Afifa Dassouli