
Si le financement des PME, de manière opérationnelle, est du ressort des sphère politique et financière, en amont, c’est le monde universitaire qui, à travers la recherche, livre les clés nécessaires à l’élaboration de solutions à cette problématique. Les études théoriques sont donc essentielles pour réaliser des diagnostics rigoureux et mettre en œuvre des programmes de développement efficaces.
L’une des études ayant particulièrement retenu notre attention est un travail de recherche effectué par le Pr Ali Ouchekkir, Enseignant chercheur en Economie et Finance à la Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales de Salé, et Pamphile Mouandzibi Nding, Doctorant, publié dans l’IOSR Journal of Business and Management (volume 23, 10ème publication) en octobre 2021.
Le professeur rappelle la place essentielle des PME dans l’économie marocaine, précisant que « ce qui fait la particularité des PME marocaines, c’est bien leurs souplesses ainsi que leurs capacités à s’adapter aux aléas conjoncturels ». Toutefois, constate-t-il, « ce sont également des entreprises qui à chaque étape, se heurtent à des difficultés nouvelles et de différentes natures (organisationnelles, commerciales, administratives, juridiques, fiscales, réglementaires, financières et technologiques, etc.), dont l’accès aux sources de financements constitue la contrainte la plus visible et un important élément de blocage de leur croissance ». Ainsi, « les PME marocaines pâtissent plus encore que les PME des pays développés de la faible qualité des capacités humaines et institutionnelles mises à leur disposition et tardent ainsi à recueillir tous les bénéfices qu’elles sont en droit d’attendre de la mondialisation », déplore le Pr Ouchekkir.
Quels sont donc ces obstacles au financement des PME, et comment les surmonter ? Concernant la première partie de la question, le Professeur identifie des facteurs intrinsèques, et des facteurs externes. Pour les premiers, « ces difficultés sont liées aux spécificités et aux caractéristiques mêmes des PME marocaines ». Parmi ses difficultés, l’étude cite « la fragilité de la structure financière des PME, le style de management de ces entreprises ainsi que l’absence totale des facteurs de compétitivité ». Parmi les obstacles externes au financement des PME marocaines, le professeur Ouchekkir distingue « les lourdeurs administratives et la fiscalité désavantageuse dont souffrent ces entreprises. Cependant, les problématiques liées aux financements sont importantes et souvent citées dans les premiers challenges face aux développements des PME au Maroc ». Les auteurs de l’étude concluent sur ce point que ces difficultés poussent les PME marocaines à se focaliser sur leur survie plutôt que leur développement, ce qui freine l’innovation, et ainsi bride la compétitivité.
Bien que représentant 93% du tissu économique national, « seulement 18% des TPME ont recours aux sources de financement externe malgré les mesures incitatives mises en place par l’État afin d’encourager les banques à accorder davantage de crédits aux PME (HCP, 2019) », rappelle l’étude. Si des mesures ont été prises pour atténuer ce phénomène, « l’obstacle de financement demeure fondamental du fait des garanties qu’exigent les banques, l’inadéquation de l’offre de financement et le niveau élevé des taux créditeurs. Si les PME ont du mal à accéder au financement bancaire, c’est aussi parce que la transparence fait défaut dans la majorité des PME et que les business plans de développement sont souvent mal ficelés », selon le Pr Ouchekkir.
L’étude analyse en profondeur les différentes sortes de financements externes auxquelles peuvent accéder les PME, et en dissèque les forces et faiblesses, du marché actions au crowdfunding en passant par le capital-risque et la finance verte. Car il ne faut pas manquer de souligner qu’un des obstacles majeurs au financement des PME est le manque d’informations de ses dirigeants, qui connaissent rarement l’ensemble des options qui s’offrent à eux.
L’étude tient ainsi à montrer « que les obstacles au financement des PME marocaines tiennent autant à des causes qui résident dans les spécificités et les caractéristiques économiques et comportementales de ces entreprises que dans les postures des structures du système financier marocain ». Ainsi, poursuit Pr Ouchek kir, « lever ces obstacles, consiste à créer un cadre légal et réglementaire favorisant, notamment, les changements de comportement, tant des dirigeants des PME marocaines que des financiers, afin que ces derniers soient en mesure de mieux apprécier la réalité de ces PME, leurs difficultés ainsi que leur mode de fonctionnement ».
De plus, « pour faire face aux limites du système financier traditionnel à satisfaire les besoins financiers et de financement des PME marocaines, il est primordial de dynamiser le développement d’autres modes de financement alternatifs », soutient l’auteur. Enfin, soutient l’auteur, « la mise en œuvre des mesures de soutien, comme le renforcement des capacités des acteurs ou encore l’instauration d’une règlementation juridique et fiscale adaptée aux impératifs technologiques et environnementaux », doit accompagner les autres pistes de développement proposées, et permettre ainsi aux PME de jouer pleinement le rôle dans la dynamisation de l’économie marocaine.
Selim Benabdelkahlek