Lors d’une nouvelle édition du programme « Les mardis du PCNS », il a été question des relations bilatérales maroco-algériennes en mettant l’accent sur les zones frontalières entre les deux pays voisins à partir d’une perspective historique scientifique. Que nous disent les frontières de la nature des relations entre les deux pays frères ? et comment peut-on construire, à partir de là, la vision d’un avenir commun afin de réaliser le développement et le bien-être pour les deux ?
La première phase débute à partir du 16e siècle lorsque les Turcs pénètrent en Algérie et que les premiers signes des frontières entre les deux Etats ont commencé à apparaître. Avec la naissance de l’Etat alaouite au cours du 17e siècle, les premiers sultans alaouites se sont engagés auprès des Turcs d’Algérie à ne pas aller au-delà de l’oued Tafna qui se situe à l’ouest d’Oran et s’étend vers le sud jusqu’à l’ouest de Tlemcen. Mais la délimitation des frontières au sud de cet oued est restée floue. La zone du Sahara faisait partie du Maroc en vertu du système d’allégeance et des impôts qui étaient perçus.
Solidarité face à la colonisation
Au cours de la deuxième phase – la phase du colonialisme français (1830-1962) – qui a introduit le concept nouveau de frontières basées sur des cartes et sur le modèle européen de l’Etat-nation, le Maroc va devoir faire face à l’expansion française. En effet, le Traité de Lalla Maghnia sur les frontières est intervenu après une défaite militaire en 1844 et a constitué une grande injustice envers le Maroc. Le traité était très ambigu car il déterminait les points de repère dans la zone tellienne, c’est-à-dire de la mer aux environs des oasis de Figuig, alors que la frontière au sud de Figuig est demeurée imprécise, de façon délibérée, pour que la France puisse s’étendre comme elle veut et quand elle veut. Le Traité de 1901 signé à Paris et les deux accords d’Alger signés en 1902 ont ainsi complété la délimitation de la frontière au sud de Figuig, mais incluaient des parties du territoire marocain à l’Algérie, dont, à titre d’exemple, l’oasis du Touat, Béchar, Kenadsa, etc.
Une imbrication, plutôt une forme de solidarité qui a commencé depuis l’occupation française de l’Algérie. Cette solidarité s’est manifestée à travers le soutien à l’Emir algérien Abdelkader, aussi bien au niveau populaire qu’au niveau officiel et s’est poursuivie jusqu’en 1844 lorsqu’un différend sur la question de la résistance est apparu entre le Sultan et l’Emir, alors que les tribus marocaines, qui se trouvaient aux frontières, soutenaient l’Emir malgré la pression du Sultan sur elles, mais ont dû finalement se soumettre au Sultan, ce qui a poussé l’Emir à recourir à l’armée française dans l’ouest algérien en 1847 après des affrontements militaires avec le Maroc. Cette affaire continue d’ailleurs de peser sur les relations entre les deux pays à ce jour. Lorsque le Maroc est devenu occupé à l’instar de l’Algérie (1912-1956), une grande solidarité s’est exprimée de la part des Uléma d’Algérie avec la cause marocaine, notamment avec la révolution de Mohammed Ben Abdelkrim El Khattabi, alors qu’était condamné le Dahir berbère et que la solidarité de l’association des Uléma avec le Maroc était renouvelée à l’occasion de l’exil du Sultan Mohammed Ben Youssef. Les manifestations de solidarité se sont poursuivies de 1956 à 1962.
Gel du traité de coopération
Il est important de rappeler que la rencontre d’Ifrane en 1969, puis l’accord de 1972, avaient pour objectif de forger cette solidarité à travers certains programmes et projets productifs communs. En marge de ces évolutions, en 1973, la question de la récupération du Sahara marocain a commencé à être à l’ordre du jour. Le Maroc craignait de voir des projets se mettre en place dans des régions dont la marocanité n’était pas encore établie. Cette crainte ainsi que l’inégalité des intérêts dans les accords conclus ont poussé le Maroc à geler le traité de coopération pour l’exploitation du minerai de fer près de Tindouf et à retarder la ratification de l’accord sur le tracé des frontières. Il existe d’autres questions sur lesquelles la coordination entre les deux pays a fait défaut, ce qui a conduit à des discordes et des tensions, notamment l’absence de coordination dans la lutte contre les activités de contrebande, de trafic de drogues et de terrorisme. Le projet de connexion électrique est en fait le seul projet qui est encore en vigueur entre les deux pays. Son maintien est le résultat d’accords internationaux liant l’Union du Maghreb Arabe et l’Espagne et ne peut être rompu. Quant aux autres projets, ils étaient voués à l’échec. On peut citer, en l’occurrence, le projet d’installation d’une cimenterie dans la zone frontalière, ainsi que le non-renouvellement de l’accord sur l’acheminement du gaz algérien vers l’Algérie via le territoire marocain (31 octobre 2021). La raison de l’échec de ces projets réside dans l’absence de coordination entre les deux Etats et le manque de confiance entre eux sur fond de la question de la récupération du Sahara.
Pour améliorer les relations entre les deux pays, il faut tout d’abord restaurer la confiance entre eux. A cet effet, il faut mettre en œuvre les accords antérieurs qui mettent l’accent sur le bon voisinage et la nécessité de résoudre les problèmes par des voies pacifiques et négociées. Cela passe par la reprise des relations diplomatiques, la coordination dans toutes les questions bilatérales, la mise en place de projets de développement conjoints dans les zones frontalières, tout en œuvrant à la réconciliation de la mémoire collective et à l’unification des programmes scolaires afin d’ancrer l’esprit de solidarité, plutôt que l’hostilité, dans les mentalités des jeunes générations. De façon générale, il semble que ce soient des calculs politiques qui commandent l’instauration de relations de voisinage normales entre les deux pays. Le fait d’aboutir à un consensus à leur sujet est susceptible de réduire les tensions et les incidents qui se produisent sur les frontières et de réaliser le développement économique le long de la zone frontalière, ce que souhaitent et espèrent les populations des deux côtés de la frontière. Seul un accord à propos du principal point de discorde, à savoir la question du Sahara marocain, est à même de ramener les relations entre les deux pays à leur état normal.
H.Z (avec CP de PCNS)