Mostapha BAHRI
Professeur, Consultant économiste.
On entend souvent lors de l’achat d’une voiture, d’un matériel électroménager ou de certains équipements la proposition par le vendeur de la garantie. Il s’agit en fait d’une garantie contractuelle et non pas de la garantie légale, qui est un droit du consommateur.
Est-ce que tous les consommateurs sont au courant de cette garantie légale ? J’en doute. La garantie légale est prévue par le Dahir formant code des obligations et contrats de 1913, reprise et précisée davantage par la loi n° 31-08 de 2011, édictant des mesures de protection du consommateur.
En effet, l’article 549 du Dahir sus-cité stipule ce qui suit : « Le vendeur garantit les vices de la chose qui en diminuent sensiblement la valeur, ou la rendent impropre à l’usage auquel elle est destinée d’après sa nature ou d’après le contrat…Le vendeur garantit également l’existence des qualités par lui déclarées, ou qui ont été stipulées par l’acheteur ».
De même, l’article 65 de la loi sus-indiquée rappelle en ce qui concerne la garantie légale des défauts de la chose vendue que les dispositions en la matière, prévues par le Dahir de 1913, sont applicables aux contrats de vente de biens ou de produits liant le consommateur au fournisseur.
Mais, même avec l’existence de ces dispositions relatives à la garantie légale prévue par les deux textes suscités, le consommateur se croit désarmer et ne songe pas à l’invoquer comme il peut le faire, théoriquement.
Pourquoi ?
Généralement, lorsque le consommateur réclame la garantie légale, le fournisseur conteste presque toujours qu’il soit tenu à garantie. Et pour que le consommateur arrive à obtenir gain de cause en cas de problème, il doit introduire une action en justice. Mais malheureusement, cette action demande du temps et entraine des frais qui sont souvent supérieurs à l’intérêt en jeu.
La conséquence c’est que la garantie légale est pratiquement paralysée pour les objets dont la valeur ne dépasse pas quelques centaines de dirhams et ce, en raison de la difficulté de sa mise en œuvre.
A cela, il faut ajouter l’obligation pour le consommateur d’apporter la preuve que le vice existait au moment de la livraison du produit acheté. C’est ici la difficulté majeure.
Pourquoi ?
Parce que, lorsqu’un équipement cesse de fonctionner quelques mois après son achat, il faut prouver que la panne est le résultat d’un défaut qui existait le jour de la livraison et qui n’était pas visible. Et pour cela, une expertise est indispensable pour présenter la preuve devant le tribunal, mais les frais d’expertise risquent parfois, de dépasser la valeur de l’objet. Et souvent le consommateur ne connait ni la procédure ni même où s’adresser pour contacter l’expert. Enfin, et à supposer même que les obstacles précédents soient levés, la garantie légale offre aux consommateurs des moyens généralement inadaptés, vues les difficultés pour sa mise en œuvre.
C’est pour cela que, doter un pays d’un arsenal juridique moderne est une très bonne chose, mais sa mise en œuvre pose des fois, énormément de problèmes. Comme c’est le cas pour notre pays, qui dispose de textes juridiques à la hauteur des aspirations des citoyens, mais l’application qui est le talon d’Achille, laisse à désirer.
Un texte et parfois certaines de ses dispositions, ne s’appliquent pas pour plusieurs raisons, entre autres :
- La conception d’une clause ou sa formulation, la rend difficilement applicable ou pas applicable ;
- La multiplicité des services chargés de l’application des textes, chacun a sa vision, ses objectifs, ses contraintes et son interprétation ;
- L’insuffisance, voire l’inexistence de ressources humaines avec un profil adéquat et au diapason de la mission attendue, bien formées et capables de mettre en œuvre le texte juridique ;
- L’éventuelle existence de blocage qui dévie le texte de sa finalité.
Il y a lieu de rappeler que la garantie légale existe dans tous les contrats de vente, (la vente étant un contrat[1]) qu’ils portent sur des meubles ou sur des immeubles. Quel que soit la qualité du vendeur, professionnel ou non, il doit la garantie. Peu importe la qualité de l’acheteur, consommateur ou non, il a droit à garantie.
Le consommateur a droit à la garantie lorsque la chose achetée présente un défaut caché qui la rend impropre à l’usage auquel elle est destinée, ou qui diminue tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il avait connu le défaut.
De même, la garantie suppose qu’au moment de la vente le défaut soit caché. Si le défaut est apparent, l’acheteur est censé l’avoir accepté tel qu’il est. Dans ce cas, il ne peut s’en plaindre par la suite.
La garantie, quand elle est applicable, ouvre un choix à l’acheteur. Il peut soit se faire rembourser le prix, en rendant la chose (action rédhibitoire), soit garder la chose et se faire rendre une partie du prix, déterminée par expert (action estimatoire).
La restitution ou la diminution du prix ne suffit pas toujours à réparer l’entier préjudice causé à l’acheteur. Celui-ci peut demander, en outre, des dommages et intérêts au vendeur.
Mais, malheureusement, sa mise en œuvre n’est pas une chose facile en raison des difficultés citées en haut. D’où l’importance de la garantie conventionnelle, qui est connue par les consommateurs, appelée également garantie commerciale ou contractuelle qui est proposée par les vendeurs.
Cette garantie, à la différence de la garantie légale, n’est due que par les fabricants et vendeurs qui l’ont promise et nul n’est obligé de faire une pareille promesse. Elle se pratiquait au début dans les ventes d’automobiles et dans celles d’appareils domestiques. Mais actuellement, elle est devenue un argument de vente. Plusieurs entreprises mettent en avant la garantie contractuelle pour rassurer davantage leurs clients. Certains acheteurs acceptent de payer un prix élevé s’il y a la garantie commerciale.
En effet, dans le commerce, il existe des produits similaires et destinés à la même utilisation. Seule la marque des produits est différente. Cependant, au niveau des prix il y a une grande différence. Les vendeurs des produits dont les prix sont élevés avancent l’argument de la garantie conventionnelle pour convaincre les clients à acheter leurs produits, alors que les seconds axent leurs thèses sur le prix intéressant.
Par ailleurs, certains commerces acceptent le retour de toute chose achetée, même sans vice caché, dans un délai d’un mois avec le remboursement du prix pays, à condition de retourner le produit avec le ticket de caisse.
Par ailleurs, au niveau de la durée de la garantie conventionnelle, les fournisseurs ne cessent de la prolonger. Ainsi, il a été relevé pour certaines machines à laver une garantie de 10 ans, pour certaines marques de voiture de 5 à 7 ans, voire à 10 ans dans certains pays étrangers et pour certains outils de construction et de chantiers, une durée de 20 ans, avec la possibilité de réparer le matériel pendant les deux premières années gratuitement, même en cas de panne due à une mauvaise manipulation.
Dans le cadre de cette garantie, l’acheteur reçoit un écrit, appelé bon ou certificat de garantie, par lequel le fabricant ou le vendeur s’engage à remettre en état ou à remplacer, dans des conditions déterminées, la chose vendue, si un défaut apparait dans un certain délai après la vente. Ce délai est fixé par le vendeur ou le fabricant, selon sa volonté.
D’ailleurs, l’arrêté du ministre de l’industrie, du commerce, de l’investissement et de l’économie numérique n° 07-14 du 2 janvier 2014 a fixé le modèle type des écrits conclus entre le fournisseur et le consommateur et relatifs à la garantie conventionnelle et/ou au service après-vente pour certains bien, produits ou services dans le secteur du commerce et de l’industrie.
Cependant, les modèles proposés par les entreprises ainsi que les modalités d’exercice de la garantie, diffèrent d’une entreprise à l’autre et ce, en fonction de leurs objectifs.
Ainsi, certaines entreprises, conditionnent tout retour de marchandises, hors délai de rétractation, à leurs accords préalables et l’obtention d’un numéro de retour qui est délivré au client. Ce numéro doit être très lisiblement inscrit sur tout colis retourné.
De même, d’autres entreprises exigent que le retour des marchandises s’effectue aux frais du client, à ses risques et périls. Les produits retournés par le transporteur sans protection physique ou mal protégés ne pourront pas bénéficier de la garantie, au même titre que les produits endommagés, usés ou salis. Il appartient au client donc, de veiller à protéger et assurer le ou les produits retournés lors de leur transport.
Enfin, certains fournisseurs réclament les emballages et accessoires fournis avec le produit ainsi que les éventuelles étiquettes apposées sur le produit ou ses emballages, et qui sont nécessaires pour que le consommateur bénéficie de la garantie offerte. De ce fait, tout client est tenu de conserver les emballages et autres.
De ce qui précède, il ressort que malgré l’existence d’un texte qui a mis en place un modèle de contrat concernant la garantie conventionnelle, certaines entreprises mettent en place le leur en fonction de l’objectif recherché. Les entreprises qui cherchent la satisfaction et la fidélisation de leurs clientèles, octroient le maximum de garantie et plus que ceux proposés par les textes, alors que d’autres limitent au maximum ces garanties et les soumettent à des conditions.
Il est à rappeler que la garantie conventionnelle, quand elle est proposée, oblige le vendeur à maintenir la chose achetée en bon état, à des conditions convenues, pendant un délai déterminé après la vente. C’est du moins ce qui ressort des contrats de garantie les plus courants.
De là résultent la conséquence suivante, à savoir la garantie conventionnelle joue dès lors qu’un défaut apparait pendant le délai indiqué. Le client n’a pas à prouver qu’il existait déjà, de façon caché, lors de la livraison. C’est la raison pour laquelle les clients ont plus confiance en la garantie conventionnelle qu’en la garantie légale.
En effet, la garantie légale oblige le vendeur à supporter les conséquences du vice caché qui existait au moment de la vente. Mais, c’est au consommateur d’apporter la preuve, qui malheureusement n’est pas facile comme il a été signalé plus haut.
La mise en place d’une procédure légère qui ne nécessite ni frais ni dérangement pour le consommateur serait fort souhaitable. D’ailleurs, l’institution de la hisba réinstaurée en 1982, par Feu Hassan II, a donné des résultats impressionnants en ce qui concerne le règlement à l’amiable des litiges entre commerçants et artisans d’une part, et les consommateurs, d’autre part. L’action des Mohtassibs dans le domaine des litiges a permis l’allégement du fardeau des dossiers traités par les tribunaux. Malheureusement, cette institution commence à s’éclipser ces dernières années.
De ce qui précède plusieurs questions méritent d’être posées :
- Est-ce que les services en charge de la mise en application de la loi n° 31-08, ainsi que les associations de protection des consommateurs, ont mené des actions de vulgarisation des dispositions concernant les garanties légales et conventionnelles ?
- Les entreprises implantées sur le territoire national sont-elles au courant des dispositions sur les garanties tant légales que conventionnelles ? Une simple visite des sites de certaines entreprises montrent la différence entre ce qui est proposé par les contrats relatifs à la garantie conventionnelle et ce qui est prévu par les textes.
- Est-ce qu’il ne faut pas engager une réflexion et faire un benchmark avec les textes de certains pays, pour rendre la garantie légale plus opérationnelle et plus adaptée aux contraintes rencontrées par les consommateurs ?
- Le seul recours du consommateur contre les vendeurs qui se soustraient de la garantie légale, est un véritable parcours du combattant. Est-ce qu’il n’est pas temps de mettre en place une procédure simple permettant de garantir les droits du consommateur contre les vices cachés ?
Conseils aux consommateurs
- Lors de tout achat d’un équipement domestique, veiller à ce que le fournisseur vous propose une garantie contractuelle. Il est plus facile de la mettre en œuvre, sans être obligé d’apporter la preuve que le vice caché existait lors de la livraison.
- Demander le maximum d’informations concernant la garantie proposée ainsi que sur sa durée et garder bien le document de garantie ainsi que la facture d’achat.
[1] Article n° 478 du code des obligations et contrats, Dahir du 12 août 1913, tel que modifié et complété.