Randolph Benzaquen nous fait le plaisir de partager avec nos lecteurs les bonnes feuilles de son dernier livre à paraitre, « Le Cri du Goéland ». A lire sans modération…
Notre mode de vie actuel va vite, à mes yeux trop vite pour l’homme, particulièrement dans les grandes villes. Nous ne prenons plus le temps de vivre. Nous sommes talonnés par mille et un problèmes qui nous empêchent de vivre le présent. On n’a plus le temps de regarder autour de soi. Tout doit aller plus vite. Pourquoi ? Je bannis l’expression : ‘’ Le temps c’est de l’argent. ‘’ Que l’économie de consommation nous a inculqués. La réussite prime sur le bien-être, cela devient une compétition.
On travaille pressé par le temps, on compense en achetant plus, c’est un cercle vicieux, on alimente la machine. On finit par stresser, on consomme donc des médicaments et l’industrie pharmaceutique s’enrichit. Les milieux financiers, les banques sont des auteurs responsables. Les machines remplacent les êtres humains et qu’à-t-on gagné en fin de compte, tout simplement à créer du chômage. Tout cela mène à une spéculation financière. On ne cherche que la rentabilité !
Nous allons inconsciemment vers des catastrophes. J’ai envie d’embrasser les enfants qui jouent à la marelle au lieu d’être devant des tablettes d’ordinateurs. On crée des peurs qui nous poussent à capitaliser. L’économie a éliminé toute conception morale. L’humain passe au second plan. Il est impératif de se réveiller et d’agir différemment, trouver le rythme qui nous correspond le mieux.
C’est le Sahara qui le premier m’a fait prendre conscience de cette accélération du temps. Tout d’abord, je l’ai parcouru en voiture tout terrain au Maroc puis en Mauritanie, au Sénégal, au Mali, au Tchad, en Algérie et encore. Après l’avoir un tant soit peu cerné, j’ai compris comment il fallait l’aborder.
En me rendant à Gao, j’ai ressenti un véritable choc émotionnel sur le bac qui traversait le fleuve Niger, la ville étant séparée par cette voie fluviale, à l’époque en 1970 le pont n’était pas encore construit. Tout d’abord le bac était une véritable arche de Noé, la Land Rover caracolait parmi les taxis brousse, elle avait traversé des étendues illimitées alors qu’eux n’effectuaient qu’un trajet limité et souvent identique.
Toute sorte d’animaux la cernait comme pour la questionner, les poules perchées sur ses portières racontaient aux zébus, aux ânes, aux chèvres, aux moutons, aux dromadaires, le périlleux périple qu’elle venait de vaillamment parcourir. Mais le plus surprenant restait à venir, en arrivant sur l’autre rive, un véritable choc émotionnel m’a marqué à vie. Descendant d’une colline qui menait au bord de l’eau, des centaines de dromadaires lourdement chargés de plaques de sel avançaient noblement vers la rive où les pinasses, grandes pirogues à fond plat, attendaient pour le chargement, leurs chameliers Touaregs étaient impressionnants de noblesse.
Je savais que ces hommes avaient parcouru des centaines de kilomètres dans le sable et la fournaise, bravant les nuits froides, le vent brûlant, les privations, la faim, la soif. Un travail exténuant pour un salaire de misère. Mais l’Azalaï, c’est aussi la liberté farouche, l’indépendance.
Le sel est l’âme du désert, c’est la vie! Nomades et éleveurs peuvent se passer d’argent, jamais de sel.
Par Randolph Benzaquen, extrait « Le Cri du Goéland »
Vous souhaitez être informé en temps réel ?
Soyez notifié dès qu’un article de cette rubrique est publié.
Culture Suivre Culture Ne plus suivre Culture