M. Ahmed Jamal Bouaichi
Entretien avec M. Jamal Bouaichi, un spécialiste de l’habitat américain
Ahmed Jamal Bouaichi est un Marocain résidant aux Etats-Unis. A son actif, une carrière professionnelle de longue date dans le secteur de l’habitat et l’urbanisme dans ce pays, où il occupe le poste de Senior Advisor in Multifamily Housing. Jamal Bouaichi est membre du SDG Decision Education Center de Stanford, AFERM, ABA Certified in Fraud Prevention. Il a reçu plusieurs prix, notamment par Harvard en «Leading with Finance», Wharton en «Leadership et gestion», Cornell en «Droit des affaires». Entre autres distinctions, il a reçu le certificat d’appréciation Making Home Abordable et le prix Spirit of Serve de Fannie Mae, et le Prix du gouvernement américain 2020. Dans cet entretien, Bouaichi démontre l’importance du marché secondaire pour l’économie marocaine, la création d’emploi et l’accès au logement. Pour lui, l’expérience a marché parfaitement bien aux US et ailleurs. Elle attire les pays du Golfe. Bouaichi invite vivement les responsables marocains à s’en inspirer.
La Nouvelle Tribune : Tout d’abord, qui est Jamal Bouaichi ?
Ahmed Jamal Bouaichi : Je suis un Américain d’origine marocaine. Je suis né à Meknès, mais j’ai déménagé à Casablanca à l’âge de cinq ans. J’habitais au quartier des Roches Noires. J’ai été à l’école Elbaroudy à Ain Sebaa où j’ai obtenu mon bac en 1984. Je suis aux États-Unis depuis 35 ans et je réside actuellement à 45 minutes de Washington DC dans l’Etat de Virginie avec ma femme et mes deux filles. Je travaille actuellement pour le gouvernement américain dans le logement et le développement urbain (HUD) en tant que conseiller principal.
Après de longues années en tant que Conseiller auprès du département américain de l’Habitat, que pouvez-vous nous dire sur le secteur immobilier aux États-Unis ?
L’immobilier aux États-Unis est très solide et bénéficie actuellement de taux d’intérêt très bas et d’une pénurie de stocks. Une donne qui a révélé que les nouvelles inscriptions sont rapidement retirées du marché à cause de la forte concurrence des acheteurs. Il est clair que c’est là le signe d’un marché immobilier vendeur fort.
Peut-on aussi savoir combien représente le secteur immobilier dans le PIB américain ?
Rien qu’en 2018, la construction immobilière a contribué à hauteur de 1,15 milliards de dollars à l’économie américaine, soit 6,2% du PIB américain. Si l’on rajoute les transactions immobilières réelles en termes d’investissements financiers sur le marché hypothécaire primaire et secondaire, le chiffre sera nettement plus élevé. Il existe un lien majeur entre la croissance du PIB et le marché immobilier. En fait, je pense que la croissance du PIB est le principal moteur des prix et des loyers de l’immobilier. Pour l’immobilier résidentiel, la logique de base de la cointégration de la croissance du PIB et du rendement du capital immobilier découle du fait qu’il faut accumuler des revenus pour acheter une maison ou une propriété commerciale.
Revenons au thème central de notre entretien, à savoir le marché immobilier secondaire. Que pouvez-vous nous en dire ?
Actuellement, un grand pourcentage des prêts hypothécaires nouvellement créés sont vendus par des prêteurs (sociétés hypothécaires et banques) à Fannie Mae, Freddie et Ginnie Mae, où ils sont conditionnés dans des titres adossés à des hypothèques et vendus à des investisseurs tels que des fonds de pension, des compagnies d’assurance, des couvertures, des fonds et des gouvernements en dehors des États-Unis tels que la Chine et l’Allemagne. Je suis convaincu que ce processus pourrait créer les éléments suivants: 1 : Augmentation de la liquidité des banques; 2 : Attirer de nouveaux investisseurs au Maroc; 3 : Baisse des taux hypothécaires pour les nouveaux emprunteurs; 4 : Créer une nouvelle source de revenus pour la bourse de Casablanca; 5 : Promouvoir l’accès à la propriété et créer un nouveau marché locatif abordable; 6 : Introduire des réglementations indispensables sur le marché hypothécaire; 7 : Plus important encore, cela créera des milliers d’emplois au Maroc et la prospérité de l’économie marocaine.
Quels sont les avantages du marché secondaire ?
Voici quelques avantages du marché secondaire. Il maintient les taux hypothécaires plus bas. Il permet de la liquidité à tous les investisseurs. Il réduit les coûts de transaction en raison du volume élevé des transactions. Cela donne aux investisseurs la possibilité d’utiliser leur argent inutilisé pour obtenir des rendements. C’est un bon indicateur de la situation économique d’un pays. Le Marché secondaire est en mesure aussi d’assurer la liquidité pour les investisseurs car on peut facilement acheter ou vendre les titres. Et permettre aux taux d’intérêt des prêts hypothécaires d’être similaires dans tout le pays, dans les bons et les mauvais moments. Mettre à la disposition des emprunteurs des prêts hypothécaires à plus long terme, par exemple 15, 20 et 30 ans. Met l’accès à la propriété à la portée d’acheteurs plus qualifiés. Dans la plupart des cas, permettre aux emprunteurs de se refinancer à tout moment sans pénalité.
Pensez-vous que le marché secondaire est en mesure de garantir aux citoyens le droit d’accéder à un logement décent et abordable ?
Absolument.
Ne pensez-vous pas qu’à côté, il faut des mécanismes de régulation importants ?
Absolument. La réglementation sera la base de ce processus et garantira la sécurité des investisseurs. Veuillez noter que les marchés secondaires aux États-Unis sont soumis à une forte réglementation du gouvernement. C’est pourquoi les investisseurs font confiance aux titres hypothécaires américains.
Comment imaginez-vous le marché secondaire au Maroc ?
Le Congrès américain avait créé le marché hypothécaire secondaire dans les années 1930 pour donner aux prêteurs (banques et sociétés d’hypothèques) un flux beaucoup plus important, plus régulier et plus uniformément distribué afin de stabiliser les marchés hypothécaires résidentiels du pays et d’élargir les possibilités d’accès à la propriété et de location abordable. 90 ans après, le secteur illustre un bon indicateur que ce processus fonctionne. Le Maroc devrait mettre en place un marché hypothécaire secondaire et commencer par le mettre en oeuvre dans peu de villes-pilote.