Crédit photos : Ahmed Boussarhane.
La crise sanitaire actuelle liée à la COVID-19 a perturbé les systèmes de santé de plusieurs pays et affaibli encore plus des systèmes déjà fragiles.
La Chambre de Commerce Britannique pour le Maroc a organisé un webinaire sous le thème : « Impact du Covid-19 sur le système de santé marocain ».
Cet événement était l’occasion de soulever plusieurs questions relatives à la gestion de la crise sanitaire dans le monde et au Maroc, aux nouveaux défis du secteur de la santé et son développement, au rôle que pourrait jouer le digital dans le domaine de la santé, etc.
Quatre panélistes ont pris part à ce webinaire, à savoir Maryam Bigdeli, représentante de l’OMS au Maroc, Noureddine Afouaiz DG de GLAXOSmithKline Maroc (GSK), Pr. Jaafar Heikel, médecin épidémiologiste spécialisé dans les maladies infectieuses et Pr. Chakib Nejjari, président de l’Université Mohammed VI des Sciences de la Santé.
Pour Maryam Bigdeli, la Covid-19 a eu pour impact de révéler des faiblesses du système de santé qui existaient déjà : « Le virus n’a pas affaiblit le système de santé mais a révélé les dysfonctionnements, et problèmes structurels qui existaient déjà. »
De son côté, le Pr. Jaafar Heikel affirme qu’aujourd’hui le système de santé marocain est débordé et ne peut plus répondre aux besoins de santé liés à la Covid-19.
Le Royaume a connu deux phases importantes. La première a commencé de mars à juin où le gouvernement marocain a été très réactif face à une situation épidémiologique qui était claire à l’époque. La deuxième phase est celle du déconfinement, et là on a manqué d’une planification sanitaire. « Après le 10 juin tout a changé ! », affirme le professeur.
Ce dernier rappelle que le confinement n’est pas une mesure pour stopper l’épidémie, mais plutôt une mesure transitoire d’urgence pour freiner la propagation d’un virus dans une population, le temps de trouver des solutions et de voir l’évolution de la dynamique épidémiologique. « Lorsque vous levez le confinement dans une population, il suffit qu’une partie ne respecte pas d’une façon stricte les mesures barrières pour que les cas explosent. Aujourd’hui, on se retrouve avec beaucoup plus de cas graves, parce que nous avons des retards de diagnostic, contrairement à la première phase où toute personne asymptotique était dépistée et prise en charge », explique Jaafar Heikel.
Il est à noter que même si le nombre de morts a augmenté ces dernières semaines, la létalité au Maroc reste inférieure à 2%, l’un des taux les plus faibles dans le monde.
Pour le professeur, l’une des conséquences de la Covid-19 sur le système de santé, est que les autres pathologies chroniques n’ont pas été prises en charge de façon optimale, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé, ce qui a eu des conséquences importantes.
« Est-ce que nous n’aurions pas, à court terme ou à moyen terme, une surmortalité simplement en raison de l’absence ou du retard du diagnostic des autres pathologies chroniques ? », se demande le Pr. Heikeil. Et de préciser : « Selon des études, entre 78% et 80% des décès au Maroc sont attribués aux maladies non transmissibles. Ce ne sont pas les maladies infectieuses qui tuent les Marocains ! ».
Répondant à une question sur l’avenir du système de santé post-covid, Chakib Nejjari souligne que cette crise sanitaire est une occasion pour réformer le système de santé marocain et tirer les bonnes leçons.
Selon le Pr. Nejjari, l’amélioration du système de santé passe par plusieurs paramètres. « Il y a la question budgétaire, celle des ressources humaines aussi bien sur le plan quantitatif, de la répartition au niveau national, que sur le plan qualitatif. On se rend compte aujourd’hui que le Maroc ne dispose pas de suffisamment d’anesthésistes réanimateurs, d’infirmiers anesthésistes, etc. » regrette-t-il. Le Pr. Nejjari soulève également la question du partenariat public-privé, un avis partagé par le Pr. Heikeil.
« Nous n’avons pas fait suffisamment participer le secteur privé contre la Covid-19, alors qu’il est important de l’impliquer si l’on veut restructurer notre système de santé. » déclare le Pr. Heikeil.
Ce dernier évoque deux raisons majeures au PPP. La première est que la moitié des professionnels de santé est dans le secteur privé. La seconde est que la majorité des personnes assurées au Maroc se fait soigner dans le privé.
« La Covid-19 n’est qu’un élément parmi d’autres, qui montrent aujourd’hui l’importance de revoir avec sérénité et intelligence sans démagogie ce système de santé », a-t-il conclu.
Quid du vaccin contre la Covid-19 ?
Le Maroc fait partie des 172 pays qui participent au futur dispositif d’accès mondial pour un vaccin contre la Covid-19, connu sous le nom de COVAX.
Le mécanisme Covax est mis en place par l’OMS pour garantir un accès équitable aux vaccins anti-coronavirus avec en priorité les personnes les plus à risque, notamment le personnel de santé et les personnes âgées.
Selon Maryam Bigdeli, même si les essais cliniques sont concluants et qu’on arrive à trouver un vaccin pour 2021, il n’y aura pas un vaccin pour tout le monde.
« Le vaccin va éradiquer la maladie un jour, mais ça ne sera pas en 2021 parce qu’il y a énormément d’inconnues sur son efficacité, l’immunité qu’il va procurer. Mais aussi, nous n’arriverons jamais à produire en 2021 suffisamment de doses pour la planète entière. Il va falloir privilégier de façon équitable les populations les plus à risque », explique M. Bigdeli.
Noureddine Afouaiz, pour sa part, dévoile que Gsk, en partenariat avec Sanofi, a débuté ses premiers essais sur l’homme.
« Les phases 1 et 2 viennent de démarrer il y a quelques jours, incluant 400 patients. Nous attendons les résultats d’ici à la fin de l’année. Si ces derniers sont positifs, nous allons pouvoir démarrer la phase 3. Et si cette phase démontre l’efficacité et la bonne tolérance, nous serons en mesure de commercialiser et de mettre à la disposition de l’ensemble des professionnels de santé un vaccin anti-Covid d’ici le deuxième semestre 2021 », affirme-t-il.
Asmaa Loudni