Des migrants dorment sur le parking d'un supermarché le 17 septembre 2020 après l'incendie du camp de Moria sur l'île grecque de Lesbos © AFP
Après une opération policière menée au petit matin, les rues et les parkings proches des ruines du camp incendié de Moria, sur l’île grecque de Lesbos, se vidaient peu à peu jeudi des milliers de migrants qui y dormaient depuis une semaine à même l’asphalte, 5.000 d’entre eux ayant rejoint un nouveau camp.
« Nous étions libres, et maintenant nous allons être enfermés à nouveau », a confié à l’AFP Mustafa, un réfugié soudanais.
« Si on ne veut pas aller au camp, ils nous y forceront », renchérit Abdul Sabu, un migrant afghan. « Nous devons y aller, sinon notre demande d’asile sera rejetée », ajoute son compatriote Fahim Sharifi.
Des milliers d’exilés, à la rue depuis l’incendie qui a détruit le méga-camp de Moria dans la nuit du 8 au 9 septembre, ont été tirés de leur sommeil par la police à 07H00 du matin pour être conduits vers le nouveau camp, « provisoire » assurent les autorités.
La police, présente en force après avoir bloqué l’accès à la zone à Médecins sans frontières et aux médias, faisait le tour des tentes, dans le calme, pour vider le secteur de ses sans-abri, a constaté un journaliste de l’AFP.
Sous un soleil déjà fort et sur fond de pleurs d’enfants, les réfugiés ont plié dans le calme leurs couvertures et transporté dans des sacs leurs maigres affaires, sauvées des flammes.
Famille par famille, certains avec une poussette d’autres tirant des cageots, des réfugiés faisaient toujours la queue dans l’après-midi devant le camp, érigé à la hâte par les autorités et l’ONU après l’incendie.
« Les migrants sont transférés de la rue à la nouvelle structure, de l’abandon à la prise de soins, des risques sanitaires au contrôle de la santé publique », s’est félicité le ministre de la Protection du citoyen Michalis Chryssohoïdis, présent lors de l’opération de police.
Jusqu’ici, 5.000 migrants ont rejoint le nouveau camp, dont 135 ont été testés positifs au coronavirus, a indiqué jeudi après-midi le ministre des Migrations Notis Mitarachi.
Il faudra « quelques jours » pour transférer les quelque 7.000 autres, a déclaré le ministre aux médias devant le camp.
Huit organisations ont déploré que dans le nouveau camp, aucune aide juridique ne soit apportée aux migrants, qui doivent refaire leur demande d’asile et passer pour cela des entretiens par téléconférence.
« Ni les demandeurs d’asile ni les organisations de soutien juridique n’ont pour l’instant reçu d’information des autorités grecques sur cette infrastructure », ont souligné ces groupes dans un communiqué commun.
Le camp de Moria, le plus grand d’Europe, mis en place il y a cinq ans au plus fort de la crise migratoire et décrié pour ses conditions sordides, a été entièrement détruit par l’incendie, prémédité selon les autorités grecques. Six jeunes migrants afghans ont été arrêtés, dont quatre ont été mis en examen pour « incendie volontaire ».
– « Certains y vont, d’autres résistent » –
De nombreux réfugiés ont refusé de s’installer dans le nouveau camp, par crainte de se voir de nouveau coincés pendant des mois dans l’attente d’un éventuel transfert vers la Grèce continentale ou un autre pays européen.
« Certains y vont, les autres résistent », explique Scotty Kelew, 29 ans, arrivé de République démocratique du Congo depuis six mois. « Nous sommes vraiment perplexes, on ne sait pas quoi faire », dit-il à l’AFP. Il pense que « tôt ou tard », lui-même va devoir s’y rendre mais « pour l’instant », il reste « en dehors du camp ».
Pour Mustafa, « c’est horrible » dans le camp, « il n’y a rien, pas assez de nourriture, de toilettes, pas de douche, il n’y a même pas de lit et pas d’électricité disponible pour l’instant ».
Le porte-parole du gouvernement grec Stelios Petsas a estimé jeudi que « les conditions sont meilleures dans le nouveau camp par rapport à celles de Moria ».
L’objectif de ce nouveau camp est de permettre aux réfugiés de « progressivement quitter l’île pour Athènes » ou « être réinstallés ailleurs », selon le représentant en Grèce du Haut commissariat de l’ONU aux Réfugiés en Grèce, Philippe Leclerc, qui a visité Lesbos.
Michalis Chrysochoidis a estimé que « la moitié » des exilés pourrait quitter Lesbos « d’ici Noël » et « les autres d’ici Pâques ».
Une plainte a été déposée localement jeudi contre le nouveau camp, arguant qu’il ne respecte pas les normes de protection de l’environnement et des sites archéologiques.
LNT avec Afp