Analysant la situation globale après la survenance de la pandémie, le Haut Commissariat au Plan estime que l’année 2020 sera caractérisée par une demande Intérieure en recul, sous l’effet du double choc de la crise sanitaire et de la sécheresse.
Ainsi le HCP considère que parallèlement à l’offre, les composantes de la demande de l’économie nationale devraient subir les effets négatifs de la crise sanitaire. Les mesures de confinement et de restriction devraient engendrer des changements sur les comportements des marchés et les modes de consommation des ménages. De même, l’investissement devrait afficher un net recul, en raison notamment de l’accentuation du mouvement de déstockage des entreprises, en limitant au maximum leurs besoins de financement dans un contexte de manque de visibilité et d’incertitude.
Ainsi, la consommation des ménages devrait se replier en 2020, sous l’effet de des retombées des restrictions sanitaires et des contractions des revenus en lien avec le recul de la production. A cela s’ajoute l’effet de la succession de deux mauvaises années agricoles devraient conduire les ménages à réduire leurs dépenses de consommation, notamment en matière de biens durables, de transport et de restauration et de loisirs. Ainsi, la consommation des ménages devrait enregistrer une évolution négative pour la première fois depuis 1997 et serait de près de – 5,1% en 2020 au lieu d’une hausse de 1,8% une année auparavant. Elle afficherait donc une contribution négative à la croissance du PIB de -2,9 points au lieu d’une contribution positive d’un point en 2019.
Quant aux dépenses de consommation publique, elles devraient augmenter de 8,9%, sous l’effet de l’effort financier en faveur du Fonds spécial de gestion de la pandémie Covid-19. Sa contribution à la croissance serait ainsi de 1,7 point au lieu de 0,6 point en 2019.
Globalement, la consommation finale nationale se serait repliée de 1,5% au lieu d’une hausse de 2,1% en 2019, contribuant ainsi négativement de -1,2 points à la croissance du PIB au lieu d’une contribution positive de 1,6 point en 2019.
Par ailleurs, l’investissement devrait connaitre un affaiblissement suite au repli de l’investissement en équipement industriel et en immobilier qui restent liés à la postériorité des dépenses d’investissement dans le contexte d’incertitude entourant la vitesse de la reprise économique.
Les entreprises devraient reporter leurs investissements, leurs achats de fournitures ou leur embauche d’emplois dans un contexte d’incertitude. Le secteur de la construction, déjà en difficulté, devrait être pénalisé par l’arrêt de chantiers lors de la période de confinement et par la baisse de la demande.
Ainsi, et tenant compte du recul de la variation des stocks, attribuable principalement à un mouvement important de déstockage des entreprises suite à la crise sanitaire, conjugué aux retombées de l’année agricole, l’investissement brut devrait enregistrer une baisse de -10% au lieu de 0,8% en 2019, contribuant ainsi négativement à la croissance économique de 3,2 points au lieu d’une contribution positive de 0,3 point en 2019.
Au total, la demande intérieure devrait connaitre une baisse de 4% en volume, au lieu d’une hausse de 1,7% en 2019 et 3,4% par an durant la période 2010-2018. Sa contribution à la croissance serait négative de -4,4 points, au lieu d’une contribution positive de 1,9 point en 2019.
Echanges extérieurs en berne
Le recul synchronisé des échanges économiques au niveau mondial, n’épargnerait pas les économies avec lesquelles le Maroc entretient des rapports commerciaux étroits notamment la France, l’Espagne et l’Italie. De plus, les mesures entreprises pour l’endiguement de la pandémie devraient nécessiter la suspension de certaines activités économiques en raison des mesures de distanciation sociale. Cette situation devrait être à l’origine d’un déséquilibre simultané de l’offre et de la demande au niveau international.
Les retombées socio-économiques de la pandémie dans les principaux pays partenaires, relatives à la discontinuité de l’activité des unités productives et au déséquilibre du marché d’emploi, devraient impacter significativement les exportations des métiers mondiaux notamment l’automobile dont les principales destinations sont les pays européens les plus touchés par la pandémie.
De même, l’industrie du textile devrait être confrontée, en plus de ses problèmes structurels, à une chute rapide de la demande étrangère. Cependant, la conversion de certaines unités de production des articles de textile à la production des articles médicaux devrait légèrement atténuer les répercussions de la baisse spectaculaire de la demande étrangère de ces produits.
Aussi et en dépit des efforts déployés pour assurer la continuité d’approvisionnement des marchés étrangers et le ralentissement du niveau de la production agricole dans les pays touchés par la pandémie, la fermeture des marchés en raison des mesures de distanciation sociale mises en vigueur, la baisse de la production sur certaines filières agricoles et l’augmentation des coûts relative aux difficultés logistiques au temps de la pandémie, devraient freiner l’expansion des exportations des produits agricoles marocains.
S’agissant des importations, la baisse de la production céréalière, de 42% par rapport à la compagne précédente, devraient augmenter les besoins de l’économie nationale en céréales satisfaits par le recours aux importations auprès des marchés internationaux. De plus, les nécessités en produits et matériaux médicaux pour faire face à la pandémie, devraient se traduire par une hausse importante des importations de cette catégorie de produits.
Toutefois, les répercussions de l’arrêt total ou partiel que devraient connaitre les activités économiques pendant la période du confinement, devraient contribuer au repli de leurs intrants intermédiaires et de leurs biens d’équipements. En outre, les perspectives du redressement des marchés s’annoncent lentes, ce qui devrait générer un recul des importations des biens d’équipement et demi-produits utilisés dans les processus de production notamment pour les secteurs exportateurs.
En tenant compte de la contreperformance des échanges de services, notamment ceux du voyage et du transport en raison des restrictions mises en place et du recul du transit lié aux échanges de marchandises, le volume des exportations de biens et de services devraient enregistrer un repli de 10,9% par rapport à une hausse de 5,8% enregistrée 2019. De même, les importations devraient s’inscrire en baisse de 6% au lieu d’une hausse de 3,4% enregistrée l’année précédente. A cet effet la demande extérieure nette devrait dégager une contribution négative de -1,4 point à la croissance du PIB au lieu d’une contribution positive de 0,6 points en 2019.
En terme nominal, la baisse de la demande globale et le maintien d’une offre satisfaisante sur les marchés mondiaux devraient engendrer une baisse presque générale des prix des matières premières. Le repli des cours des produits énergétiques devrait alléger la facture énergétique importée tandis que la baisse des cours des produits phosphatés devrait pénaliser partiellement les exportations nationales.
En tenant compte des évolutions des prix, les importations de biens et services devraient s’inscrire en baisse de -10,4% emboitant le pas aux exportations qui devraient enregistrer un recul en valeur de l’ordre de -17,6%. Ainsi et en tenant compte des évolutions nettes des échanges de services, le déficit en ressources devrait atteindre près de 13% du PIB soit une dégradation de 2,5% du PIB par rapport à son niveau en 2019.
En intégrant les flux des revenus des investissements et des transferts des MRE, le déficit du compte courant de la balance des paiements devrait atteindre 6,9% du PIB soit une détérioration de 2,3 points de pourcentage par rapport à son niveau enregistré en 2019.
Recours au réaménagement de la politique budgétaire pour faire face aux besoins de financement en 2020.
Au niveau des finances publiques, la pandémie du covid-19 et le gel de l’activité économique nationale durant la période de confinement, devraient induire des effets néfastes sur le budget de l’Etat en 2020 en termes de recettes fiscales.
Les recettes de l’IS provenant des sociétés opérant dans le secteur des télécommunications, du secteur bancaire ou celui des assurances ne devraient pas être fortement impactées, alors qu’une baisse des recettes est prévue suite aux demandes d’exemption des paiements des acomptes provisionnels des entreprises qui prévoient une chute de leurs résultats en 2020. De son côté, l’impôt sur le revenu devrait être affecté suite à la récession économique due à la sécheresse et aux retombées économique lourdes de la pandémie sur l’activité des entreprises.
De même, les recettes de la TVA devraient afficher une baisse remarquable suite au repli de la demande amplifiée par l’état et la durée prolongée de confinement. De ce fait, les recettes fiscales devraient accuser une baisse de 10,8% en 2020 pour se situer à 17,5% du PIB au lieu de 18,4% du PIB en 2019. Tenant compte de la hausse des recettes non fiscales à 3,2% du PIB, les recettes ordinaires devraient représenter 21,1% du PIB en 2020 en baisse par rapport à 21,7% en 2019.
Du côté des dépenses, il est à rappeler qu’une grande partie des charges, liées aux mesures de soutien social et économique prises par le Comité de veille, est financée par le fonds de gestion du coronavirus lancé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Les dépenses ordinaires devraient ainsi se maintenir, atteignant 22,7% du PIB. Cependant, les charges liées à la caisse de compensation, devraient se contracter en 2020, suite à la baisse des cours du pétrole et du gaz butane qui lui est directement lié.
Quant aux dépenses d’investissements, et sous l’hypothèse de recourir à des coupes budgétaires, en vue d’adapter la politique budgétaire aux impératifs du contexte pandémique, ces charges devraient baisser de près de 7% maintenant ainsi sa part dans le PIB à 6,1%. Dans ces conditions, les besoins de financement devraient s’accentuer en 2020 pour atteindre près de 7,4% du PIB, dépassant largement le niveau atteint en moyenne annuelle entre les années 2011 et 2013, soit 6,1% du PIB.
Endettement : Déplafonnement des emprunts extérieurs pour faire face aux exigences de la crise.
Le Maroc ferait recours à toutes les marges de manœuvre dont il dispose sans puiser dans le stock de devises qui risquerait de baisser fortement en 2020, sous l’effet du repli des flux financiers.
Ainsi, le Maroc devrait faire recours aux emprunts extérieurs supplémentaires dépassant le plafond des financements extérieurs fixé par la loi des finances 2020 à 3,16 MM dollars (31 MMDH). Ce choix se justifie par les mesures urgentes prises pour lutter contre la pandémie, qui devrait imposer des dépenses publiques élevées face à une baisse prévue des recettes de l’État.
Ainsi, ces conditions devraient porter l’encours de la dette extérieure du trésor à 16,7% du PIB et 22,4% de la dette globale du trésor, soit en hausse de 2,7 points et 0,8 point du PIB respectivement par rapport à l’année précédente. Tenant compte de la dette intérieure prévue à 57,7% du PIB, l’endettement global du trésor devrait atteindre 74,4% du PIB en 2020.
Au niveau de la dette extérieure garantie, les trésoreries des entreprises et établissements publics (EEP), engagés dans des investissements de grandes envergures, devraient, sous l’effet de la crise sanitaire, être confrontés en 2020 à de fortes tensions de financement. Parmi les établissements publics les plus touchés, ceux évoluant dans le secteur de transport, notamment l’ONCF, la RAM, l’Autoroute du Maroc et l’ONDA. Dans ces conditions, la dette publique globale dépasserait le seuil de 92% du PIB, en hausse de près de 12 points par rapport à un an auparavant.
Accentuation du besoin en liquidité bancaire, impactée notamment par la tendance haussière de la circulation fiduciaire amplifiée par les inquiétudes générées par la crise sanitaire.
L’année 2020 serait marquée, par une baisse importante des flux nets financiers, notamment les recettes touristiques, des exportations, des transferts des MRE, et des flux nets des investissements directs étrangers, ce qui devrait engendrer un repli des stocks en devises. Toutefois, le recours à l’endettement extérieur devrait alléger le creusement dans les réserves en devises ce qui devrait porter leur encours au terme de l’année 2020 à près de 212 MMDH (non compris l’utilisation de la Ligne de Précaution de la Liquidité de 3 MM dollars du FMI), en baisse par rapport à 253,4 MMDH enregistrés en 2019. Ceci ne devrait pas apaiser le besoin en liquidité du marché monétaire qui devrait s’accentuer pour atteindre 153,9 MMDH , en hausse de plus de 91 MMDH par rapport à son niveau enregistré en 2019.
Dans ces conditions, des mesures d’assouplissement monétaire ont été prises par la banque centrale afin d’atténuer la sous liquidité et soutenir la relance de l’économie nationale. Il s’agit notamment des réductions successives du taux directeur de 50 points de base, le ramenant à 1,5% en juin 2020, après la baisse de 25 points de base de 2,25% à 2% en mars dernier. Cette disposition est accompagnée par la libéralisation intégrale du compte de réserve monétaire, ramenant son taux de 2% à 0%, libérant 10 milliards de DH de liquidités qui serviraient à financer les besoins des agents économiques.
Ces dispositions permettraient d’améliorer les conditions de refinancement des banques en disposant de plus de ressources monétaires et devraient conduire ainsi à la baisse des taux d’intérêt auxquels devraient être accordés les crédits bancaires aux entreprises et aux particuliers. Dans ces conditions, les créances sur l’économie devraient progresser de près de 4,9% en 2020 au lieu de 5,6% l’année précédente.
S’agissant des créances nettes sur l’Administration Centrale, composées essentiellement des créances des autres institutions de dépôts, continueraient en 2020 de s’inscrire dans une tendance haussière, après leur ralentissement en 2019. Cette augmentation s’explique par l’évolution des portefeuilles des bons du Trésor, représentant près de 73,9% des créances des autres instituions de dépôts sur l’Administration centrale.
Cette augmentation s’explique par l’évolution des portefeuilles des bons du Trésor, représentant près de 73,9% des créances des autres instituions de dépôts sur l’Administration centrale. Tenant compte de toutes ces évolutions, la création monétaire augmenterait légèrement de près de 1,6% en 2020 au lieu de 3,8% en 2019.
LNT avec HCP