Avec l’AMMC, la diversification des produits financiers est déjà réalisée dans notre pays. L’Autorité Marocaine des Marchés de Capitaux a donc un rôle d’impulsion et de mise en place les règles de supervision qui s’avèrent aujourd’hui d’une grande utilité dans la relance de l’économie.
Le financement, qu’il soit public ou privé, a dû évoluer avec la crise sanitaire qui est devenue économique et mondiale ! On constate qu’au niveau des États, les verrous de limite du déficit budgétaire et du niveau d’endettement ont sauté, que le recours aux marchés des capitaux s’est renforcé, mais aussi qu’il est mis à contribution par des nouveaux instruments de financement, notamment de financement privé des projets publics ou de co-financement par des partenariats public-privé.
Au niveau international, le tout récent plan de financement de la crise, signé par les 27 pays européens, d’un montant de 750 Milliards d’euros, revient carrément aux subventions des pays les plus touchés de l’UE, que sont les pays du Sud et de l’Est, pour 300 milliards d’euros, mais aussi à la création d’un fonds qui va s’endetter au nom de l’UE à hauteur des besoins de son plan de soutien, pour financer la relance, ce qui est également inédit.
Dans ce contexte, la question du rôle que peut jouer le marché des capitaux marocain dans le financement de la relance de l’économie nationale, s’impose ! Quelles sont donc les pistes qui seront empruntées pour le financement tous azimuts de l’Etat et des entreprises, sachant que l’Etat marocain avait déjà lancé l’utilisation de produits innovants ?
L’AMMC, en tant qu’autorité de tutelle du marché des capitaux synthétise à son niveau les nouveaux instruments de financement qui vont s’inscrire dans la réalité avec ceux dits classiques pour affronter la crise et contribuer à la relance. En effet, le marché des capitaux constitue une source de financement complémentaire importante pour les entreprises aussi bien privées que publiques, et propose aujourd’hui une large palette de possibilités qui peuvent parfaitement s’intégrer dans le plan de relance de l’économie.
Heureusement, le marché des capitaux marocain a enregistré ces dernières années des évolutions structurantes qui apportent des solutions de financement variées et innovantes pouvant répondre aux besoins des émetteurs et des investisseurs. Il s’agit en premier de la refonte en profondeur des compartiments de la bourse de Casablanca avec de nouveaux compartiments dédiés à la PME et la possibilité de coter les fonds OPC, mais aussi celui en devises. Ainsi que l’introduction de mécanismes de financement répondant à des besoins spécifiques, les green bonds, OPCI, fonds de titrisation ou encore des solutions alternatives avec le financement collaboratif via des plateformes dédiées. Concrètement, le financement de la relance par le marché des capitaux peut s’appuyer sur plusieurs outils de financement existants ou en cours d’implémentation.
Tout particulièrement, dans l’objectif de renforcer le capital des entreprises marocaines et de consolider leur santé financière, le recours au marché alternatif, le compartiment à destination des PME, leur offre des conditions d’admission à la cote adaptées au profil et à la taille des PME, ainsi que des obligations d’informations financières allégées, pour ainsi rendre ce nouvel instrument de financement attrayant pour les PME. Pour ce, le montant minimum de l’appel public à l’épargne, a été ramené à 5 millions avec l’exigence d’un seul exercice certifié exigé et des publications financières assouplies en comparaison aux émetteurs admis au marché principal.
A un niveau plus élevé, un nouveau compartiment est dédié sur le marché financier aux investisseurs qualifiés. Il est destiné à répondre aux besoins des entreprises publiques ou au financement de projets d’infrastructure. Il est accessible exclusivement aux investisseurs institutionnels qualifiés compte tenu de la complexité des opérations qu’il accueille. Notons, qu’il s’agit d’une segmentation du marché boursier inédite qui, par ces nouveaux instruments, permet de faire face au financement de la relance dans le cadre d’une politique de restructuration du tissu entrepreneurial du Maroc. D’autres instruments de financement sectoriels récemment mis en place font déjà leur chemin. Plus généraux, les fonds de titrisation sont un outil de financement précieux qui a permis une restructuration financière des portefeuilles de certaines banques, et qui ont évolué vers les encours clients de grandes entreprises publiques.
Mais le véhicule récent et plus spécifique que sont les organismes de placement collectif Immobilier (OPCI), est aujourd’hui en application et plusieurs fonds agréés déjà opérationnels. La première société de gestion d’OPCI a été agréée par l’AMMC en 2019 et à ce jour, 5 sociétés de gestion d’OPCI et 4 fonds de type OPCI-RFA réservés aux investisseurs qualifiés sont en activité.
Ainsi, ces nouveaux fonds viennent diversifier les moyens de financement du secteur de l’immobilier en mobilisant en sa faveur une épargne longue. Par ailleurs, l’utilisation des instruments de dette classiques peut s’envisager aujourd’hui selon plusieurs variantes qui apportent diversification et flexibilité pouvant répondre à diverses structurations de financement . Outre les classiques, il y les obligations convertibles en actions, celles remboursables en actions ou subordonnées et même perpétuelles.
Le recours à d’autres instruments plus innovants à l’instar des émissions vertes (green bonds) et/ou sociales (sustainability bonds) constitue aussi une alternative intéressante aux obligations classiques et contribue au parachèvement des Objectifs de Développement Durable (ODD). Cinq émetteurs marocains ont mis sur le marché des emprunts obligataires de type « green » entre 2016 et 2018 pour des montants allant de 500 millions à 2 milliards de dirhams. Par ailleurs, le capital investissement est un outil de financement qui prend toute son importance dans la conjoncture actuelle. Il constitue un accélérateur de croissance pour de nombreux secteurs économiques notamment les secteurs innovants comme les FinTech et aussi au financement des jeunes pousses et des startups dans le cadre du capital amorçage. Le cadre juridique relatif au capital investissement au Maroc a substantiellement été assoupli au fil du temps, notamment pour les fonds prenant la forme OPCC, qui sont placés sous la supervision de l’AMMC.
Il est à noter qu’à fin 2019, l’actif net total géré par les sociétés de gestion d’OPCC a atteint 928,16 millions de dirhams et peut se démultiplier substantiellement. D’autres outils de financement en cours, devraient contribuer à l’enrichissement de l’offre du marché. Notamment, le financement collaboratif dit Crowdfunding, qui est un mode de financement opérant à travers des plateformes internet permettant la mise en relation directe et transparente entre des porteurs de projets et des contributeurs pour le financement de projets de petite taille. Le Maroc a fait le choix d’encadrer cette forme de financement via trois composantes : le don, le prêt et l’investissement en capital. Destiné aux projets de taille petite et moyenne, le financement collaboratif apporte des solutions flexibles et intervient en complémentarité des financements classiques. La loi y afférente est en cours d’adoption par la seconde chambre.
Les sociétés de financement collaboratif sont, selon le cas, agréées par Bank Al-Maghrib (plateformes de dons et de prêts) ou par l’AMMC (plateformes d’investissement en capital). Les porteurs de projets peuvent s’y financer dans la limite de 10 millions de dirhams par an et de 20 millions de dirhams par projet et des sociétés de financement collaboratif peuvent apporter du conseil aux porteurs de projet. Pour valoriser tous ces instruments de financement, la mise en place du Conseil en investissement financier est d’une grande importance. Son statut a été introduit par la nouvelle loi encadrant la bourse des valeurs. Le CIF va exercer dans un cadre désormais régulé.
Et est appelé à être un acteur de taille du marché des capitaux à l’instar de la pratique dans les marchés financiers développés. Il va accompagner les acteurs pour accéder au marché des capitaux, qu’ils soient investisseurs ou émetteurs d’instruments financiers. L’AMMC doit publier une circulaire qui fixe les conditions et modalités d’enregistrement des Conseils en Investissement Financier, qui leur permettra de devenir opérationnels…
A.D