Lorsqu’on cherche à comprendre quelles seront les conséquences de la Covid-19, il s’avère nécessaire de savoir quel est le point de départ, en termes d’atouts que notre pays pouvait posséder avant la survenance de cette crise aux effets et conséquences dévastateurs.
De façon globale, la dynamique qui a été lancée au Maroc sur les vingt dernières années a permis de concrétiser quatre objectifs majeurs.
En premier, on citera la dynamisation des infrastructures destinées aux collectivités. Et cela est d’abord pertinent pour la question des autoroutes avec 1600 kms et plus opérationnels à ce jour tandis que le propos est de développer le Maroc de Tanger à Lagouira. Très tôt d’ailleurs, depuis l’entame du règne du Roi Mohammed VI, le maillage territorial a eu la priorité en termes de développement des infrastructures «lourdes». En effet, les trois piliers sur lesquels repose la pensée économique de l’État sont :
-Les accords de libre-échange pour faire venir les investisseurs étrangers ;
-L’infrastructure afin que cette économie irrigue tout le pays et éviter ainsi les distorsions régionales ;
– Et l’ouverture de notre économie sur l’Afrique.
Or, pour ce qui concerne le dernier pilier, notre économie est à mi-chemin entre des ex-rentiers et ceux qui profiteront de l’ouverture et de la mondialisation. En effet, le secteur privé n’a pas encore totalement assimilé le message de la mondialisation, en ce sens qu’il doit en devenir l’un des acteurs. Pourtant, ce process a pu se développer grâce à la politique africaine du Maroc, destinée notamment à ouvrir des marchés aux entrepreneurs nationaux. L’exemple en a été donné par le Groupe Al Mada, (ex-SNI), l’un des tous premiers à s’africaniser.
On constate donc que l’État a rempli ses engagements, établi les règles mondialisées et s’est hissé aux standards et normes internationaux. Pour sa part, le secteur privé n’a pas encore compris cette problématique alors que tout est désormais possible pour lui dans un contexte nouveau. Le privé se comporte comme «un enfant qui n’a pas encore été sevré», commente un grand financier de la place. Pour lui : «Il ne s’agit pas pour le privé d’une crise de confiance au sens propre du mot. En fait, il doit arrêter tout simplement de demander à l’État qu’il agisse en son lieu et place et saisir les opportunités qui se présentent pour lui à l’international».
Un choix stratégique payant
Toutefois, selon d’autres opérateurs, l’ouverture, voulue dès l’An 2000 et rendue opératoire à partir de 2010-2011, du moins pour et par l’État, subit aujourd’hui des chocs exogènes et des pressions externes. Il y a vingt ans, ou vingt-cinq ans, notre pays se battait pour vendre des tomates et aujourd’hui, Boeing, Safran, Bombardier s’installent au Maroc, Renault et Peugeot également.
Cela signifie clairement que le Maroc a réussi. On est petit, d’autres sont grands, mais on a fait des choix pertinents. Ainsi, face à la volonté de repli sur soi-même de certains pays, y compris les plus grands, malheureusement, le Maroc a fait le choix irréversible de l’ouverture vers eux, en exprimant l’envie d’accueillir encore davantage des investisseurs étrangers.
A ce titre, nombre d’entre eux sont venus comme l’investisseur sud-Africain Sanlam, mais aussi des Japonais, des Chinois, des Français, des Espagnols, etc. Et en vingt ans, le Maroc s’est mis en position de jouer dans « la cour des grands » dans le domaine automobile ! En effet, lorsqu’un jeune Mexicain se mettra au volant de la Peugeot 208, qui a succédé à la 205, il conduira une voiture sortie des usines Peugeot Citroën de Kénitra !
A Renault- Melloussa, près de Tanger, ce sont cinq cent mille véhicules par an qui sont produits alors que Peugeot Kénitra, en produira trois cent mille quand, par comparaison, le constructeur japonais Toyota, produit dix millions de voitures par an ! C’est dire que le Maroc produit 10% du numéro 1 mondial Toyota et plus que la firme allemande BMW.
Il faut considérer ce résultat de la politique industrielle automobile du Maroc comme un exploit !
Il permet au Maroc d’être en compétition avec des pays qui sont constructeurs depuis longtemps et de figurer dans la mappemonde des pays constructeurs, au même titre que la France, l’Espagne, l’Italie, la Roumanie, la Turquie, etc. «C’est comme si, en quelque sorte, le Maroc avait gagné la Coupe du Monde des constructeurs automobiles !» commente un opérateur économique marocain. D’autant qu’il s’agit d’un club très fermé qui ne compte pas plus de quinze pays dans le monde…
On citera également l’assureur allemand Allianz, qui a racheté la branche marocaine de Zurich Assurance. Il faut savoir que le secteur des assurances l’accepte en tant que nouvel opérateur car dans son conseil d’Administration, il y a le PDG de BMW, celui d’Adidas, de Commerzbank, et la moitié du Dax allemand ! C’est ainsi que l’on comprend que le classement Doing Business ne se fait pas seulement dans les tableaux statistiques, mais également dans les conseils d’administration.
Autre exemple du genre, le centre de gravité du business agroalimentaire mondial est en train de basculer vers l’Asie et l’un des quatre mondiaux, regroupés dans l’appellation NOW, n’est autre que le Singapourien Wilmar, l’acquéreur de Cosumar lorsqu’elle fut cédée par la SNI. Pourtant, Wilmar est très loin de nous, géographiquement et culturellement parlant.
Aujourd’hui, dans le monde économique, le Maroc existe, tant dans la construction automobile, que dans l’aéronautique, que l’agrobusiness.
Vider les réticences et les mauvaises habitudes
Avant le capitalisme marocain était essentiellement maroco-marocain, mais aujourd’hui il faut savoir si l’on décide d’être national, régional, ou mondial. Selon un financier que nous avons interrogé : «certaines hésitations n’ont plus lieu d’être. En effet, au Maroc, on a un peu une mentalité d’insulaires. Au Nord, il y a une mer, à l’Ouest, un océan, à l’Est, la frontière était bouclée face à l’empire ottoman et au sud, une autre «grande mer», le désert du Sahara.
Historiquement, on a grandi avec une certaine mentalité faite d’une forme d’insularité, tout en se trouvant parfaitement à l’aise à l’intérieur de ce Royaume». Mais désormais, il faut saisir l’opportunité de la mondialisation. A l’ouverture de notre pays, il faut donner deux sens, le premier, terre d’accueil des investisseurs étrangers, est réussi.
Le second, selon lequel les Marocains doivent prendre leur part dans le champ mondial n’est pas encore accompli. Cela parce que ce n’est pas à l’État de le faire !
Les Turcs, par exemple, sont parvenus à prendre leurs parts de marché à l’international. On voit BIM, les hommes d’affaires turcs, leurs entreprises de BTP et de génie civil, etc.
En Afrique, on commence à voir des hommes d’affaires marocains et on espère que ce même phénomène s’étendra à l’Espagne, la Corée, la Chine, etc. Alors, crise de confiance, responsabilité de l’État, indolence du secteur privé qui a grossi à l’ombre des protections, peu importe !
Ce qui compte désormais, c’est de comprendre ce qu’il revient à chacun de faire pour réussir le pari de la mondialisation du Maroc vers l’extérieur alors que nous avons gagné celui de la mondialisation vers le Maroc !
Afifa Dassouli