Un champ d'orge sur l'île de Groix (France) le 19 juin 2019 © AFP LOIC VENANCE
L’Australie, « déçue » par la décision de la Chine de prélever des droits de douane punitifs sur son orge, a menacé mardi de porter ce différend devant l’Organisation mondiale du commerce dans un contexte de tensions politiques entre les deux pays.
Cette mesure est la dernière d’une série de sanctions prises par la Chine à l’encontre de l’Australie, dans un contexte de différend diplomatique entre les deux pays.
Pékin a annoncé lundi des droits de douane de 80,5% sur l’orge australienne après avoir constaté que les subventions et le dumping australiens ont « porté un coup considérable au secteur national ».
Les deux pays ont soutenu que ce litige autour de l’orge est un problème technique sur le plan commercial.
L’administration australienne a même minimisé les craintes d’une guerre commerciale, affirmant qu’il n’y aurait pas de réponse de type « un prêté pour un rendu » avec la Chine.
« Dire que je suis déçu est un euphémisme », a déclaré mardi le ministre de l’Agriculture David Littleproud. « Nous rejetons catégoriquement le postulat que l’orge cultivée en Australie est subventionnée de quelque manière que ce soit ».
« Nous allons désormais travailler avec les autorités chinoises, calmement et méthodiquement, et nous nous réservons le droit d’aller devant l’OMC pour qu’un arbitre indépendant tranche cette question », a poursuivi M. Littleproud.
Cette annonce intervient alors que la relation entre les deux pays s’est détériorée au fur et à mesure de l’affirmation par Pékin de sa puissance militaire, économique et diplomatique croissante en Asie-Pacifique.
Elle tombe moins d’une semaine après la décision de la Chine de suspendre les importations de boeuf australien de quatre grands fournisseurs.
Les tensions entre Pékin et Canberra se sont accrues depuis que l’Australie a réclamé l’ouverture d’une enquête sur la façon dont Pékin a géré la crise du nouveau coronavirus.
En réponse, l’ambassadeur de Chine à Canberra, Cheng Jingye, avait brandi la menace d’un boycott des produits australiens.
Weihuan Zhou, expert en droit économique international à l’Université de Nouvelles-Galles du Sud, a indiqué que la dernière mesure prise par la Chine est une « conséquence naturelle » d’une enquête gouvernementale sur les importations de céréales en provenance d’Australie.
Mais, a-t-il dit à l’AFP, le moment est révélateur.
La Chine est le principal partenaire commercial de l’Australie. Mais les deux pays sont à couteaux tirés depuis que le géant chinois des télécoms Huawei s’est vu interdire de construire le réseau 5G en Australie, sur fond de soupçons d’espionnage.
Darren Lim, maître de conférences en politique et relations internationales à l’Université nationale australienne, a déclaré que le différend commercial avait porté les relations entre les deux pays à « leur niveau le plus bas ».
« Si ces actions ont également porté préjudice à l’économie chinoise, la taille de la Chine et son système politique font que son gouvernement est mieux à même de faire face aux retombées de ces pertes économiques, du moins à court terme », a-t-il déclaré à l’AFP.
Selon lui, « Canberra comprend qu’il est imprudent d’intensifier la lutte » car « l’Australie n’a finalement pas la puissance de feu pour gagner ».
Les ministres australiens du Commerce et de l’Agriculture ont reconnu que leurs homologues chinois leur tournent désormais le dos, refusant de prendre leurs appels.
Dans un communiqué commun, cinq organisations australiennes de producteurs de céréales ont déclaré que le conflit risquait de mettre un coup d’arrêt à leurs exportations vers la Chine, ce qui coûterait au secteur au moins 500 millions de dollars australiens (299 millions d’euros) par an.
L’Australie a affirmé que les producteurs d’orge vont désormais se mettre en quête de nouveaux marchés à l’export, notamment au Moyen-Orient, mais qu’il ne sera pas facile de combler le vide laissé par Pékin.
La Chine achète plus de 50% des exportations d’orge australien: 2,5 millions de tonnes l’an dernier, loin devant le Japon qui est le deuxième importateur avec moins de 800.000 tonnes.
LNT avec Afp