Covid-19: l'Etat d’urgence sanitaire au Maroc
Après l’entrée en vigueur de plusieurs mesures multidimensionnelles, à la fois sanitaire, économique, sociale et industrielle, dictées par le Roi Mohammed VI pour endiguer la propagation du Covid-19, le Maroc engage depuis plusieurs jours une réflexion proactive autour de la stratégie de sortie du confinement généralisé strict, écrit le président de l’Institut Amadeus Brahim Fassi Fihri, dans un article publié sur le site de l’institut.
En effet, l’enjeu pour le Royaume sera de définir une politique de déconfinement résolument volontariste, réaliste et pragmatique, tout aussi efficace que la première salve de riposte face la propagation du nouveau coronavirus dans le pays, estime l’auteur de l’article, ajoutant que le Royaume sera soumis à la même équation, proposée à de très nombreux pays, qui consiste à assurer la relance progressive de son économie, sans pour autant relancer la propagation au niveau national de l’épidémie.
Au Maroc la situation épidémique est maîtrisée, grâce au confinement, à l’obligation de porter des masques en extérieur, à la multiplication par deux du nombre de lits de réanimation, à l’augmentation des tests de dépistages quotidiens et au suivi des cas contacts. Le taux de létalité, de 4,2% le 24 avril, est en baisse constante depuis deux semaines, alors que 83% des lits de réanimation consacrés au Covid-19 sont disponibles, rappelle M. Fassi Fihri.
La marge de lits de réanimation est rassurante certes, mais elle ne devrait pas être le seul facteur de bascule vers le déconfinement, ce qui reviendrait à accorder une prime au cynisme. Le changement, nécessairement encadré, de paramétrage des restrictions ne peut être envisagé qu’à la suite de la constatation d’une baisse, sur une durée minimale de 14 jours, des cas quotidiens de contaminations, mais aussi de la stabilisation du R-O (le degré de contagiosité du Covid-19, évalué en période hors confinement à un indice de 3 à 4 personnes contaminées par un seul patient positif) autour d’une valeur inférieure à 1, poursuit-il.
Il est également à rappeler que le déconfinement ne peut se décréter du jour au lendemain, il doit, en amont, être minutieusement anticipé et judicieusement pensé, notamment avec le professionnalisme des autorités du Royaume, qui ont su parfaitement faire preuve, tout au long de cette crise, d’une attitude proactive, laquelle ne manquerait pas au moment du déconfinement.
En accord avec la vocation de l’Institut Amadeus de se faire force de proposition, M. Fassi Fihri a présenté une ébauche de modélisation de l’étape post-confinement généralisé, pour le moment arrêtée dans le Royaume au 20 mai prochain.
La stratégie proposée par le président de l’Institut est composée de quatre phases d’allégement progressif des restrictions, en amont du passage à une cinquième et dernière phase matérialisant l’entrée dans l’ère de la vaccination. Ainsi, ces quatre étapes graduelles devrait être prolongé jusqu’à la généralisation du vaccin.
Brahim Fassi Fihri estime que « pour éviter d’être contraint de revenir, lors de la Phase 1, à la situation actuelle de confinement obligatoire généralisé, il serait judicieux de le prolonger à minima jusqu’au 1er juin, soit plusieurs jours après l’Aid El Fitr, qui constitue, par définition, un facteur de risque important de rebond de l’épidémie, qui serait, de surcroit, largement accentué s’il devait coïncider avec la date de sortie du confinement général ».
En outre, le déclenchement de la première phase de déconfinement, proposée dans cette ébauche de modélisation, impose une adjonction de deux principes essentiels, un R-0 inférieur à 1 et la constatation d’une baisse quotidienne des cas positifs, mais aussi des admissions en réanimation ou en soins intensifs, enregistrés sur une période de 14 jours.
Une stratégie de déconfinement « packagée » et étalée dans le temps, permettrait d’assurer une certaine forme de visibilité parce qu’elle offre une certaine possibilité de se projeter, ce qui est essentiel pour les citoyens et les entreprise. Cette stratégie devrait être nécessairement accompagnée par la démultiplication des mesures sociales d’accompagnement des entreprises et des ménages, d’autant plus que le dispositif actuel n’a été annoncé que pour une période de quatre mois, explique-t-il.
Le lancement de la première phase, imaginée dans cette modélisation, n’a de sens que si elle est opérée, au même moment sur l’ensemble du territoire national. Le passage d’une étape de déconfinement à la suivante est envisagé, sauf en cas de dégradation de la situation et de rebond de la situation épidémique, après une durée minimum de 22 jours, correspondant à l’addition des 14 jours imputables à la période d’incubation du virus et des 8 jours, à savoir le cap, communément admis, nécessaire à la possible aggravation de la maladie.
La phase dé déconfinement maitrisé se déroulerait en maintien des règles strictes de distanciation sociale dans les lieux et transports publics, incluant le port du masque obligatoire en dehors du domicile, avec l’ouverture, sous certaines conditions sanitaires contrôlées par les autorités, des universités, des centres d’enseignements supérieurs et de formations professionnelles, en plus de l’autorisation des réunions publiques en intérieur, y compris dans les Mosquées, limitées à 25 personnes avec respect strict des gestes barrière.
Une ouverture partielle des frontières aux voyageurs justifiant des motifs impérieux est également envisageable lors de cette phase. Les voyageurs entrants au Maroc devront se soumettre, dès leur arrivée, à un dépistage, à une quatorzaine obligatoire et à un isolement à leur frais dans un établissement hôtelier, en plus du retour progressif à la normale au sein des entreprises et des administrations, sous condition du respect des normes de prévention, ajoute M. Fassi Fihri.
La phase « sortie du confinement » de ce modèle, correspondant à l’étape de sortie de confinement est conditionnée par l’arrivée du vaccin. Au fur et à mesure de la généralisation de la vaccination, le maintien des règles strictes de distanciation sociale dans les lieux et transports publics, mais aussi le port du masque obligatoire en dehors du domicile, restent essentiels.
Les déplacements devront être contrôlés et autorisés, dans une très large mesure, uniquement aux personnes vaccinées, présentant une attestation sérologique. Le R-0 et les données épidémiologiques nécessiteront un monitoring continu, pour attester de l’immunité de groupe de la population, une fois la généralisation de la vaccination actée.
Enfin, l’auteur préconise que l’ouverture totale des frontières maritimes, terrestres et aériennes soit tributaire de la mise en place d’un passeport sérologique.
D’aucuns estiment que le Covid-19 marquera le début d’une ère nouvelle. Peut-être. Mais nous n’en sommes pas encore là. Nous sommes toujours en pleine tempête et nous sommes tout juste sur le point de remporter notre première victoire contre le virus, que nous n’aurons sans doute même pas l’occasion de célébrer, au risque de lui prêter le flanc et de nous exposer à un rebond tant redouté, conclut l’article.
LNT avec agences