Abdulsamet Cakir, imam de la mosquée Dedeman à Istanbul, porte des cartons de vivres le 21 avril 2020 dans l'entrée de la mosquée © AFP Bulent Kilic
Les étagères d’habitude réservées aux chaussures des fidèles sont garnies de pâtes, biscuits et bouteilles d’huile. Fermée aux prières pour cause de coronavirus, une mosquée d’Istanbul s’est transformée en supérette gratuite pour les plus démunis.
Des affiches collées sur les fenêtres de la mosquée invitent les mécènes potentiels à y déposer leur aide et ceux dans le besoin à s’y servir.
Située dans le district de Sariyer à Istanbul, la mosquée Dedeman, fermée aux prières collectives comme le reste des lieux de culte en Turquie pour éviter la propagation de l’épidémie de Covid-19, a été transformée en centre de distribution d’aide à l’initiative de son jeune imam, Abdulsamet Cakir, 33 ans.
« Après la suspension des prières, j’ai eu cette idée de faire revivre la mosquée en donnant aux gens aisés l’opportunité d’aider les nécessiteux », explique le religieux.
Lesté de provisions, l’imam fait la navette entre la salle de prière, dans laquelle s’empilent produits alimentaires et détergents, et le vestibule de la mosquée où il les range sur les étagères.
Abdulsamet Cakir dit que son initiative s’inspire de la « sadaka tasi », une sorte de stèle avec une cavité dans laquelle étaient déposées des aumônes destinées au plus pauvres à l’époque de l’empire ottoman.
« Nous nous sommes inspirés de la tradition de +sadaka tasi+ de nos ancêtres, cette fois en faisant remplir les étagères de notre mosquée avec les aides offertes par ceux qui en ont les moyens », dit-il.
L’épidémie de Covid-19 a fait plus de 2.200 morts en Turquie sur plus de 95.000 cas recensés, dont près de la moitié à Istanbul.
– Dons en nature –
Ceux qui souhaitent bénéficier de l’aide doivent s’inscrire sur une feuille accrochée sur le mur extérieur de la mosquée en laissant un numéro de téléphone. Si leur demande est approuvée par les autorités locales, ils reçoivent un message les invitant à aller se servir à la mosquée où chaque bénéficiaire a droit à huit produits.
Guleser Ocak, 50 ans, s’est rendue à la mosquée dès qu’elle a reçu le message sur son téléphone.
« Je suis vraiment dans le besoin. Mon mari ne travaille pas. Moi je faisais le ménage dans les maisons mais en raison du virus on ne fait plus appel à moi », confie-t-elle à l’AFP.
L’imam a déjà 900 bénéficiaires inscrits sur sa liste et il en sert 120 par jour pour éviter les attroupements dans la mosquée, distanciation sociale par temps de coronavirus oblige.
Deux personnes seulement, portant obligatoirement un masque, peuvent entrer dans le vestibule en même temps, alors que les autres attendent à l’extérieur à bonne distance les unes des autres.
« On demande à 15 personnes de venir chaque demi-heure pour éviter qu’une longue file se forme », affirme l’imam. « On fait de notre mieux pour aider nos frères et soeurs dans le respect de leur dignité ».
Seuls les dons en nature de produits qui seront ensuite distribués aux nécessiteux sont acceptés par la mosquée, qu’ils soient offerts par des particuliers ou des entreprises qui les fabriquent.
Les étagères sont ainsi garnies de produits alimentaires ou de nettoyage offerts par des donateurs de Turquie mais aussi de l’étranger. « Un frère qui habite en France a fait une commande en ligne et l’a fait livrer à la mosquée », se félicite l’imam.
Pour Duygu Kesimoglu, 29 ans, l’aide offerte par la mosquée tombe à point nommé alors que le mois de jeûne musulman du ramadan commence cette semaine.
« Malheureusement je suis sans emploi et je n’arrive pas à en trouver en raison du virus. Pas de job, pas d’argent, donc cette aide est une très très bonne chose », dit-elle.
LNT avec Afp