184 filles font leur service militaire à la Première Base navale des Forces Armées Royales à Casablanca. Crédits photo : Ahmed Boussarhane/LNT
Instauré en 1966 par feu le Roi Hassan II, avant d’être abrogé en 2006, le service militaire obligatoire se voulait un instrument de modernisation et de promotion sociale. D’une durée de 18 mois, il concernait tous les Marocains âgés entre 19 et 25 ans.
Douze ans après, le 20 août 2018, le projet de loi n°44.18 relatif au service militaire fut adopté en Conseil des ministres, présidé par le Roi Mohammed VI.
Le rétablissement de ce service, vient ainsi en application des Hautes instructions royales et conformément à l’article 38 de la Constitution qui stipule que « les citoyennes et citoyens contribuent à la défense de la patrie et de son intégrité territoriale ».
Le ministre délégué chargé de l’Administration de la défense nationale, Abdellatif Loudyi, avait déclaré, lors de l’adoption de ce projet de loi par la Chambre des représentants, que l’objectif à travers la restauration du service militaire est de renforcer la cohésion sociale, d’ouvrir aux appelés la voie de l’intégration dans la vie professionnelle et sociale en leur permettant de bénéficier d’une formation militaire et leur inculquer la culture militaire fondée sur la discipline, le courage, l’engagement, la responsabilité, le respect des institutions, et la gestion du temps.
Dès son annonce, l’opération a rencontré un grand succès. Avec 133.820 candidatures, dont 13.614 filles, le nombre d’appelés a dû être revu à la hausse, passant de 10 000 à 15 000 conscrits pour l’année 2019/2020.
La 36ème promotion du service militaire est enrôlée sous les drapeaux depuis le 3 septembre, pour une durée d’un an.
Âgés entre 19 et 25 ans, les jeunes ont été répartis sur 14 centres de formation mis en place à El Hajeb, Kasbet Tadla, Guercif, Témara, Casablanca, Nador, Ksar Sghir, El Hoceima, Meknès, Kénitra, Sidi Slimane, Ben Guerir, Marrakech et Benslimane.
Ces centres peuvent être 100% masculins, 100% féminins ou mixtes. Le nombre d’appelés dans les centres dépend de la capacité de ces derniers, et les programmes qui y sont dispensés sont identiques pour tous.
A Casablanca, c’est la Première Base navale des Forces Armées Royales qui accueille les appelés. Ils sont 684 à suivre les formations programmées au cours de cette période du service militaire, dont 184 filles. Et tous rêvent de faire carrière dans l’armée.
Pendant les premiers jours, si le passage de la vie civile à la vie militaire n’a pas été facile pour tout le monde, un mois après, ils se sont tous bien adaptés, nous apprend-on.
Quotidiennement, de 5h à 22H
Les journées de l’appelé au service militaire démarrent à 5 h du matin par un décrassage et se terminent à 22 h avec l’extinction des feux dans les couloirs.
En plus de l’entrainement sportif et militaire, les appelés reçoivent un enseignement théorique. En effet, ces stages de formations comprennent plusieurs matières, par exemple l’éducation civique et morale, l’éducation physique, l’histoire militaire, l’ordre serré, l’hygiène et le secourisme, etc. Tout cela dans le but d’apprendre aux jeunes appelés les valeurs morales, un nouveau mode de vie et leur inculquer le sens de la discipline.
Deux grandes phases de formation
Les 12 mois de formation sont divisés en 2 phases. La première s’étale sur une durée de quatre mois, et porte sur une formation générale de base. La deuxième phase dure 8 mois et comprend une formation spécialisée avec 6 mois de professionnalisation et 2 mois de visite de terrain.
Tous les centres militaires disposent d’une variété d’installations et d’espaces afin de garantir une formation complète aux appelés, dont des espaces de loisirs (jeux d’échec, dessin, musique, etc.), des salles d’étude, des salles de sports…
Les appelés au service militaire obligatoire reçoivent une solde mensuelle qui varie entre 1050 et 2100 dirhams, selon les assimilations de grades équivalents à leurs niveaux d’instruction. Ainsi, pour les appelés n’ayant pas le bac, elle est de 1050 dh, pour les titulaires du bac, elle est de 1500 dh, et pour ceux titulaire d’une licence ou plus, 2100 dh.
Si le service militaire est obligatoire pour les hommes, il est facultatif pour les femmes, comme pour les binationaux. Pourtant, celles-ci étaient nombreuses à s’inscrire. Certaines y voit un rêve d’enfance qui se réalise, comme Kaoutar de Marrakech qui a été affectée à la 1ère base navale de Casablanca.
Cette jeune de 23 ans, qui a le niveau bac, explique avoir vu la publicité à la télévision et avoir été enthousiasmée de prendre part à la 36ème promotion du service militaire. « Après m’être inscrite sur le site www.tajnid.ma, j’ai reçu la convocation par le Moqqadem, pour me rendre au centre militaire de Marrakech. Là-bas, je suis passée devant la commission, et j’ai passé l’examen médical », explique-t-elle, très émue d’avoir été acceptée.
Kaoutar affirme que cela n’a pas été facile au début. « Pour moi qui avais l’habitude de me lever à midi, me réveiller à 4H du matin n’a pas été évident… Tout est chronométré ici, le réveil, les repas, les activités… c’est très différent de la vie civile. Mais on s’est vite adaptés », nous raconte-t-elle. Et d’ajouter : « Je me rends compte aujourd’hui que j’ai gaspillé une bonne partie de ma vie à ne rien faire ». Kaoutar dit avoir oublié sa vie civile, que celle-ci est loin derrière elle. Elle espère intégrer les rangs de l’armée et affirme que même si elle n’est pas retenue, sa vie ne redeviendra jamais comme avant.
« Les filles sont très engagées dans ce projet, et on les sent très impliquées… Il y en a qui viennent de milieux très difficiles, et qui se sont inscrites au service militaire dans le but de changer leur vie et leur quotidien », explique une encadrante.
Venu de la ville de Kenitra, Tariq, 20 ans, Bac + 2, s’est engagé volontairement pour le service militaire en vue de rejoindre l’armée plus tard.
« Mon père est militaire, j’ai été élevé dans la discipline et l’autorité, ce sont des valeurs qui ne me font pas peur. Bien au contraire, ce sont des choses que j’apprécie et que je respecte », confie-t-il avec enthousiasme. Et d’ajouter : « Cette année est un gain pour moi que je continue ou pas dans l’armée, ces 12 mois de service ne peuvent être que bénéfiques pour ma carrière et mon avenir ».
Il est à noter que la 1ère Base Navale de Casablanca accueille 500 appelés masculins.
« Il y a eu des difficultés au début mais rien d’ingérable », nous explique le sous-lieutenant Essabbar, chef de section. « Plutôt des problèmes de gestions du temps, pour les nouvelles recrues qui ne sont pas habituées au réveil tôt, et aussi l’instruction. Faire comprendre le message à tout le monde, sachant que les niveaux d’études diffèrent, n’est pas une chose simple», explique le chef de section.
Pour garder le contact avec leur famille, les appelés ont le droit d’avoir des téléphones mais sans caméra. Les visites familiales sont autorisées les samedis de 12h à 18h et les dimanches de 8h à 18h.
La plupart de jeunes appelés voient dans le service militaire une opportunité d’intégrer les rangs de l’armée, mais aussi un changement dans leurs habitudes et une vie meilleure.
Au terme de leur service militaire, les appelés seront libérés, et selon l’article 12 de la loi N°44.18 relatif au service militaire, certains profils pourraient être retenus pour une carrière militaire…
Asmaa Loudni