Comme chacun sait l’indépendance de la Banque centrale date de 2006 avec de nouveaux statuts qui avaient ancré son autonomie en matière de politique monétaire.
Mais aujourd’hui, en 2019, non seulement son rôle de maintien de la stabilité des prix est prémuni de toute ingérence, institutionnelle, politique ou gouvernementale, mais, de surcroît, étendu à la supervision macro-prudentielle et à la contribution de la stabilité financière.
Bank Al-Maghrib, pour accomplir sa mission première, s’appuie sur l’analyse des évolutions de la conjoncture économique et des projections macroéconomiques en utilisant un système de modélisation développé avec l’appui du Fonds Monétaire International.
Deux missions essentielles
Celui-ci permet de faire, sur huit trimestres, des prévisions de l’évolution de différentes variables et notamment des pressions inflationnistes, assurant ainsi la définition du taux directeur, principal instrument de la politique monétaire, dans le respect de sa mission de garant de la stabilité des prix au Maroc.
Mais, un projet de nouveau statut de BAM, adopté donc en 2019 par le Gouvernement et la Chambre des Représentants, élargit les missions de la Banque à la contribution à la stabilité financière et renforce son autonomie en matière de politique monétaire, tout en lui conférant une force juridique et légale incontestable.
Et ce, à l’image du renforcement, à l’échelle internationale, du rôle des régulateurs, lesquels, au-delà de la politique monétaire, assurent la mission de stabilité financière depuis la crise financière de 2008.
Une concertation étroite
En effet, au Maroc, si l’article 6 des statuts de BAM a établi depuis quelques années, la définition stricte de sa mission et garanti son indépendance, aujourd’hui, il est prévu que Bank Al-Maghrib et le ministère des Finances se concertent régulièrement pour assurer une cohérence entre les politiques macro-prudentielles et monétaires avec les autres instruments de la politique macroéconomique.
Et c’est cette politique macro-prudentielle instaurée qui incarne l’extension de son rôle dans l’avenir.
En effet, sur le plan international, la politique macro-prudentielle n’était pas dans le radar des régulateurs avant la crise financière de 2007-2008.
Jusque-là, les banques centrales ou les régulateurs travaillaient surtout sur le micro-prudentiel, c’est-à-dire la supervision bancaire.
Il s’agissait de s’assurer que chaque établissement financier ne présentait pas des signes de difficultés, de déséquilibres ou de défaillances, en respect des normes bâloises qui fixaient un certain nombre de règles prudentielles, ratios de solvabilité, de liquidité, créances en souffrance, etc.
Il y avait un système de contrôle et de reporting opéré par le superviseur et chaque banque était jugée et jaugée individuellement, sans s’attarder suffisamment sur les interconnexions qui peuvent exister entre les institutions du secteur financier.
De la micro à la macro-surveillance
Après la survenance de la crise qui avait pris naissance aux États-Unis avec les subprimes, la politique macro-prudentielle est intervenue pour faire face, notamment, aux situations d’accumulation des risques pesant sur le secteur financier, que les superviseurs ne voyaient pas de manière intrinsèque.
En effet, l’introduction de la supervision macro-prudentielle permet de traiter de la transversalité, soit l’interconnexion entre les différentes composantes d’un secteur financier, banques, marchés des capitaux, compagnies d’assurances et autres institutionnels.
C’est avec la volonté de prémunir le système financier de la survenance d’autres crises de cette nature que les garde-fous de la surveillance macro-prudentielle ont été établis, notamment avec Bâle III.
La politique macro-prudentielle a aussi une dimension de temporalité, avec l’objectif de faire face à l’accumulation des risques pouvant se produire durant le cycle financier.
Elle permet d’évaluer la qualité de la croissance du crédit, en corrélation avec la croissance de l’économie. Pour cela, il a été défini, au niveau international d’ailleurs, une méthode statistique, qui évalue le ratio crédit par rapport au PIB et son écart par rapport à sa tendance de long terme.
Concrètement, si l’écart est trop important entre le ratio crédit et le PIB, il y a une expansion excessive du crédit (surchauffe) et il appartient alors au régulateur macro-prudentiel d’intervenir en exigeant des banques un matelas de fonds propres, appelé coussin contra-cyclique.
La pratique marocaine
Au Maroc, cet instrument a été introduit en 2016, et prévoit que BAM, jugeant de l’écart entre la distribution de crédits et le rythme de croissance de l’économie, peut demander aux banques de constituer ce coussin de fonds propres supplémentaire pour faire face à la surchauffe du crédit.
Ce sont les articles 108 et 109 de la loi bancaire de 2015 qui ont introduit la notion de surveillance macro-prudentielle et de risque systémique.
D’ailleurs, au sein de Bank Al-Maghrib et sous l’égide de son gouverneur M. Abdellatif Jouahri, la réflexion sur la stabilité financière d’une manière plus approfondie, a commencé dès 2007-2008, au moment de la crise financière internationale.
Il s’agissait d’évaluer les risques pesant sur la stabilité financière en tenant compte des effets éventuels de cette crise qui, après avoir rapidement impacté l’Europe, risquait de toucher notre économie par le biais notamment du ralentissement la demande étrangère adressée au Maroc.
Dans ce sens, en 2012, BAM a créé en interne un comité de stabilité financière, présidé par le Gouverneur et dans lequel siège l’ensemble des structures concernées au sein de la banque.
Et, pour cela, BAM a construit une cartographie des risques systémiques et mis en place un dispositif de stress tests dès 2012-2013.
Mais aujourd’hui, les nouveaux statuts 2019 de BAM, dont le cursus d’adoption touche à sa fin, confortent la mission de BAM en matière de préservation de la stabilité financière par une supervision macro-prudentielle dans le cadre du Comité de coordination et de surveillance des risques systémiques, institué par les dispositions de la loi bancaire.
Surveillance rapprochée et étendue
Ainsi, la surveillance macro-prudentielle, mission de grande importance pour BAM, fait l’objet d’un suivi rapproché par ce comité qui est présidé par le Wali de Bank Al-Maghrib, et composé de représentants de l’ACAPS, l’AMMC et la DTFE.
Ce comité élargi, qui se réunit semestriellement, examine la cartographie des risques systémiques, bancaires, des assurances et de la prévoyance sociale, des marchés des capitaux, avec les interconnexions qui peuvent exister entre les différents secteurs.
On y évoque également les risques émergents avec, en particulier, la transformation digitale qui touche aujourd’hui tous les secteurs.
Au vu de ce qui s’est passé dans l’immobilier, ce comité cherche aussi à anticiper la formation de bulles ou encore à évaluer le risque macroéconomique à travers l’examen de l’état des finances publiques et les déficits qui la concernent, le niveau des réserves de change.
Il surveille tout particulièrement la solidité des institutions financières, qu’elles soient banques, compagnies d’assurances, caisses de retraite ou autres.
Dans ce sens, l’entité chargée de la surveillance macro-prudentielle à BAM, fait un travail de titan, agrège toutes les données émanant des fournisseurs internes et externes avec l’aide d’un logiciel décisionnel, qui permet de consolider et d’avoir un entrepôt de données destinées à faire des analyses.
On obtient, en particulier, une évaluation des risques à jour, qui se base sur des statistiques monétaires, macroéconomiques et financières.
C’est en s’appuyant sur ces données, que BAM peut effectuer le scoring des risques et réaliser des projections.
La Loi bancaire a élargi depuis 2015, le champ d’intervention de la commission de coordination des superviseurs pour prendre en charge les risques nés de la crise de 2008, et notamment la notion de la surveillance macro-prudentielle et du risque systémique.
Aujourd’hui, les trois autorités que sont BAM, l’AMMC et l’ACAPS, étant installés, il faut que les statuts de chacune évoluent dans le sens de la supervision macro-prudentielle.
Bank Al-Maghrib est la première à avoir mis à jour ses statuts, et l’ACAPS et l’AMMC sont également en train de le faire dans le cadre de l’harmonisation des textes fondateurs des régulateurs.
Sans plus tarder
Mais le travail n’attend pas la régularisation des statuts des uns et des autres et une feuille de route triennale en matière de stabilité financière a été validée en décembre 2018 pour la période 2019-2021.
Parmi les actions de cette feuille de route figurent justement l’harmonisation des textes de trois régulateurs.
La Loi confère à Bank Al-Maghrib la présidence de ce comité et son secrétariat, ce qui confirme, in fine, la prééminence de la Banque centrale, et celle du secteur bancaire dans le système financier où il représente, en termes de poids près des deux tiers du total bilan….
Tout ce qui précède confirme que le Maroc met un point d’honneur à être en phase avec la réglementation internationale, doté d’un système financier sain et une réglementation au diapason des normes internationales.