Mme Nezha Hayat, Présidente de l’AMMC.
Comme chacun sait, le secteur financier a fait l’objet, tout au long des dernières années, de plusieurs réformes importantes dans l’objectif de mettre aux standards internationaux ses modes opératoires, assurer la protection des épargnants, la transparence des opérations sur le marché des capitaux et le respect des règles de bonne gouvernance pour les opérateurs et acteurs du secteur.
Parmi ces réformes d’importance, on citera la Loi 44-12, promulguée en décembre 2012, qui organise l’appel public à l’épargne en détaillant les modalités et informations exigées des personnes morales et organismes faisant appel public à l’épargne (APE).
On mentionnera également la Loi 43-12, promulguée en mars 2013, portant création de l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux, AMMC.
Enfin, on ne saurait oublier la Loi 19-14, promulguée en août 2016, concernant la Bourse des Valeurs, les sociétés de bourse et les conseillers en investissements financiers.
Par ailleurs, plusieurs lois relatives au secteur financier ont été modifiées et complétées notamment la Loi 78-12, promulguée en juillet 2015, qui apporte plusieurs modifications à la Loi17-95 concernant les sociétés anonymes.
C’est dans ce cadre qu’il convient d’appréhender la nouvelle circulaire de l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux qui vient préciser de nouvelles modalités destinées à déterminer les obligations que les émetteurs sont tenus de respecter dans le cadre de l’APE, lors de la réalisation des opérations financières et pendant la durée de vie des titres émis ou cédés dans le public.
Ce texte de l’AMMC vise donc à réaliser les objectifs suivants, déterminés à partir des lois évoquées plus haut et concernant le secteur financier et le marché des capitaux et plus précisément le dispositif législatif et réglementaire encadrant l’APE.
La Loi 44-12
Ainsi, concernant la loi 44-12, (APE et informations exigées des émetteurs), la circulaire fixe les contenus et modalités de publication des rapports financiers, annuels et semestriels. Ces modalités concernent également la publication des indicateurs trimestriels par les sociétés faisant APE.
En ce sens, l’AMMC applique ladite loi qui lui confie la fixation des modalités pratiques d’application.
Partant, le contenu des communications périodiques a été enrichi en y intégrant des informations plus complètes et pertinentes tels les états financiers in extenso, le rapport spécial des commissaires aux comptes, les commentaires des dirigeants, le rapport de gestion, le rapport ESG.
Par ailleurs, les délais de publication des informations périodiques ont aussi été aménagés de manière à assurer au marché une diffusion régulière de l’information tout au long de l’année.
De plus, cette circulaire de l’AMMC comprend également toutes les autres modalités prévues par la loi n°44-12, dont celles relatives aux nouvelles attributions de l’Autorité.
Il s’agit notamment de l’enregistrement des intermédiaires financiers, du pouvoir d’ordonner l’arrêt d’un APE ou de retirer le visa à un document d’information, ou encore de désigner un expert indépendant pour effectuer certaines vérifications techniques lors de l’instruction des dossiers d’APE.
La Loi 43-12
La loi n°43-12, qui concerne au premier chef l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC), a représenté une évolution cardinale du cadre de régulation du marché des capitaux national. En effet, elle exprime l’indépendance du régulateur qui voit également ses prérogatives renforcées et étendues, dont des attributions nouvelles qui touchent aux relations de l’AMMC avec les commissaires aux comptes des sociétés faisant appel public à l’épargne.
La circulaire fixe, par conséquent, les modalités d’information de l’AMMC sur les propositions de nominations des commissaires aux comptes, ainsi que celles relatives à leur obligation d’information de l’AMMC de tout fait susceptible d’affecter la situation financière de la société concernée ou d’entrainer des réserves ou un refus de certification de ses comptes.
La loi n°17-95
Cette loi, qui concerne les sociétés anonymes, a apporté des amendements d’importance par l’introduction de nouvelles dispositions destinées à améliorer la gouvernance et la transparence des S.A quand elles font appel public à l’épargne.
Celles-ci sont tenues désormais de publier leurs conventions réglementées et les rapports spéciaux de leurs commissaires aux comptes sur lesdites conventions. Elles doivent également disposer d’un site internet pour tenir leurs obligations d’informations. Par ailleurs, les sociétés dont les actions sont inscrites à la cote de la Bourse des Valeurs doivent dorénavant créer des comités d’audit comprenant des administrateurs indépendants dont les critères minimaux de qualification ainsi que les modalités de la composition des comités d’audit sont déterminés par l’AMMC.
La loi n°19-14
Relative à la Bourse des Valeurs, aux sociétés de bourse et aux conseillers en investissement financier, ladite loi avait pour objectif de restructurer le marché boursier et de l’adapter aux évolutions du contexte local et international.
En ce sens, elle a introduit des nouveautés majeures pour les possibilités d’accès à la cote de la Bourse des Valeurs.
C’est dans ce cadre qu’un nouveau marché alternatif, ou nouveau compartiment à la BVC a été réservé aux PME qui bénéficient de règles allégées.
De ce fait, la circulaire de l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux a différencié les règles applicables aux émetteurs faisant APE de manière générale de celles applicables aux émetteurs du marché alternatif. Les principaux allégements introduits concernent le contenu et les délais des différentes publications périodiques, ainsi que le contenu des documents d’information à produire à l’occasion d’opérations d’APE.
Mais la nouvelle circulaire de l’AMMC ne s’est pas contentée de préciser les modalités d’application des trois lois précitées. En effet, elle s’est intéressée à d’autres textes de Loi dont la 26-03 qui porte sur les offres publiques sur le marché boursier ou 35-94 relative à certains titres de créance négociables (TCN) c’est pourquoi l’AMMC a introduit une série de nouveautés dans cette circulaire, lesquelles tendent à l’amélioration de la transparence des émetteurs à partir de nouvelles obligations sur la teneur de l’information communiquée, sa fréquence et sa pertinence.
La circulaire a répondu à ces impératifs par plusieurs mesures, dont les principales sont :
-La revue des exigences d’information au moment des opérations financières. En effet, les modèles-types des documents d’information assujettis au visa de l’AMMC ont été revus pour améliorer la pertinence des informations fournies au public.
-L’introduction de nouveaux schémas de communication de l’information au marché en ligne avec les pratiques internationales en la matière.
-L’introduction du reporting extra-financier : la circulaire prévoit que les émetteurs faisant appel public à l’épargne, hormis les sociétés appartenant au compartiment des PME, intègrent dans leur rapport financier annuel un reporting ESG.
Celui aborde les problématiques environnementales, sociales et de gouvernance des émetteurs, ainsi que leurs réponses.
On soulignera que la pratique du reporting extra-financier est une tendance forte au niveau international.
Son adoption par le marché marocain en renforcera indubitablement l’attractivité et représente un signal fort émis par l’AMMC en direction des investisseurs internationaux.
Un process d’information et d’approbation élaboré
Pour cette circulaire dont l’importance n’échappera à personne, l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux n’a pas manqué d’observer des règles et procédures directement inspirées des référentiels et standards internationaux qui concernent les sociétés faisant appel public à l’épargne.
En effet, dès l’élaboration de ce texte finalisée, l’Autorité l’a mise en ligne sur son site Internet avant d’organiser des réunions de concertation avec les professionnels du secteur financier. Ces process ont permis d’intégrer certaines modifications et des ajustements issus de ces concertations.
Enfin, la circulaire a été soumise au Ministre des Finances pour homologation, puis publiée au Bulletin Officiel et ce, conformément aux dispositions de l’article 7 de la loi n°43-12 relative à l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux.
Afifa Dassouli