Dans un récent article, qui a fait quelque bruit sur Internet, « Maroc, mais qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez nous », le mode de gestion des affaires municipales, globalement entendu, était pointé du doigt et l’éventualité de confier cette charge à des technocrates, du fait de l’incompétence quasi-généralisée des édiles, était clairement énoncée.
Si une telle interrogation est née de l’observation sur une longue durée des graves lacunes constatées et vécues par la plupart des habitants des grandes villes de ce pays, certains ont souligné qu’il serait sans doute utile de poser les mêmes questionnements à propos de notre classe politique et de ses diverses composantes partisanes.
En effet, plus personne aujourd’hui, en dehors des nomenklaturas de chaque formation et de quelques militants à la fidélité aveugle, ne se risque à proclamer son appétence pour telle ou telle formation, parce qu’elles suscitent plus la défiance que l’adhésion.
Et si, dans la presse écrite, on voit fleurir des analyses pertinentes dédiées à la situation et à l’avenir des partis politiques nationaux en cette période pré-électorale, c’est parce que plusieurs observateurs ne peuvent se priver d’exprimer leur inquiétude.
Tout en partageant de telles appréhensions, on remarquera que notre pays a vécu des évolutions qui aujourd’hui sont partagées par maints pays de par le monde.
En effet, des États-Unis à la Hongrie, du Brésil aux Philippines, de l’Italie à la Russie, de l’Autriche à la Pologne, sans compter la France, l’Espagne, la Grande-Bretagne à des degrés moindres, la vague populiste et réactionnaire est dominante, avec son cortège de promesses fallacieuses, son appétit pour la xénophobie, sa haine pour l’étranger, etc.
Le Maroc, selon son propre modèle, ses spécificités, a vécu et vit encore une situation proche dans la mesure où depuis 2012, il est conduit par un gouvernement où un parti, le PJD, tient la chefferie, avec les piètres résultats que l’on sait.
A notre connaissance, en effet, depuis l’arrivée au pouvoir exécutif de MM. Benkirane, puis El Othmani, la croissance économique est atone, le taux de chômage n’a pas baissé, et les grands maux sociaux sont restés aussi prégnants que préoccupants.
L’expérience populiste et réactionnaire, globalement très négative, est donc connue des citoyens et elle est l’une des principales causes de la désaffection qui, à chaque élection, caractérise le comportement des électeurs.
La décennie noire !
Mais, on devra également remarquer que cette période qui, finalement devrait durer une décennie, 2012-2021, a été marquée par une formule qui s’est avérée proprement déficiente, celle de la constitution de coalitions parlementaires et gouvernementales faites de «bric et de broc» où, parce qu’il n’y avait pas de majorité absolue, on a vu se faire «l’alliance des contraires».
Le PJD, qui avait attiré dans ses rets un parti issu du mouvement communiste, le PPS, (quel profit pour les «camarades» ?), a «complété» son équipe avec des formations qui, en principe, étaient en franche opposition avec lui et cette alchimie n’a guère produit d’effets positifs parce qu’elle était fondamentalement malsaine et viciée à la base.
Parce que si, en politique, le compromis est nécessaire, la compromission, elle, est toujours interdite !
Qui, au demeurant, pourra contester une telle assertion au vu des résultats que nous ont donné ces dix années de domination gouvernementale d’un PJD plus habile dans le discours à relents démagogiques que dans la gestion des affaires publiques ?
Mais, contrairement à ce qui se passe notamment en Europe où l’on voit des forces se redresser et se dresser contre le phénomène d’abrutissement des masses, comme en Espagne, au Danemark, aux Pays-Bas, on ne perçoit pas chez nous ce processus de régénération et de rajeunissement des forces les plus intéressantes de l’échiquier politique.
Le PAM est en voie rapide d’implosion, le Mouvement populaire est aux abonnés absents, tandis que le RNI, emmené certes par un Aziz Akhannouch actif et dynamique, n’a pas encore convaincu véritablement, sans doute du fait de la présence à ses côtés de «barons» venus d’une autre époque, aussi peu motivés par l’action que désireux de conserver leurs places et leurs ambitions.
A gauche, l’USFP, tout comme le PPS d’ailleurs, se contentent de strapontins alors que lors de la décennie précédente, aux temps heureux de la Koutla et de l’alternance consensuelle, ils avaient été parmi les artisans d’une ère de progrès, d’avancées sociales et économiques.
Reste le Parti de l’Istiqlal, qui continue de jouer un rôle d’opposition constructive sous la férule de Nizar Baraka. Mais la jeunesse de son dirigeant et son intelligence sont encore insuffisantes pour un aggiornamento qui le débarrasserait de son habit de parti conformiste et conservateur.
Que proposer aux citoyens alors que le cycle électoral approche ?
Il serait utile que les stratèges du politique se penchent avec sérieux et diligence sur ces constats, que l’on propose des solutions radicalement différentes des formules adoptées depuis 2012.
Les alliances contre nature devront cesser, de même qu’il faudra essayer de pousser à l’émergence d’une nouvelle classe dirigeante, où la jeunesse (relative) prendra la place des vieux birbes ventripotents qui trustent les postes-clé, avec des programmes clairs et réalistes, le tout pour constituer une majorité cohérente et solide capable d’assumer le principe de la reddition des comptes.
C’est sans doute à ce prix que les citoyens retrouveront le goût de la politique et des politiciens !
Fahd Yata