Des lutteurs de sumo lors d'une cérémonie rituelle le 15 avril 2019 à Tokyo © AFP Charly TRIBALLEAU
Donald Trump au sumo, c’est une rencontre peu commune, ou même un choc culturel, qui se prépare entre l’inclassable président américain, peu soucieux des codes et usages, et l’ancienne lutte japonaise sacrée, figée dans des traditions plus que millénaires.
Au cours de sa visite au Japon, il remettra dimanche une toute spéciale « Coupe Trump » au vainqueur mais les passionnés de cette lutte de colosses quasi nus au visage impassible sont partagés sur la visite du bouillonnant chef d’Etat.
A commencer par le casse-tête logistique et de sécurité sans précédent qui nécessitera des aménagements qui font froncer quelques sourcils.
M. Trump n’est pas la première célébrité étrangère accueillie dans l’immense enceinte de plus de 10.000 places, le Ryogoku Kokugikan, véritable temple du sumo. Il a notamment été précédé en 1986 par le prince Charles et la princesse Diana et, sur un tout autre registre, par James Bond, dans le film d’espionnage de 1967 « On ne vit que deux fois ».
– Lancer de coussins –
Mais, à la différence de Charles et Diana, n’étant que président, il ne sera pas placé dans la loge impériale, lorsqu’il fera son entrée juste après une partie de golf avec le Premier ministre japonais Shinzo Abe.
Ce fanatique de lutte professionnelle occupera un espace situé à hauteur du ring, proche de l’action, sans trop non plus afin de lui éviter l’embarras de voir rouler à ses genoux un lutteur de 150 kg.
Au lieu d’être assis par terre sur des coussins comme le veut l’usage à cet endroit, le président âgé de 72 ans disposera d’un fauteuil, une entorse qui n’est pas du goût de tous. Enfin, un grand nombre de sièges seront condamnés pour assurer autour de lui un espace de sécurité.
Et comment vont réagir les agents du « Secret Service » quand ils verront voler tous azimuts des coussins lancés de toutes leurs forces par des supporters surexcités lorsqu’un grand champion, un « yokozuna », sera renversé par son adversaire ?
Mais au-delà de la sécurité, des questions plus profondes agitent les aficionados.
« M. Trump va accorder la grâce de sa célébrité au sumo mais je ne pense pas que les fans soient favorables à cela », dit le spécialiste Mark Buckton à l’AFP.
Le monde fermé du sumo, dont les historiens s’accordent à dire qu’il remonte à environ 2.000 ans et qui tire son caractère sacré d’un cérémonial apparenté au rituel shinto (religion animiste originaire du Japon), a été secoué par de choquants scandales.
– « Shiraku ! Shiraku ! » –
Accusations de maltraitance, d’usages de drogue, de combats truqués et de liens avec les yakuza, la mafia nippone, ont flétri l’image de ce sport traditionnel. La mort en 2007 d’un apprenti harcelé l’a elle plongé dans une crise.
L’Association japonaise du sumo a plus récemment fait les grands titres des médias japonais et internationaux après que des femmes, dont au moins une infirmière, eurent reçu l’ordre de quitter le ring alors qu’elles s’étaient précipitées pour faire un massage cardiaque à un homme pris d’un malaise.
La tradition interdit en effet aux femmes, considérées comme des êtres impurs, d’entrer sur le dohyô, lieu sacré fait d’un disque d’argile de 4,5 mètres de diamètre surélevé, où se déroule le combat.
Pour les traditionalistes, l’éventualité que le président américain, qu’ils voient aux antipodes des strictes conventions et du code d’honneur du sumo, monte dans cette arène, est une affaire des plus graves. « C’est un pas en avant et deux pas en arrière après les scandales du sumo », juge M. Buckton. « Certains trouveront même cela dégradant pour ce sport ».
« Donald Trump ne rend pas service à la cause du sumo », lance Toru Yashiro, un pharmacien de 63 ans, inconditionnel de ce sport. Kanako Tanabe, 46 ans, fleuriste, trouve au contraire « formidable » qu’un président américain vienne voir ce sport national ». « Ce sera un moment de fierté », dit-elle.
Mais Trump recevra-t-il le même accueil qu’un président du passé, le Français Jacques Chirac, passionné érudit de sumo, qui avait quitté le stade d’Osaka un jour de fin mars 2005 sous les applaudissements de la foule, debout, scandant « Shiraku, Shiraku ! » (Chirac, Chirac).
LNT avec Afp