Photographie prise et diffusée par le service de presse de la présidence ukrainienne le 20 mai 2019, montrant le président Volodymyr Zelensky tenant la Boulava, sceptre symbolisant le pouvoir, lors de son investiture au Parlement à Kiev © UKRAINIAN PRESIDENTIAL PRESS SERVICE/AFP Markiv Mykhailo
Investi président d’Ukraine, Volodymyr Zelensky a aussitôt annoncé lundi des législatives anticipées, s’attaquant bille en tête à une classe politique hostile à un novice qui a promis de transformer le pays en guerre et en difficultés économiques.
L’investiture de Volodymyr Zelensky, comédien devenu à 41 ans le plus jeune président de l’Ukraine post-soviétique, ouvre une nouvelle ère pour ce pays indépendant depuis moins de 30 ans.
Elu en capitalisant sur la défiance des Ukrainiens envers leurs élites avec ses promesses de mettre fin à la corruption et de « casser le système », il affronte une tâche titanesque, avec un conflit avec des séparatistes prorusses qui a fait 13.000 morts en cinq ans sans qu’une solution politique ne se dessine mais des capacités à agir très limitées sans troupes politiques.
« Je dissous le Parlement », a-t-il lancé dans son discours d’investiture dans l’hémicycle, exhortant les députés à limoger plusieurs responsables clé et adopter une série de lois pendant les « deux mois » de mandat qui leur restent.
M. Zelensky cherche à profiter de l’élan de sa victoire écrasante (73% des voix) pour remporter des législatives anticipées, sans attendre le scrutin prévu en octobre. Son parti « Serviteur du peuple », pour l’instant quasi-inexistant, est crédité de jusqu’à 40% des intentions de vote par les derniers sondages.
Sa décision de lancer une procédure complexe, très encadrée, risque de provoquer une bataille juridique, certains analystes n’excluant pas une crise politique et les détracteurs du nouveau président criant à « l’arbitraire juridique » et « l’usurpation du pouvoir ».
Volodymy Zelensky s’engage à maintenir le cap pro-occidental de cette ex-république soviétique. Mais son programme reste flou et son équipe largement inconnue. Et beaucoup s’interrogent sur sa capacité à diriger un pays toujours confronté à d’immenses défis, en premier lieu la guerre.
– « Terminer » la guerre –
« Notre première tâche, c’est d’arriver à un cessez-le-feu dans le Donbass », le bassin houiller en partie contrôlé par les séparatistes dans l’est du pays, a-t-il assuré dans son discours d’investiture, provoquant une salve d’applaudissements de députés. « Nous n’avons pas commencé cette guerre, mais c’est à nous de la terminer ».
« Je suis prêt à tout », à « perdre ma popularité », voire « mon poste pour obtenir la paix » et « faire revenir les territoires perdus » : le Donbass et la péninsule de Crimée, annexée par la Russie en 2014, a encore assuré M. Zelensky. « Ce sont les terres ukrainiennes », a-t-il poursuivi en passant plusieurs fois au russe, affichant sa volonté de tendre la main aux populations de ces régions majoritairement russophones.
En costume sombre, le nouveau président est arrivé à pied au Parlement depuis son domicile proche, saluant la foule massée le long des barrières et prenant des selfies avec ses partisans.
Il s’est ensuite plié aux rituels de l’investiture, prêtant serment, la main droite posée sur la Constitution de ce pays indépendant depuis 1991 et un Evangile du 16e siècle, avant de se rendre aussi à pied à la présidence après la fin des cérémonies solennelles.
« Toute ma vie, j’ai essayé de tout faire pour que les Ukrainiens sourient. (…) Pendant les cinq prochaines années, je vais tout faire pour que vous ne pleuriez pas », a lancé M. Zelensky, qui promet de se limiter à un seul mandat présidentiel.
« Merci, c’était marrant », a réagi sèchement le président du Parlement Andriï Paroubiï.
– Poutine attend pour féliciter –
La scène a déjà eu lieu à l’écran, dans la série télévisée « Serviteur du peuple » où Volodymyr Zelensky incarne un professeur d’histoire subitement élu président.
Cette fois, elle était bien réelle bien que difficilement imaginable il y a quelques mois. Peu ont pris au sérieux l’acteur et humoriste quand il a annoncé sa candidature le 31 décembre. Mais à l’issue d’une campagne inédite, jouée essentiellement sur les réseaux sociaux, il a écrasé son prédécesseur Petro Porochenko.
Elu il y a cinq ans dans la foulée du soulèvement proeuropéen du Maïdan, ce dernier a dirigé le pays pendant une période critique de son histoire, après l’annexion de la Crimée et le déclenchement de la guerre dans l’Est. On lui reproche notamment de n’avoir pas fait assez contre la corruption endémique.
Si les alliés de Kiev ont chaleureusement accueilli l’élection de M. Zelensky, la Russie, accusée par Kiev et l’Occident de soutenir militairement les séparatistes prorusses, a fait savoir qu’elle n’entendait pas changer sa politique vis-à-vis de l’Ukraine.
Aucun responsable russe n’était invité à l’investiture. Vladimir Poutine attend « ses premiers succès dans la normalisation des relations ukraino-russes » pour le féliciter, s’est borné à dire le porte-parole du Kremlin Dmitry Peskov.
LNT avec AFP