L'opposant et président autoproclamé vénézuélien Juan Guaido lors d'une conférence de presse, le 14 mai 2019 à Caracas © AFP RONALDO SCHEMIDT
Représentants du pouvoir et de l’opposition au Venezuela ont repris langue cette semaine à Oslo, selon des médias, une avancée saluée avec prudence par les experts après les violences qui déchirent le pays depuis des mois.
Lueur d’espoir dans la crise politique au Venezuela, des « négociations de paix » entre le pouvoir de Nicolas Maduro et l’opposition de Juan Guaido se sont tenues cette semaine dans la capitale norvégienne, affirme la radiotélévision publique norvégienne NRK, citant des sources anonymes.
C’est la deuxième fois que de tels pourparlers sont organisés sur le sol norvégien, d’après NRK, selon laquelle des négociations ont aussi eu lieu dans le passé à Cuba.
« Nous ne pouvons ni confirmer ni démentir l’implication norvégienne dans des processus de paix ou des initiatives de dialogue », a commenté une porte-parole de la diplomatie norvégienne, Ane Haavardsdatter Lunde, auprès de l’AFP.
La crise politique au Venezuela met aux prises Nicolas Maduro, président depuis la mort de son mentor Hugo Chavez en 2013, et le député de centre-droit Juan Guaido, à la tête du Parlement, qui s’est déclaré en janvier président par intérim et est reconnu par une cinquantaine de pays, dont les Etats-Unis.
Juan Guaido qualifie Nicolas Maduro d' »usurpateur » depuis l’élection présidentielle « frauduleuse » de mai 2018 boycottée par l’opposition et qui a permis au chef de l’Etat socialiste de se maintenir au pouvoir.
Selon NRK, les négociations d’Oslo, dans un endroit tenu secret, ont duré « plusieurs jours » et les deux délégations devaient regagner Caracas ce jeudi.
Plusieurs médias sud-américains, comme le journal ALnavio, ont aussi évoqué ces discussions, qui seraient une première depuis le soulèvement manqué du 30 avril auquel avait appelé Juan Guaido.
Aucun élément n’a filtré sur leur teneur, ni sur leur issue.
Selon les différents médias, elle impliqueraient, côté Maduro, le ministre de la Communication Jorge Rodriguez et le gouverneur de la province de Miranda, Hector Rodriguez.
L’opposition serait quant à elle représentée par l’ancien député Gerardo Blyde, l’ex-ministre Fernando Martinez Mottola ainsi que le vice-président du Parlement, Stalin Gonzalez.
– « Optimisme prudent » –
Plusieurs déclarations tendent à accréditer l’existence ces pourparlers.
Jorge Rodriguez est « à l’étranger pour une mission très importante », a déclaré Nicolas Maduro mercredi.
« Le groupe de contact, le Canada, le Royaume-Uni, la Norvège, le groupe de Lima ainsi que d’autres initiatives nous aident à trouver une solution à la crise », a de son côté tweeté Juan Guaido.
Pays hôte du prix Nobel de la paix et où ont été négociés les accords d’Oslo israélo-palestiniens, la Norvège a une longue tradition de « facilitateur » dans les processus de paix à travers le monde, notamment dans celui, réussi, entre le gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) en 2016.
Si de nombreux Etats européens ont reconnu Juan Guaido, le pays scandinave s’est contenté d’appeler à de nouvelles élections libres, une position perçue comme illustrant une volonté de jouer les intermédiaires entre les deux camps.
A la même époque, la cheffe de la diplomatie norvégienne Ine Eriksen Søreide avait dit que son pays était « prêt à contribuer si et quand les parties le souhaitent ».
Les informations sur la tenue de pourparlers ont été saluées, mais avec prudence, par les spécialistes norvégiens des questions sud-américaines.
« C’est dangereux d’y accorder trop d’importance », a souligné Benedicte Bull, professeure à l’université d’Oslo. « C’est très positif que les deux parties discutent mais il est très important de ne pas nourrir trop d’espoirs (…): il y a eu des discussions formelles à trois reprises dans le passé, et elles ont très vite échoué ».
« Ceci dit, la situation est vraiment critique aujourd’hui, et il est important que quelque chose soit fait », a-t-elle déclaré à l’AFP.
Même précaution pour Leiv Marsteintredet, professeur à l’université de Bergen. « On est encore à un stade précoce et je pense donc qu’il est très irréaliste d’attendre des résultats rapides », a-t-il expliqué à l’AFP. « Mais que les deux parties soient désireuses de parler est un changement récent qui peut justifier un optimisme prudent ».
A la crise politique, émaillée de violences qui ont fait des dizaines de morts, s’ajoute la pire crise économique de l’histoire récente de ce pays où, selon l’ONU, sept millions de personnes, soit un quart de la population, ont besoin d’une aide humanitaire urgente.
LNT avec AFP