Des étudiants algériens manifestent pour demander le départ de tout le "système" le 7 mai 2019 à Alger. Des associations accusent l'armée de chercher à imposer son modèle de transition "de force" © AFP RYAD KRAMDI
L’incarcération de Louisa Hanoune, cheffe d’un parti algérien trotskiste, dans une affaire de complot contre l’Etat montre que l’armée veut imposer « de force » son schéma de transition post-Bouteflika pourtant rejeté par la contestation, ont dénoncé vendredi deux associations à la pointe du mouvement.
Candidate aux trois dernières présidentielles en Algérie, Mme Hanoune a été placée en détention provisoire jeudi par un juge d’instruction militaire dans le cadre d’une enquête pour « complot contre l’armée » et « atteinte à l’autorité de l’Etat », selon le petit Parti des Travailleurs (PT) dont elle est la secrétaire générale.
Les chefs d’inculpation à son encontre n’ont pas été dévoilées.
« Un autre pas est franchi, une femme politique, cheffe d’un parti, est arrêtée après sa comparution en tant que témoin devant le tribunal militaire, ouvrant par-là la voie à tous les scénarios et toutes les dérives », s’inquiète la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH) dans un communiqué.
Pour l’ONG, « le coup de force s’installe, en faveur d’une transition clanique, où de plus en plus, l’armée », qui en lâchant le président Abdelaziz Bouteflika, a rendu inéluctable sa démission le 2 avril après 20 ans de pouvoir, « apparaît être au centre de la manœuvre ».
« Cette affaire +de conspiration contre l’armée+ ne serait-elle pas un bon alibi pour faire taire toutes les voix discordantes » s’opposant au processus de transition que « veut imposer au peuple », le général Ahmed Gaid Salah, son chef d’état-major, se demande la LADDH.
Des millions d’Algériens continuent de manifester chaque vendredi pour réclamer le départ de l’ensemble du « système » au pouvoir, notamment le général Gaid Salah, qui fut un pilier du régime Bouteflika durant 15 ans.
La contestation l’a considéré comme un possible allié quand il a lâché M. Bouteflika, mais sa volonté acharnée d’imposer un processus de transition conforme à la Constitution, dont l’organisation d’une présidentielle le 4 juillet, suscitent désormais la colère et les soupçons.
Pour le président du Rassemblement Action Jeunesse (RAJ), une association citoyenne, la détention de Mme Hanoune montre « la volonté du pouvoir réel incarné par le chef d’état-major de faire passer de force son agenda consistant à maintenir le système en organisant les élections du 4 juillet ».
Le pouvoir « veut étouffer le mouvement et faire peur (…) à toutes celles et ceux qui ne s’inscrivent pas dans sa feuille de route qui a pour objectif d’assurer une transition clanique », ajoute le président du RAJ Abdelouhab Fersaoui sur son compte Facebook, dénonçant « la nature autoritaire du régime ».
Il a également appelé à « l’indépendance de la Justice ».
LNT avec AFP