L'ancien PDG de Renault-Nissan, Carlos Ghosn, le 6 mars 2019 à Tokyo après sa première mise en liberté conditionnelle © AFP/Archives Kazuhiro NOGI
Le tribunal de Tokyo a annoncé jeudi avoir approuvé la libération sous caution de Carlos Ghosn, qui était retourné en prison début avril après une ré-arrestation surprise.
Le parquet a aussitôt fait appel, mais si ce recours suspensif est rejeté, le magnat de l’automobile déchu de 65 ans pourra retrouver rapidement la liberté, peut-être même dès ce jeudi. La caution requise, de 500 millions de yens (4 millions d’euros), a déjà été versée.
Il s’était déjà acquitté d’une importante somme – un milliard de yens – pour obtenir le droit de quitter le 6 mars le centre de détention de Kosuge (nord de Tokyo) après 108 jours de détention consécutifs à son arrestation initiale le 19 novembre.
L’ex-PDG de Renault-Nissan était alors apparu déguisé, portant une casquette bleue, un uniforme d’ouvrier de voirie, des lunettes et un masque de protection blanc, un accoutrement qui avait fait de lui la risée des médias alors même qu’il visait à tromper les journalistes massés devant la prison.
L’avocat qui avait eu cette idée avait dû s’excuser ensuite pour cet « échec » ternissant la réputation de son illustre client. Cette fois, M. Ghosn devrait sortir dans des conditions moins rocambolesques.
– Confiné au Japon –
Les raisons de la décision de libération n’ont pas été divulguées, mais le juge a manifestement été sensible aux arguments des avocats, qui ont insisté sur l’absence de risque de destruction de preuves et de fuite.
Ils ont aussi mis en avant un problème médical. « M. Ghosn souffre d’une insuffisance rénale chronique et nous avons détaillé cet élément dans notre requête », avait expliqué un peu plus tôt cette semaine son principal défenseur, Junichiro Hironaka.
S’il sort de prison, l’ancien grand patron sera soumis à de strictes conditions: « assignation à résidence, interdiction de quitter le Japon et autres conditions destinées à empêcher destruction de preuves et fuite », a précisé le tribunal.
Lors de sa précédente libération, Carlos Ghosn n’avait pas le droit d’utiliser un smartphone connecté à internet et il n’avait accès à un ordinateur qu’en semaine à des horaires définis, au cabinet de son avocat.
Il avait toutefois pu retrouver sa famille – son épouse Carole et ses filles venues spécialement – dans un appartement de location à Tokyo, enregistré auprès du tribunal et dont il n’avait pas le droit de s’absenter plus de trois jours. Il retournera dans le même logement, selon Me Hironaka.
Si un nouveau rebondissement n’est pas à exclure dans cette affaire hors normes, qui a vu la chute d’un des plus puissants PDG de la planète au moment où il s’apprêtait à tirer sa révérence, la dernière mise en examen de Carlos Ghosn semble clore les investigations du parquet.
Le dirigeant franco-libanais-brésilien est sous le coup de quatre inculpations pour diverses malversations financières, dont des dissimulations de revenus dans des documents boursiers et deux cas différents d’abus de confiance aggravé.
La dernière affaire, qui apparaît la plus sérieuse aux yeux des experts, porte sur des détournements présumés de fonds de Nissan, pour un montant de 5 millions de dollars, selon le bureau des procureurs.
– Son épouse mobilisée –
Face à ce qu’il qualifie d' »acharnement judiciaire », M. Ghosn a usé de plusieurs moyens – interview à quelques médias dont l’AFP, communiqués, comparution à sa demande devant un tribunal – pour clamer son innocence et dénoncer un « complot » ourdi par Nissan à son encontre.
Dans une récente vidéo, enregistrée la veille de sa ré-arrestation le 4 avril mais rendue publique quelques jours plus tard, il a encore insisté sur la thèse du piège tendu par les dirigeants du groupe japonais afin de le faire tomber et stopper ainsi le processus de fusion Renault-Nissan qu’il préparait.
Sa femme Carole, qui est aussi dans le viseur des procureurs pour son rôle supposé dans un des volets, se mobilise depuis des semaines pour dénoncer le traitement dont fait l’objet son mari.
Sa campagne est soutenue par plusieurs avocats étrangers comme japonais et des organismes internationaux, qui estiment que le système judiciaire nippon ne respecte pas les droits de la défense, dénonçant des interrogatoires répétés, sans avocat, pendant la garde à vue.
S’il est effectivement libéré, Carlos Ghosn pourra se consacrer activement à la préparation de son procès qui n’est pas attendu avant plusieurs mois.
Ses avocats ont déposé une requête écrite au tribunal afin qu’il soit jugé séparément de Nissan, groupe inculpé comme entité morale sur un des aspects du dossier, mais virulent pourfendeur de son ancien sauveur.
LNT avec Afp