L’OCDE, la FED la BCE annoncent en cœur des taux de croissance bas et en baisse.
Alors que l’OCDE affirme qu’il y aura moins de croissance partout dans le monde, la FED, elle, affirme qu’elle n’augmentera pas ses taux d’intérêt de sitôt et envisage même de les baisser à nouveau, en considérant le dernier chiffre de création d’emplois aux États-Unis, 20 000 en février contre 130 000, voire 150 000 attendus. Des chiffres annonciateurs de moins de croissance !
Pour sa part, la BCE a annoncé un repli de croissance qui se situerait à 1% en 2019, contre au moins le double annoncé.
Le blues des banques centrales
Il s’avère donc brutalement, que la croissance est partout en panne et le pessimisme s’installe, impactant ainsi les marchés financiers.
2018, en effet, aura été, au niveau mondial, une année heurtée sur le plan économique !
En cause, les relations commerciales entre la Chine et les USA qui ont été chamboulées au point que la Chine n’a cessé de réagir aux chocs imposés par le Président américain Trump à force d’augmentation des droits de douanes.
Mais jusqu’où la Chine, qui booste la croissance mondiale avec des taux dépassant les 8% par an, pourrait-elle résister quand elle sait que la stratégie américaine consiste à tout mettre en oeuvre pour ralentir son économie en pesant sur ses exportations et en faisant grimper sa monnaie, le yuan ?
Donald Trump cherche visiblement à éprouver la stabilité financière et sociale, donc politique, de ce pays qui menace de prendre sa place de première puissance mondiale.
Ce faisant, le président américain aurait un double objectif, d’une part, brouiller les filières de production et d’échange pour faire revenir aux États-Unis des industries jusque-là délocalisées et de l’autre, consolider la résilience de l’économie américaine aux chocs extérieurs, la rendant encore plus dépendante de sa seule demande interne.
En cela d’ailleurs, la Chine poursuit la même stratégie, faisant courir un important risque de fragilité pour les autres économies du monde, plus petites et, de ce fait, plus ouvertes pour répondre à leurs besoins.
Ainsi, dans ce contexte mondial où les grandes puissances économiques ne jouent plus leur rôle de leaders, la croissance du PIB mondial stagne, voire diminue.
Et donc, sa première manifestation directe est la tendance baissière de l’inflation dans les principaux pays avancés, aggravée par le recul des cours du pétrole.
Les taux et l’inflation, deux casse-têtes
La Zone Euro est la première à en souffrir, avec, pour l’année 2018, un taux moyen d’inflation de 1,7%, qui devrait continuer à s’affaiblir à 1,3% en 2019 pour se situer à 1,5% en 2020.
Aux États-Unis, l’inflation s’est établie à 2,4% en 2018 et devrait ressortir à 1,7% cette année et serait proche de l’objectif de la FED en 2020.
Cette faiblesse de la croissance économique mondiale combinée à celle de l’inflation impacte fortement les décisions de politique monétaire des banques centrales influentes.
C’est ainsi que la BCE, lors de sa réunion du 7 mars dernier, a non seulement gardé son taux directeur inchangé, mais surtout indiqué qu’elle ne prévoyait pas de le changer au moins jusqu’à la fin de 2019 et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire.
Et le plus surprenant, c’est qu’elle a également annoncé qu’elle mènerait, entre septembre 2019 et mars 2021, une nouvelle série d’opérations de refinancement des banques ciblées à plus long terme, pour assurer des conditions favorables pour les prêts bancaires et une transmission harmonieuse de la politique monétaire.
Et la BCE de démontrer ainsi que, contrairement à ce que l’on a pu croire, elle n’a pas encore fini, avec sa politique de « quantitative easing » consistant pour une banque centrale à racheter massivement des titres de dettes aux acteurs financiers,
M. Mario Draghi, son Président, compte continuer à peser à la baisse sur les taux encore deux ans et permettre aux banques d’accorder des crédits aux entreprises à des taux bas, pour booster la croissance économique.
Pour sa part, la FED vient d’opérer un revirement en mettant un coup d’arrêt à sa politique d’augmentation de son taux directeur et annoncé, à l’issue de sa réunion du 30 janvier 2019, son maintien dans la fourchette de 2,25%, 2,50%.
Les banquiers centraux se désespèrent donc d’avoir acheté des milliards de bons du trésor, finançant le déficit budgétaire et faisant baisser les taux longs avec le célèbre « quantitative easing ».
Mario Draghi, président de la BCE, déplore que « l’inflation à 2% à moyen terme » ne soit pas encore là, se limitant à1,5% !
M. Powell, pour la Fed, est aussi tétanisé par le même taux d’inflation à 1,5%, et n’arrive pas à atteindre son objectif affiché de 2%, alors que l’économie américaine est en plein emploi.
Il opère un virage et stoppe son changement de politique basée sur une augmentation progressive de son taux débiteur.
Sa crainte est-elle que la croissance américaine tombe de 3% en 2018 à 2% en 2020 ?
Faudrait-il à nouveau baisser les taux courts, racheter des bons du trésor pour faire encore plus baisser les taux longs ?
Les marchés sous tension
Car la faiblesse de la croissance économique est aujourd’hui un fait établi qui inquiète les experts et les marchés financiers.
Et la BCE annonce un ralentissement économique important pour l’Europe, à 1% uniquement en 2019 contre 3% prévus, assorti d’une inflation qui reste faible.
Cela veut dire que la faiblesse de l’économie européenne s’avère plus forte que prévue et surtout plus longue que prévue !
Les marchés financiers en retiennent que la remontée des taux d’intérêts est repoussée à 2023, compte tenu de son programme de soutien aux banques à taux zéro pour 2 ans, soit 4 programmes de 6 mois chacun.
Car pour eux, la remontée des taux d’intérêts et du taux directeur de la BCE incarneraient le retour de la croissance économique.
Les marchés financiers finissent donc par comprendre que si la BCE continue à soutenir ainsi la croissance économique, c’est que les taux d’intérêts resteront pendant des années encore à des niveaux bas.
Ce qu’exprime M. Draghi quand il énonce que « la banque centrale européenne peut jouer son rôle de taux bas et d’alimentation des banques, mais la croissance ne reviendra en Europe que si des réformes et des investissements sont engagés ».
Quant à nous …
Au niveau national, du discours du Gouverneur de la Banque Centrale, M. Jouahri, on retiendra que le maintien du taux directeur à 2,25% se justifie par la faiblesse des perspectives de croissance et de l’inflation dans notre pays !
Le Maroc étant l’un des exemples d’économies ouvertes, il ne peut que pâtir de cette baisse de la croissance dans les pays « riches ».
Bank Al-Maghrib indique d’ailleurs un ralentissement de la progression du PIB au troisième trimestre de 2018, à 3% au lieu de 3,9% à la même période un an auparavant. Et une croissance de 2018 de 3,1% contre 4,1% en 2017, avec la chute de la valeur ajoutée agricole de 15,4% à 4,3%.
Avec la précision que le PIB non agricole, qui dépend précisément des exportations de biens et services de notre pays, a quasiment stagné, passant de 2,7% à 2,9% cette année-là.
De plus, l’Institut d’émission prévoit une croissance du PIB marocain encore plus faible en 2019, à 2,7% seulement…
Ces constats, analyses et prévisions attestent ainsi que l’économie nationale, fortement dépendante de la conjoncture internationale, souffrira dans les mois à venir de la baisse de la demande adressée au Maroc.
Il reviendra donc à ceux qui sont aux commandes d’ajuster leurs manettes afin que ces chocs externes soient absorbés sans trop de casse, notamment en veillant à préserver voire améliorer la demande intérieure, véritable sinon unique moteur du PIB marocain !
Afifa Dassouli