Le Roi Mohammed VI, et le Pape François signent "l'Appel d'Al Qods"
La visite du Pape François au Maroc le week-end dernier, à l’invitation du Roi Mohamed VI, Commandeur des Croyants, a eu un immense retentissement, national et mondial, et elle s’est affirmée comme un grand moment de communion inter-religieuse.
C’est pourquoi il semble utile de décrypter les raisons qui ont amené celui qui est considéré par tous les catholiques du monde le chef de la Chrétienté, à séjourner deux jours durant en terre d’Islam, tout comme il est nécessaire d’analyser les motivations du Royaume dans cette grande rencontre diplomatique et religieuse.
L’église catholique, apostolique et romaine, dirigée par le Souverain pontife, aujourd’hui François, a été au-devant de la scène médiatique ces derniers mois, mais cette exposition n’a pas toujours été à son avantage car le Vatican et ses dépendances de par le monde ont été affectés par des scandales qui ont sérieusement terni son image.
Passer à l’offensive
Certes, François a fait montre d’une réelle volonté de bannir à tous jamais les pratiques odieuses de pédophilie au sein de l’Église, tout comme il a exprimé son intention d’en punir les auteurs, mais ces déviations inacceptables ont entraîné, outre des dégâts au sein des opinions publiques concernées, une posture défensive et de réplique, alors que Rome aurait préféré, incontestablement, être en situation offensive et active.
Reprendre la main et attirer l’attention sur des questions positives était donc nécessaire et la problématique du dialogue entre les religions, et surtout celui entre les deux religions du Livre les plus importantes et qui comptent le plus grand nombre de fidèles respectifs, était assurément un choix aussi judicieux que nécessaire.
L’Église, en effet, est préoccupée par les perceptions négatives qui affectent la religion musulmane en terres d’Occident car elles expriment en fait un rejet de toutes les valeurs de tolérance, d’humanisme, de charité et de foi qui, bafouées, reviennent in fine à détourner les croyants, quels qu’ils soient, de l’amour de Dieu.
La terrible tuerie de Christchurch en Nouvelle-Zélande est le plus récent exemple de cette « dynamique terroriste » qui caractérise malheureusement des individus, d’extraction chrétienne, musulmane ou autre, un peu partout sur notre planète.
Par ailleurs, le Pape est perçu et se considère comme le « berger » de centaines de millions d’ouailles qui se répartissent quasiment sur tous les continents.
L’Afrique, qui possède la démographie la plus agressive aujourd’hui, est encore considérée par la Papauté comme une terre de conquête, même s’il est avéré depuis plusieurs décennies que c’est l’Islam qui réalise le plus grand nombre de conversions sur les terres africaines.
L’Afrique commence à Tanger !
Venir au Maroc, c’était, incontestablement, se rapprocher des communautés chrétiennes africaines et leur exprimer tout l’intérêt que le Vatican leur porte.
Mais, de surcroît, le Saint Siège n’ignore pas qu’aujourd’hui le Maroc est devenu tout à la fois une terre d’accueil et de transit pour des dizaines de milliers de sub-Sahariens en quête d’une vie meilleure.
Certains cherchent à s’établir dans le Royaume, d’autres y séjournent dans l’espoir de gagner les rives européennes, de plus en plus hostiles et inabordables au demeurant.
Ces « damnés de la terre » africaine sont souvent issus de pays où le catholicisme est massivement pratiqué. Il s’agit donc de fidèles qui intéressent Rome et c’est au Maroc que l’on peut les rencontrer.
Et les représentations ecclésiastiques catholiques dans notre pays ont bien remarqué et profité du fort regain de fréquentation des églises chrétiennes chez nous, lequel est suscité, justement, par ces réfugiés sub-sahariens, en quête d’assistance spirituelle et matérielle.
Enfin, dernier argument qui explique la venue du Pape au Maroc, l’importance du dialogue inter-religieux, lequel est l’unique moyen de permettre la coexistence de communautés à la Foi différente, mais aussi, voire surtout, de combattre toutes les perceptions extrémistes, intolérantes, qui, immanquablement, font le lit de tous les terrorismes.
Le Pape François, en quête d’un interlocuteur pour cette perspective, ne pouvait trouver meilleur vis-à-vis que le Roi Mohammed VI, chef de l’État d’un Royaume millénaire et terre d’un Islam aussi pur que puissant, celui du sunnisme malékite.
The one, and the only…
Commandeur des Croyants, dont l’influence spirituelle s’étend bien au-delà des limes du Royaume, le Roi Mohammed VI a depuis longtemps exprimé sa volonté de dialogue avec les autres religions du Livre, matérialisé cette aspiration par des actes concrets, à portée intérieure ou externe, et surtout, bénéficie d’une légitimité et d’une autorité spirituelle incontestables, tant en terres d’Islam que dans d’autres aires religieuses.
Le Roi Mohammed VI est hautement fréquentable parce qu’il pratique une Foi faite de bonté, d’humanisme, de générosité, de tolérance, d’hospitalité et d’aide aux démunis, qu’ils soient musulmans ou non.
L’Islam au Maroc est sunnite et malékite, prône le respect des autres religions, voire permet la liberté du culte, ce qui n’est pas le cas pour d’autres perceptions où des lectures rétrogrades sévissent.
François aurait-il reçu le même accueil et la même écoute à Al Azhar, chez le Maréchal Sissi où la communauté copte pâtit dans sa chair de l’intolérance ? Peut-on imaginer qu’il soit reçu en Arabie Saoudite ?
Le dialogue entre le catholicisme et l’islam n’avait qu’une seule voie pour deux voix, celle de la rencontre entre Amir Al Mouminine, le Roi Mohammed VI, et le Primus inter pares, le Pape François.
Cette volonté commune, cette aspiration à la reconnaissance de l’altérité religieuse, cette culture de la tolérance ont d’ailleurs trouvé, à Rabat, lors de la rencontre de ces deux grands leaders spirituels, une matérialisation d’un symbolisme et d’une importance des plus hautes.
L’appel commun du Pape François et du Roi Mohammed VI pour la préservation des Lieux Saints de Jérusalem-Al Qods Al Charif, pour la liberté du culte en cette terre sainte aux trois religions du Livre, pour la préservation de son caractère œcuménique, est assurément le plus bel acquis de ce séjour papal.
Il intervient à un moment où le gouvernement d’extrême-droite israélien, avec l’appui affirmé de Donald Trump, s’engage dans la voie dangereuse des outrances, soient-elles territoriales, (Gaza, Golan), ou spirituelles avec les manœuvres pour porter atteinte à la trinité religieuse de la Ville Sainte.
Et c’est de Rabat que cet appel solennel des plus hautes autorités religieuses de l’Islam et du Catholicisme a été lancé.
Au Maroc, et nulle part ailleurs !
Fahd YATA