Un logo du géant chinois Huawei, le 5 mars 2019 à Bruxelles © AFP EMMANUEL DUNAND
L’Allemagne a lancé mardi les enchères pour l’octroi des chantiers de sa future 5G, sans exclure les équipementiers chinois comme Huawei, malgré les menaces de Washington de revoir la coopération sécuritaire transatlantique.
« Huawei est un équipementier important, déjà présent dans nos précédents réseaux, il sera difficile de se passer de telles entreprises et ce n’est pas du tout ce que nous voulons », a souligné Jochen Homann, président de l’agence fédérale des réseaux à la télévision publique.
Cet organisme public supervise l’enchère qui a débuté mardi matin. En tout 41 blocs de fréquence doivent être attribués aux quatre opérateurs en lice: Deutsche Telekom, Vodafone, Telefónica/O2 et 1&1/Drillisch.
Huawei ne peut prétendre à aucun des blocs, mais en tant qu’équipementier – comme son concurrent le chinois ZTE – il fournit déjà à ces opérateurs des infrastructures, notamment des antennes, et compte bien continuer avec l’avènement de la 5G.
Du fait de son avance technologique, le géant chinois est devenu un leader incontestable de la nouvelle génération ultrarapide de l’Internet mobile. Et se passer de son expertise risque de freiner le développement de cette technologie cruciale en Europe.
Mais pour Washington, ses antennes sont une version contemporaine du cheval de Troie, les Américains soupçonnant l’entreprise de transmettre des données à Pékin, en vertu d’une loi obligeant à la collaboration.
L’Australie, le Japon et la Nouvelle-Zélande ont déjà exclu les équipementiers chinois pour ces raisons, et d’autres y réfléchissent, les services de renseignement occidentaux ayant été nombreux à adresser des mises en gardes à leurs gouvernements.
– Menaces américaines –
Les Etats-Unis ont pour leur part mis une pression toute particulière sur l’Allemagne, première économie européenne.
Berlin est devenue une des cibles favorites de Donald Trump qui lui reproche pêle-mêle ses excédents commerciaux, la faiblesse de ses dépenses militaires ou encore ses approvisionnements en gaz auprès de la Russie.
L’ambassadeur américain a ainsi adressé une lettre au ministre allemand de l’Economie Peter Altmaier, proche d’Angela Merkel, pour lui signifier que la partage d’informations confidentielles pouvait être revue si Berlin ne bannissait pas les Chinois de son internet ultra-rapide.
La menace s’est accentuée la semaine dernière, quand le commandant suprême des forces alliées en Europe, le général américain Curtis Scaparrotti, a affirmé que les forces de l’Otan cesseraient de communiquer avec leurs collègues allemands si Berlin s’associait avec des groupes comme Huawei.
« Nous craignons que la structure de leurs télécommunications ne soit compromise car, tout particulièrement avec la 5G, la largeur de la bande passante et la capacité à soutirer des données sont incroyables », a fait valoir le général.
Selon les informations du magazine allemand der Spiegel, les experts en sécurité du BND, les renseignements extérieurs allemands, sont méfiants aussi.
Mais le ministre allemand de l’Intérieur, Horst Seehofer a déclaré la semaine dernière qu’il ne voulait pas ouvrir un nouveau front avec la Chine, alors que Berlin se dote déjà de loi pour pouvoir contrer des prises de participation dans des entreprises jugées stratégiques.
La chancelière a elle assuré laconiquement qu’elle allait « discuter » de sa stratégie en terme de protection des réseaux avec Washington.
– Pas de bannissement formel –
Plutôt que de bannir, selon les médias allemands, le gouvernement planche sur un catalogue de mesures valables pour l’ensemble des prestataires du chantier de la 5G : opérateurs, équipementiers, fournisseurs.
Celles-ci vont de la clause de non-espionnage, à l’obligation de tests en laboratoire pour l’ensemble des composants, en passant par l’obligation de publier des codes sources utilisés dans les infrastructures.
Dans certains cas le gouvernement pourrait aussi demander le remplacement d’équipements déjà installés, ce qui reviendrait à pouvoir exclure Huawei de certaines infrastructures, sans prononcer de bannissement formel, détaille le journal Handelsblatt.
Mais aucune législation spécifique n’est cependant encore inscrite dans l’agenda allemand, quand en France une proposition de loi similaire a été déposée par les députés de la majorité du président Emmanuel Macron.
LNT avec Afp