La politique monétaire menée par Bank Al-Maghrib a beaucoup évolué sur les 10 dernières années !
En effet, après la crise financière de 2007-2008, M. Jouahri, son Gouverneur, a compris que le rôle traditionnel de l’institution qu’il dirige ne pouvait plus se limiter à la préservation de l’inflation pour éviter la détérioration du pouvoir d’achat.
Il a donc mis en place pour les banques de la place, qui, du fait de la crise, pouvaient souffrir de manque de liquidités, des nouveaux instruments de refinancement bancaires.
Et ce, pour leur permettre de continuer à leur tour de financer l’économie.
Parallèlement, elle s’est engagée dans une politique de baisse de son taux directeur afin que le système bancaire propose des taux débiteurs compétitifs en faveur de la création de richesse.
Cette baisse, en 4 fois, a ramené le taux directeur, dit de base bancaire, à 2,25%, lequel n’a plus bougé depuis 2017.
Ne varietur !
Or, les opérateurs économiques et financiers s’attendaient à ce que le Conseil de BAM poursuive sa politique de soutien au financement de l’économie.
Ils ont encore manifesté ce vœu en septembre et décembre 2018, suite au maintien par la Banque centrale de ce même taux directeur à 2.25%, qu’elle jugeait à un niveau approprié au regard de l’ensemble des agrégats économiques.
Ils considèrent, en effet, que du fait de la faiblesse de la croissance du PIB national, BAM pourrait aller plus loin dans l’incitation des crédits bancaires en continuant à baisser son taux directeur.
En adoptant une politique monétaire encore plus accommodante, celle-ci pousserait plus les taux débiteurs à la baisse et favoriserait davantage ainsi le financement de l’économie par des crédits plus importants.
En effet, le constat est que la croissance économique non agricole se stabilise à un niveau inférieur à son potentiel, ce que les prévisions à moyen terme de la Banque Centrale corroborent par des prévisions guère optimistes et qui n’ont pas connu de changements notables confortés par un taux d’inflation de 1.2% pour 2019 et 1.4% sur un horizon de huit trimestres, ainsi que la faiblesse des crédits à l’économie qui stagnent depuis plusieurs mois.
Pourtant, avec du recul, il est facile de juger de la transmission du taux directeur sur ceux des crédits à l’économie, alors même que des taux bas n’impactent pas automatiquement la croissance des crédits à l’économie !
En effet, par exemple, en 2012, la croissance des crédits bancaires était autour de 10%, alors que le taux directeur n’était qu’à 3.25%. Et que celui-ci ait connu depuis quatre baisses consécutives de 25 points de base chacune, n’a pas entrainé une augmentation de ces crédits, qui au contraire n’ont cessé de décroître !
Les crédits bancaires ont connu une première phase de décélération à moins de 1% dès fin 2015, dont ils ne se sont que peu redressés avec une augmentation aujourd’hui qui se situe entre 1.5% et 3%.
Par contre, l’on peut prouver que le système de transmission de la politique monétaire aux taux bancaires a bien fonctionné. Car, le comportement des taux bancaires, montre que depuis 2012, toutes les baisses du taux directeur effectuées par la Banque Centrale ont été retranscrites de manière quasi identique sur les niveaux des taux débiteurs.
En effet, si le taux de base bancaire a perdu 100 points de base, le taux débiteur global est lui passé d’une moyenne de 6.42% à 5.35%, soit une baisse de 107 points, soit une cohérence totale.
Inversement, l’on pourrait légitimement se demander pourquoi les crédits à l’économie ne croissent pas automatiquement quand les taux directeurs et bancaires baissent ?
La réponse est certainement économique car le retour de la croissance des crédits à l’économie est tributaire d’autres facteurs dont le principal réside en la confiance des opérateurs privés. Preuve en est que, depuis 2012, l’État a contribué significativement à la relance économique par la demande.
L’investissement du Trésor n’a cessé de progresser et compte aujourd’hui pour un peu plus de 6 % du PIB.
Ce qui s’est spontanément traduit, toujours depuis 2012, par un doublement des encours de crédits accordés aux entreprises publiques non financières.
La confiance, la confiance, la confiance…
En comparaison et sur la même période, l’encours de crédits accordés aux entreprises privées non financières a diminué de 20 milliards de dirhams, à 346 milliards.
A fin décembre 2018, l’encours des crédits bancaires a atteint les 866 milliards de dirhams, avec un taux de progression en glissement annuel de 2.7%, légèrement en dessous de celui affiché une année auparavant, à savoir 3.1%.
Cette faible croissance concerne l’ensemble des catégories listées dans les statistiques de la Banque Centrale (équipement, trésorerie, immobilier et consommation).
Et plus grave encore, en 2018, l’encours moyen des crédits bancaires n’a été que de 841 milliards de dirhams, avec une progression de 2% par rapport à l’encours moyen de 2017, soit la croissance la plus faible de ces 20 dernières années.
Un constat s’impose selon lequel la faible progression des crédits à l’économie perdure depuis plus de six ans.
Leur croissance annuelle glissante fin de période a oscillé entre un plus haut de 4.6% en 2012, et un plus bas de 2.2% en 2014.
Depuis mars 2012, la Banque Centrale a initié quatre baisses de 25 points de base de son principal taux directeur qui, comme nous l’avons montré auparavant, se sont parfaitement transmises sur le coût du crédit, sans résultat probant sur la hausse des crédits bancaire !
En conséquence, l’efficacité de la politique monétaire n’est donc pas à remettre en cause ! Peut-être même qu’Il faudrait se demander quel aurait été le comportement des crédits à l’économie sans la politique monétaire accommodante de BAM, leur croissance aurait peut-être été encore plus faible !
Et si l’on remonte à j2007, l’on peut constater que la croissance des crédits à l’économie connaissait une phase d’euphorie où son taux de progression annuel glissant dépassait les 30% quand la croissance économique était à 6%.
On a même considéré que les crédits bancaires avaient connu des excès comme en atteste la progression du taux de créances en souffrance qui est passé de 4.3% en 2011 à 7.9% en 2016.
Aujourd’hui, un certain désendettement global de l’économie s’est certes produit depuis comme le montre le ratio crédit bancaire sur PIB, qui a perdu une dizaine de points en passant de 85% à 75%.
Enfin, s’il se confirme que les crédits actuels à l’économie sont compatibles avec une croissance non agricole de 3% à 3.5%, ils devraient plafonner à ce niveau sur les deux prochaines années.
En attendant, la politique monétaire basée sur un taux directeur bas, si elle ne s’accompagne pas d’une augmentation des crédits à l’économie, a amputé sérieusement les rendements obligataires et rogné les rendements des portefeuilles des institutionnels, de l’assurance vie et des placements de l’épargne, constituant un nouveau risque de détérioration économique qui ne peut qu’impacter la croissance globale de notre pays !
Afifa Dassouli